dimanche 13 mai 2012

L'obstéricienne et le plombier

– Encore un petit truc. Le viatique pour la sage-femme, je crois que c'est ok, non?

– Les 350 pesos, oui.

– Parfait. Mais... Je crois que je vous en avais parlé: comme on a dû passer par une césarienne, il faudrait aussi donner quelque chose à l'autre obstétricienne qui m'a assistée pendant l'opération, celle qui était de garde, vous vous souvenez? Ça serait 500 pesos que vous pourriez me payer une fois que vous serez sortis de la clinique, dans une semaine à la prochaine consultation. C'est quoi qui te fait rire?

– Non, rien. C'est juste que ça fait une argentinade de plus...

– Tu peux rentrer en Suisse, si tu préfères! Moi, la Swiss Medical me paie à quatre mois et je suis pas défrayée pour mon équipe... Si tu fais venir un plombier chez toi, tu vas quand même pas lui demander une facture, non? Et puis, combien elle vous demandait, la sage-femme pour les accouchements à la maison?

– Écoute, Claudia, c'est pas une histoire de fric, c'est une question de manière.

– Oui, je sais, "on vous couvre sans maximum et sans limites", ce genre de trucs...

– Non Claudia, c'est pas ça. C'est comment ça s'est passé pour qu'on en arrive là, comment tu t'y es prise pour qu'on se décide à venir à la Suizo alors qu'on savait très bien que c'était pas encore le moment: tout allait bien, l'écho était parfaite, juste tes "légers doutes d'une professionnelle avec ses trente ans de carrière"...

– Ah, les fameux accouchements humanisés... Mais le reste, c'est quoi? Des accouchements animalisés?

– Claudia, on est entrés à 9h30. Si à 14 heures on savait déjà qu'on allait devoir passer sur le billard, pourquoi Celia a dû se taper encore deux heures de contractions? Tu trouves pas que ça fait beaucoup de douleur pour des prunes?

– C'est qu'il y avait pas de salle d'opération de libre et que, moi, j'avais pas encore fini au cabinet. Et puis je me disais que, peut-être, dans l'intervalle, ça pourrait dilater un peu plus, comme ça, tout d'un coup. On a déjà vu des cas...

– Ce que je regrette, au fond, moi, c'est de pas avoir pu mieux te communiquer ma confiance pour qu'on puisse attendre jusqu'à lundi, histoire de voir ce qui allait se passer pendant ce weekend de pleine lune.

– La pleine lune, ça fait pas partie de mes critères et puis, tu sais, ça n'a rien à voir avec ta confiance, c'est juste qu'il y a des règles médicales qu'il faut appliquer et qu'on peut pas commencer à faire n'importe quoi. Sept jours après le terme, c'est le protocole, c'est comme ça. Ça m'est déjà arrivé que des mères ne viennent pas au rendez-vous pour l'induction et, des fois, ça finit en tragédie, du genre de celle qu'on a frôlée mardi dernier avec ce bébé qui s'était fait un noeud avec son cordon ombilical autour du cou...