jeudi 31 mai 2012

Fille, tu es ar-gen-tine!

Fille, tu es ar-gen-tine! On vient de te faire tes papiers, tu sais, dans cet endroit avec beaucoup de bruits bizarres entre le taxi et le taxi. Tu as l'air d'aimer ça le taxi: une vraie demoiselle de grande ville!

Pour finir, ça s'est nettement mieux passé que prévu, juste la dame de la maternité qui avait oublié de copier mon nom de famille à côté de celui de maman sur le papier qui dit quand tu es née. Alors Marta, l'autre dame, celle qui devait s'occuper de tes papiers à toi, elle a fait un peu la tête. Elle a dit "Je dois aller voir Monsieur le Juge", mais quand elle est revenue, tout était en ordre. Enfin presque. Notre mariage, tu vois, on l'a fait en Suisse, alors il faut voir avec un autre Monsieur le Juge si notre mariage en Suisse ressemble assez à un mariage argentin pour faire comme si on s'était mariés ici aussi.

Heureusement que Jacquie était là! Jacquie, c'est la copine de Rodo, le monsieur avec qui je vais courir autour du lac dans ce parc où on va tout bientôt aller rouler avec ta toute belle poussette, celle qui est incassable et qui a trois centimètres en trop pour l'ascenseur. Jacquie, elle connaît bien Marta parce qu'elle aussi elle travaille dans la Commune 10, celle de Flores, dans les bureaux des papiers d'identité. C'est pour ça qu'elle a pu nous arranger très vite un rendez-vous et qu'elle a pu dire "Pardon" à Monsieur le Juge qui passait par là "on aimerait juste vous demander quelque chose", parce que n'importe qui ne peut pas juste arrêter un Monsieur le Juge au passage et lui demander ça.

Monsieur le Juge a expliqué qu'on devait inscrire notre mariage ici, en Argentine, mais qu'il ne pouvait pas le faire lui, parce qu'il travaillait justement dans le bureau des papiers d'identité et que nous, on ne pouvait pas le faire non plus à l'adresse que Marta nous avait donnée sur un petit bout de papier: on devait demander à un avocat de faire ce qu'il fallait faire, mais on devait faire attention à combien d'argent il allait nous demander parce que, des fois, les avocats méchants "demandent des fortunes juste parce qu'on est étrangers."

Heureusement, nous, un avocat, on en a un, tu sais, Adolfo, le monsieur avec des cheveux blancs qui était témoin à notre mariage, le deuxième qu'on a fait, ici, à Buenos Aires, après celui dans la chapelle construite par arrière-grand-papa dans les montagnes en Suisse. Mais bon, chère petite Argentine, tu comprends, un mariage bouddhiste, même s'il est très beau, même s'il est célébré par un vrai moine japonais, un Monsieur le Juge, ça l'intéresse pas trop.