dimanche 20 mai 2012

Ma très chère douleur

Ces derniers jours, en goûtant au plaisir des queues pour les papiers de Lucie et pour les nôtres, je découvre Cioran dans un exemplaire en espagnol d'Aveux et anathèmes prêté par mon ostéopathe.

Je tombe sur ce fragment qui, en français, devait donner à peu près ceci:

"Ce qui est douleur est non-moi. Difficile, impossible d'être d'accord avec le bouddhisme sur ce point, cependant capital. La douleur, c'est ce qui est le plus nous-mêmes, le plus moi. Étrange religion: elle voit de la douleur partout et, en même temps, la déclare irréelle."

Quand je parle de cet extrait avec Adrián venu faire la connaissance de Lucie après une grillade avec des copines à Belgrano, sa réaction est immédiate:

– Ah, cette philosophie occidentale qui n'est pas capable de concevoir la vie sans douleur!

Gustavo, quand il aborde cette question, explique en général les choses de cette manière:

– L'égo adore faire son cinéma et rien de tel que la douleur pour ça. Il n'est jamais aussi content que quand on souffre, jamais aussi resplendissant, aussi à même de nous faire croire la fable de son existence, de nous faire gober que, sans lui, nous n'existons pas.

Cioran, si je comprends bien, devait tenir encore plus à sa douleur qu'à ses maigres heures de sommeil.