mardi 31 mai 2016

Andy, dis-moi oui!

– Papa, tu peux mettre Heidi s'il te plaît?

– Heidi?

– Ben oui, la musique que tu mets d'habitude dans la voiture...

– Ah! Andy! Mais bien sûr! Chou! Andy! Dis-moi oui! Chéri! Oh oh o-o-o oh!

– C'est un monsieur ou c'est une madame qu chante?


– D'abord c'est une madame et puis c'est un monsieur et une madame. Et t'as vu: y a même Ineo qui fait la batterie!

lundi 30 mai 2016

Me quitter de l'intérieur

Une note, de 2010:

"Hier après-midi, ce défilé des immigrés, ça m'a fait bizarre, parce que je me suis d'une certaine façon associé avec eux.

Mais je ne crois pas que c'était seulement une question de territoire, seulement une question de géographie, j'ai l'impression que je me sens de plus en plus un émigré – pas encore un immigré – de l'intérieur, je sens de plus en plus ces parties de ce vieux moi que je laisse en arrière, peut-être simplement parce que je sens mieux ce que je laisse et pas forcément parce que j'en laisse plus qu'avant, je ne sais pas trop, non, pas vraiment.


Je sens que je suis en train de me quitter de l'intérieur, même si je ne sais pas encore très bien ce que ça veut dire, même si c'est une vision encore très théorique lestée de quelques impressions qui traversent mes journées."

dimanche 29 mai 2016

Les gens chanceux

– En fait, je remarque que le trajet de vie des gens dépend plus des gens qu'ils rencontrent que de leurs aptitudes propres.

– Tu crois pas que c'est la même chose, que les personnes qu'on rencontre sont des incarnations de ces capacités intérieures qu'on serait incapable de voir autrement? Un peu comme ce maître qui incarne notre maître intérieur jusqu'au nomment où on découvre qu'il a toujours été là, en nous...

– Oui, absolument: on peut tout à fait voir les choses comme ça. Ça me fait penser à une étude qui a été menée sur les gens chanceux. Statistiquement, ils ne sont pas plus chanceux que les autres: ils savent simplement mieux saisir les opportunités qui se présentent.

– Ils sont plus alignés.

– Oui, c'est ça.

samedi 28 mai 2016

Une pizza avec Gustavo

Une note, de 2011:


"En rentrant de la charla, j’ai pris le métro avec Gustavo. Tout était simple, presque trop. Je devais bien un peu forcer pour que la conversation se fasse, mais l’ensemble était beaucoup plus fluide que d’habitude. Au point où il m’a proposé d’aller manger une pizza à Primera Junta. Beau moment, beau souvenir, mais beaucoup d’émotions se mélangent encore en moi."

vendredi 27 mai 2016

La France!

– La France, la France!

– C'est pas bien, la France?

– Tu sais, je suis passé par les grandes maisons et j'en suis revenu. J'ai plusieurs potes qui sont publiés dans la Blanche de Gallimard et qui vendent pas plus de 400 exemplaires... Juste des bouquins prétextes pour toucher des subventions, pas mis en avant le moins du monde!

– Alors c'est quoi, pour toi, l'important chez un éditeur?

– C'est que tu puisses avoir un véritable contact, un véritable échange, de la confiance. Pas être un putain de numéro.

– Et là, pour toi, c'est bon?

– Ouais, plus que bon!

Ce que je veux de l'autre

Une note, de 2010:

"Si je réagis aussi fort à toutes mes marques de dépendance, c'est bien pour ça, c'est bien parce que je sais que c'est par là que je souffre, que c'est depuis ma dépendance, que c'est depuis mon attachement que je souffre, parce que dans l'attachement, il y a la perte, et non seulement la perte mais aussi le pouvoir de ce à quoi on est attaché, le pouvoir sur soi, le pouvoir sur moi.

Une des manières de me détacher est de cesser de vouloir ce que je veux de l'autre. L'apport de l'autre sera toujours provisoire, sera toujours partiel. Pour apprendre à vivre avec l'autre, avec son apport provisoire et partiel, je dois apprendre à vivre sans l'autre, sans mon besoin de l'autre."

mercredi 25 mai 2016

Pas une minute à perdre

– Ceux qui ont reçu l’illumination ne perdent pas une minute, parce qu’ils ont compris l’importance bien relative de tout ce qu’ils font.

mardi 24 mai 2016

Qu'est-ce que tu dis?

– Bon, ben, je vais mettre mes boules Quies et je vais faire un gros dodo.

– Quoi? Qu’est-ce que tu dis?

