lundi 30 décembre 2013

Tante Pierrette

Quand je n’ai plus su quoi lui demander pour qu’elle n’aille pas se perdre dans cette mémoire qui n’est plus là, quand je n’ai plus trouvé de question à laquelle elle pourrait répondre avec le sourire de sa petite voix, tante Pierrette s’est mise à jouer avec la frange de la couverture posée sur ses genoux. Elle s’est endormie pendant que les camions remplis de terre se relayaient sur le terrain d’à côté pour faire pousser une maison à la place d’une vigne.

dimanche 29 décembre 2013

Il faut jouer vos émotions

– Il faut vous habituer à jouer vos émotions. Si vous vous mettez en colère, mettez-vous vraiment en colère, rajoutez-en, vous n’en ferez jamais trop, mais il faut pouvoir vous arrêter d’un seul coup, exactement quand vous l’aurez choisi. Vous n’êtes pas votre émotion: si vous croyez que vous ne faites qu’un, c’est votre émotion qui va décider, pas vous.

samedi 28 décembre 2013

Avant de sauver le monde

– Vouloir aider les autres, sauver le monde, c’est très bien, mais il faut d’abord apprendre à vous connaître vous, d’abord apprendre à vous aider, à vous aimer vous, à savoir qui vous êtes vraiment. En découvrant celui ou celle que vous êtes en vérité, il ne sera plus nécessaire de faire quoi que ce soit: votre simple existence deviendra le meilleur outil d’amélioration du monde.

vendredi 27 décembre 2013

Un bonheur à l’épreuve des balles

– Mon maître disait toujours que le véritable bonheur doit être à l’épreuve des balles. On vous coupe un bras: extraordinaire! Un éditeur est d’accord de publier votre premier roman: quelle chance! Votre seul enfant se fait écraser en traversant la rue: une expérience incomparable! Le bonheur, le vrai bonheur, ne dépend pas des circonstances.

jeudi 26 décembre 2013

Donner à l’autre la première place

Donner à l’autre la première place: plus facile dans les grandes choses que dans les petites, dans les actes d’altruisme spectaculaires que dans les détails répétitifs et discrets du quotidien.

La générosité, l’oubli de soi, l’amour désintéressé, il faut quand même que ça serve.

mercredi 25 décembre 2013

Mon désir le plus cher

– Si vous demandez aux gens ce qu’ils désirent vraiment dans la vie, si vous creusez un peu en posant des questions précises, vous vous rendrez vite compte qu’ils n’en ont en général pas la moindre idée.

mardi 24 décembre 2013

Être des humains

– Avant d’être des bouddhistes, essayez d’abord d’être des humains, de vivre votre vie en allant jusqu’au bout de vos désirs. Pour pouvoir vraiment étudier le bouddhisme, il faut d’abord apprendre à vivre.

lundi 23 décembre 2013

De beaux moments de lecture

Ce que je recherche en écrivant, au fond, c’est de beaux moments de lecture.

dimanche 22 décembre 2013

D’une poignée de prunes à l’autre

Dimanche, c’était un jour spécial. On s’est retrouvés, Celia et moi, à cueillir des prunes japonaises au bord d’un champ de lin, une mer de toutes petites fleurs bleues à hauteur de genou, à perte de vue.

Le champ et le verger sont à la famille de Gustavo, notre maître bouddhiste. Il avait commandé un petit bus pour amener une trentaine d’habitués du temple jusque là-bas, à 150 kilomètres au nord de Buenos Aires.

Ça faisait du bien de se retrouver à l’écart du bruit, à l’écart de toute cette énergie à la fois nécessaire et fatigante, à l’écart de cette ville dont il est si difficile de sortir tellement il faut d’énergie pour traverser une bonne heure de banlieue dans des bus aux freins brusques et suraigus.

Suivant les branches, il fallait lever les bras très haut pour arriver aux prunes, ces petites prunes vertes, dures, légèrement poilues, ces petites prunes qui sont tellement acides qu’on ne peut pas en faire grand-chose d’autre qu’un alcool, l’umeshu, ou qu’une espèce de chutney, l’umeboshi.

J’avais les bras au ciel, les épaules chaudes, des rayons de soleil dans les yeux à travers les branches, et je pensais à vous entre deux poignées de prunes, je pensais à ce que je sais de vous, aux moments que nous avons partagés. Et c’est là que j’ai compris que c’était justement ça que je voulais vous écrire, toutes ces pensées qui partaient vers vous d’une poignée de prunes à l’autre.

samedi 21 décembre 2013

Rien à prendre, rien à garder

– Le zazen n’est pas là pour me faire devenir quelqu’un de spécial, le zazen n’est pas une méthode de développement personnel. Il n’y a rien à prendre, rien à garder.

vendredi 20 décembre 2013

Ce que doit être un roman

Je me suis pris dans l’idée que je me faisais de ce que devait être un roman.

Je me suis réfugié dans ce qui existait, je me suis mis à m’ennuyer en écrivant, je me suis dit que le roman n’était pas fait pour moi.

Ce roman-là, non, en effet.

jeudi 19 décembre 2013

Tout plein d’escargots sur la tête

– Tu vois, ce monsieur-là, c’est Bouddha.

– Encore?