– Ah ah, très drôle! Dire que ça fait quinze ans que j’entends la même chose...

– Ben moi, ça fait quinze ans que j’entends pas la même chose...

lundi 23 mai 2016

À peine plus grand

En allant en Argentine, je me suis éloigné de l'autorité comme mon père était éloigné de moi.

Mais, bien sûr, l'autorité grandit quand on s'éloigne, grandit quand on la cantonne à quelques relations malheureusement indispensables.

Quand on a la chance d'avoir des personnes sous sa propre autorité, des enfants, des employés, on peut, un instant, libérer une partie de cette angoisse en faisant les gros yeux, en criant, en imposant son propre pouvoir.

Naturellement, ce poids dont on se débarrasse un moment a tôt fait de revenir sur nos épaules, à peine plus grand. 

dimanche 22 mai 2016

Donne seulement ses qualités

– Quand on te demande ton opinion sur quelque chose ou quelqu’un, donne seulement ses qualités.

Conseil soixante-huit sur les huitante-deux que Gurdjieff donne à sa fille.

J’aurais certainement beaucoup à gagner à reprendre mon projet d’illustration par l’exemple de chacun d’entre eux.

samedi 21 mai 2016

Ce que ma vie veut faire de moi

C'est peut-être la question qui est mauvaise: pas "qu'est-ce que je veux faire de ma vie", mais "qu'est-ce que ma vie veut faire de moi"...

Le reflet de la page blanche

Une note, de 2010:

"Qu’est-ce qui me tient à distance de la page, qu’est-ce qui me donne peur d’écrire alors que c’est ce que je veux vraiment faire dans la vie? Je crois de plus en plus que c’est la peur de me retrouver face à une image de moi différente de celle que j’aimerais voir, d’une image pas à la hauteur, comme si la page était une sorte de miroir de l’intérieur et que je ne pouvais supporter de m’y voir que lorsque mon intérieur, à ce que je crois, est le plus à son avantage.

Quand il est angoissé, peu inspiré, fatigué, cet intérieur est insupportable, le reflet de cet intérieur – et même la page blanche est un reflet – m’est absolument insupportable. C’est pour ça que l’écran m’est pénible: parce qu’il me permet de voir en moi et que je ne suis pas prêt à voir en moi, à voir en moi toujours et tout le temps."

jeudi 19 mai 2016

S’aimer soi-même comme un autre

– S’il faut aimer l’autre comme soi-même il faut aussi s’aimer soi-même comme un autre. Il y a un devoir d’être heureux pour le bien de tous. Un homme heureux n’ajoutera pas de la souffrance à la souffrance, et si son bonheur est d’aimer il connaîtra même une plus grande joie à prendre sur lui la souffrance d’autrui…

mercredi 18 mai 2016

Eo! Icie! Papa! Elo!

– Eo! Icie! Papa! Elo!

– Oui, Ineo: on va partir tous les trois de la garderie en vélo!

– Moi je veux pas que tu viens nous chercher encore à vélo!

– Mais Lucie, toi qui aimes tellement ça...

– Moi je veux prendre mon vélo à moi!

– Ah, je comprends. Bientôt, on pourra aller tous ensemble, chacun sur son vélo!

– Eo! Icie! Papa! Elo!

mardi 17 mai 2016

Au moins un regard

Aujourd'hui, j'ai travaillé sur deux textes qui n'ont rien à voir, écrits par des personnes qui n'ont rien à voir.

Et, de ligne en ligne, j'ai retrouvé le même petit garçon perdu qui fait bouger le bras de l'écrivain pour arracher un sourire ou, au moins, un regard.

lundi 16 mai 2016

Et si on parlait de Veneno?

C'est pas le tout de faire une jolie traduction, l'idéal serait qu'on en parle un brin.

Version à peine plaintive:

– Excuse-moi d'insister un peu – quand je faisais le même job que toi, je trouvais ça un peu pénible –, mais c'est vraiment important pour moi: c'est pas si souvent qu'on traduit un auteur argentin par ici. Un beso!

Plus neutre, simple, amical:

– Juste un petit mot pour savoir si tu avais bien reçu notre Veneno et si tu avais pu y jeter un petit œil. Des morceaux de vies doux-amers ramenés de mes années argentines... Un beso grande!

Après une causette arrosée:

– Comment va? Bien fini la soirée? Juste un petit mot pour savoir si tu avais réussi à mettre la main sur cet exemplaire de Veneno qui doit traîner dans l'une des nombreuses piles de la rédaction ou s’il fallait que je t’en renvoie un…

Et puis, bien sûr, je repense à Gurdjieff: ne fais pas la promotion de tes œuvres!

Pas sûr que mon éditeur soit du même avis.

dimanche 15 mai 2016

Lussy

– Tu vois, ce village là-bas, c'est Lussy.

– Comme Lucie?

– Oui, comme Lucie! Ça s'écrit un peu différemment, mais ça se prononce pareil.

– Ineo! On arrive à Lussy comme Lucie! Papa, pourquoi tu respires comme ça?

– Parce que ça monte et avec vous deux dans la carriole, c'est pas facile de pédaler... Là, sur le panneau, c'est écrit: tu vois?

– Il y a aussi un L! Et puis un U!

– Oui, le début, c'est comme ton prénom. Après, c'est deux S et Y.

– I grec? Pourquoi c'est un I grec?

– Ben... Parce que quand on a donné son nom au village, on a mis un Y...

– Elle est où la place de jeu?

samedi 14 mai 2016

Quand la mémoire passe par le corps

Problème récurrent quand je mets la table: impossible de me rappeler de quel côté va la fourchette et de quel côté va le couteau. Il faut que je les prenne dans les mains pour que je sache comment les disposer.

Quand la mémoire passe par le corps.

Un livre sur l'altruisme

- Ces temps, je lis un essai sur l'altruisme. Une petite chose: mille pages. 


- Mais l'altruisme, c'est évident: pas besoin d'un bouquin pour ça... Un livre sur l'altruisme, c'est bien pour les hommes!

jeudi 12 mai 2016

Dans le plus ailleurs

J'ai eu besoin d'être dans l'ailleurs pour aller dans le plus ailleurs.

mercredi 11 mai 2016

Mes champs de temps

En Argentine, j'allais cultiver mes champs de temps, comme les émigrants de l'époque avec leurs vaches et leurs moissons. Et, comme les plus chanceux d'entre eux, je revenu plus riche, plus riche d'espace intérieur.

mardi 10 mai 2016

Deux cafés

Une dame entre en même temps que moi dans le buffet de la gare, je lui cède la place pour qu’elle puisse s’asseoir à la dernière table de libre.

Je demande à une autre dame si je peux partager la table avec elle: pas de problème. Alors je décide de lui payer son café, mais elle en a pris deux: pas de problème.


Je jette un coup d'œil à la première dame et je me demande ce qu'elle pense. Peut-être qu'elle ne pense rien: c’est ce que je pense des raisons de mon coup d'œil qui est intéressant.

Commencer par me connaître

Une note, de 2010:

"Me concentrer sur les personnes, c'est comme me concentrer sur moi: c'est mettre dans leurs têtes des réactions que je pourrais avoir, c'est me mettre à leur place, c'est me flatter ou me faire du mal. Chaque fois que je crois me poser des questions en fonction de l'autre dans mes textes, je me pose en fait des questions en fonction de moi. Juste le savoir et faire avec. Bien sûr, les autres auront toujours l'impression que je parle d'eux, bien sûr, les autres auront peur pour leur image, bien sûr, bien sûr.


Mais, du coup, ne serait-ce pas moi qui, là, ai peur pour mon image? Toujours penser à renverser les perspectives, toujours. Que ça devienne un réflexe. L'idée n'est pas de me débarrasser des autres, mais de mieux comprendre ce qui se passe en moi. Mieux comprendre ce qui se passe en moi pour être quelqu'un de meilleur et pouvoir mieux m'inscrire dans le monde, mieux m'inscrire dans son mouvement naturel. Commencer par me connaître pour être heureux. Le reste suivra de lui-même."

dimanche 8 mai 2016

Parachute

Une note, de 2005:

"Serré sur le haut de ses cuisses et sur ses épaules, son harnais creuse le décolleté de sa combinaison bleue (triangle de peau bronzée traversé par le haut d’un bikini turquoise) à mi-chemin entre celle du motard (pour la coupe) et celle du garagiste (pour le tissus). A se demander si son nombril doit être imaginé. Peut-être qu’en se rapprochant, de quelques pas...

Elle se couche dans l’herbe, à plat ventre, les bras en croix : son corps arqué en arrière ne repose plus que sur son bassin (elle soulève ses mains et ses talons le plus haut possible, comme si elle était déjà tordue par la chute). Deux tresses retiennent ses cheveux loin de son visage rougi, de sa bouche et de ses yeux crispés par l’effort (peut-être aussi par le plaisir procuré par la tension de certains muscles): ses membres retombent dans une expiration sèche.


Elle se lève et se dirige vers le petit avion rouge et blanc qui vrombit déjà devant la buvette."

samedi 7 mai 2016

Dresser une constellation précise

Faire mon possible pour arrêter d’évaluer ce qui arrive, de trouver que telle chose arrive pour une bonne raison et que telle autre arrive pour une mauvaise.

Les choses arrivent suite à une ribambelle de causes et de conséquences dont je ne perçois qu’une partie infime, partie dont je prélève une partie plus infime encore des causes et des conséquences qui m’arrangent.

Prendre note, simplement. Et, si je ne peux pas m’empêcher de gaspiller mon énergie à chercher des pourquoi, dresser la constellation la plus précise possible de ce qui est impliqué dans ce qui monopolise mon attention, pour les autres et pour moi.

Bien entendu, ça ne va pas m’apporter de réponse. Mais, au moins, l’évaluation et le jugement seront remis à plus tard, peut-être à beaucoup plus tard, au moment où mon intérêt pour ce qui a lancé la machine aura faibli et sera devenu pour ainsi dire inconsistant.

Je serai déjà passé à d’autres préoccupations et mes catégories mentales auront perdu une occasion de se renforcer et de se rigidifier. Une toute petite victoire, mais il faut bien commencer par quelque chose.

vendredi 6 mai 2016

Loin de la prudence et de la peur

Ces derniers temps, de plus en plus de trucs me rappellent pourquoi on était parti d'ici pour prendre un peu l'air, loin de la prudence et de la peur.

Mais la prudence et la peur collent aux basques: c'est pour ça qu'on est revenu là où on les a apprises pour leur faire la peau!

jeudi 5 mai 2016

Comme si mon esprit s’ouvrait et se refermait

L’espace qui se fait à l’intérieur de la tête, de chaque côté et puis aussi au-dessus. Comme si le champ de vision mental s’ouvrait à sa manière.

Lors d’un de nos retours en Suisse, j’ai travaillé cette ouverture mentale pendant tout le survol du Brésil, de Porto Alegre à Recife. Comme un exercice de fitness que je pourrais faire sur un appareil où je dois faire un effort pour ouvrir les bras le plus grand possible: et un, et deux, et trois. Comme si mon esprit s’ouvrait et se refermait, s’ouvrait et se refermait. Après, je me suis endormi ou j’ai regardé un film d’action, je ne sais plus.

Et puis j’ai oublié de pratiquer cet exercice et mon esprit s’est de nouveau mis à n’en faire qu’à sa tête.

mercredi 4 mai 2016

Provincialisme extrême

Une note, de 2007:

"Bricolage de cette table ronde au sujet de Fluxus. L’impression de vide que dégage cet art nombriliste qui veut détruire l’idée de l’art en faisant de l’art: qui est-ce que ça peut bien intéresser? Cette manière aussi de se passer les plats: provincialisme extrême de cette table ronde qui veut se donner un air international (Argentine et Uruguay)."

mardi 3 mai 2016

Une vie qui n'a pas de centre

– Une vie qui n’a pas de sens est une vie qui n’a pas de centre. Tout le rôle d’un enseignement spirituel est de nous rapprocher du centre, d’apprendre à faire ce que l’on a à faire en étant centré. C’est donc le rôle du thérapeute comme du maître spirituel – que ce soit à travers des techniques, à travers un enseignement – de nous ramener dans notre centre à partir duquel on pourra faire toute chose.

lundi 2 mai 2016

Les couleurs pour les moines

– Voilà: j’ai plus envie de dessiner les couleurs pour les moines.

– Pour les moines?

– Ben oui: les moines, ils connaissent pas le rose, ils connaissent pas le vert, ils connaissent pas le brun, ils connaissent pas le bleu, tout ça quoi!

dimanche 1 mai 2016

Les thunes, c'est pas ça qui manque

– Tu vois, j'ai un peu peur que si on commence à faire trop de bordel autour de cette rémunération des auteurs pour les tables rondes, ils ne m'invitent pas au Salon l'année prochaine...

– Eh bien, qu'ils ne t'invitent pas! Tu vendras quelques dizaines de livres en moins, mais c'est tout... Tu ne risques rien, tu sais, absolument rien! Je crois vraiment qu'il faudrait qu'on se retrouve à plusieurs et qu'on en cause, parce que les thunes, par ici, on peut pas dire que c'est ça qui manque...

Quelque part à l’intérieur du jour

– Quelque part à l’intérieur du jour, une porte, elle y conduit.