– Oui, celui-là aussi.

– Encore?

– Oui, aussi. Tu vois, il a tout plein d’escargots sur la tête pour le protéger de la pluie.

– Encore?

– Non, ça c’est une bougie. Fais attention avec ton parapluie! Ils sont pas très solides les Bouddhas dans ce magasin...

– Encore?

– Oui, c’est aussi Bouddha, mais remets ce petit caillou où tu l’as pris s’il te plaît, là, dans le jardin zen. Non, pas dans la bouche! Merci.

– Encore?

– Oui, encore, mais il est grand celui-là, hein! Il est tout chauve et puis il a pas d’escargots sur la tête… Mais on va retourner à la maison pour aller voir maman. Tu pourrais remettre le parapluie où tu l’as trouvé s’il te plaît? Tu te souviens où tu l’as trouvé, non? Reviens! Reviens! C’est pas le tien de parapluie!

mercredi 18 décembre 2013

Du vécu, de l'imagination et du style

Une note, de 2004:

"À la fois du vécu, de l’expérience et de l’imagination, du style – et, surtout, sentir les uns à travers les autres, quel que soit le point de vue qu’on adopte."

mardi 17 décembre 2013

Penser progressivement

– C’est en cherchant des raisons que vous obscurcissez votre esprit. Il faut faire confiance, il faut s’ouvrir l’esprit, apprendre à sentir, à savoir que c’est juste, à savoir quand c’est juste. Il faut penser, mais pas comme vous croyez, non, pas du tout: il faut penser progressivement, de manière constructive, pas en rond. Il faut penser et penser et penser, mais arrêter de penser quand on ne peut pas penser plus loin, parce qu’il arrive un moment où on ne sait pas, un moment où on ne peut plus penser parce qu’on n’a pas assez de matière pour ça, parce qu’on n’a plus de carburant. Alors il faut arrêter, juste à ce moment, laisser les choses telles qu’elles sont, surtout ne pas se mettre à perdre de l’énergie en tournant en rond.

lundi 16 décembre 2013

Ma nouvelle vie, sereine et sans histoires

Égocentrique par nature, j’avais rapidement tendance à croire que les autres faisaient les choses pour ou contre moi.

Mais j’ai malheureusement dû finir par me rendre à l’évidence: chacun fait toujours et sans exception les choses exclusivement pour soi.

C’est ce jour-là qu’a commencé ma nouvelle vie, sereine et sans histoires, de simple paramètre à peu près négligeable.

dimanche 15 décembre 2013

Pom pom pom

Pom pom pom, on sera bien gentil de ne pas bouger autant que ça, pom, voilà, merci, suivant, pom pom, voilà, ça fait un peu désordre cette main devant le visage, là, on la pousse sur le côté, merci, pom, voilà. I’m singing in the snow, pom et pom et pom. So happy to be alive, pom, alive, pom, alive. Si je te dis de pas bouger tu bouges pas, tiens, voilà, un plus joli sourire, pom pom et une de plus pour tout ce que tu m’as fait transpirer, pom, tu vois, même pas à se faire de soucis pour la facture du dentiste. Quoi? Je comprends pas bien. Comment? Plaît-il? Votre petit garçon? Lequel? Celui-là? Oui? Il ne faut pas quoi? Désolé, toutes ces détonations m’ont ruiné les tympans. Pas quoi vous disiez? Pom pom. Pas le quoi? Ah: pas le tuer. Vous auriez pu articuler tout de même. Pauvre petite tête blonde. Avec les petits anges parce que sa maman n’est pas capable d’articuler sans sa mâchoire. Trop bête, oui, trop bête. Allons, fêtons ça: un petit au revoir au petit enfant mort, une petite larme, et ça va commencer à être l’heure, pom pom. Et pom. Et une bonne petite flambée.

samedi 14 décembre 2013

La soif d’expériences

La soif d’expériences: en faire des souvenirs et des connaissances, se perdre dans leur contemplation et mourir.

vendredi 13 décembre 2013

Pourquoi s'obstiner à vivre sa vie?

Comme c’est tellement plus facile de vivre la vie des autres, de leur montrer ce qu’il faut faire, comment, où, quand le faire ou ne pas le faire, on en vient parfois à se demander pourquoi on s’obstine bêtement à vivre sa vie à soi.

jeudi 12 décembre 2013

Ne pas aller chercher les idées

Une note, de 2010:

"Être concentré au point de ne pas me rendre compte que je suis en train d’écrire. Arriver à ce type de concentration là. Ne pas aller chercher les idées, ne pas aller chercher les mots ailleurs que maintenant. Les laisser venir."

mercredi 11 décembre 2013

Un des avantages de la sinusite carabinée

Dans ce train pour Lausanne qui ne s’arrêtait malheureusement pas à Renens, ce train que j’avais pris de justesse après une bonne trotte depuis chez nous parce que je m’étais rendu compte, presque arrivé à l’arrêt du 702, que j’avais oublié mon iPhone, dans ce train qui ne me donnerait donc pas la possibilité de prendre le métro qui m’aurait permis de rejoindre Emmanuelle à l’uni avec une seule heure de retard, au moment précis où j’ai présenté au contrôleur ma carte journalière dotée d’une indispensable zone 11 normalement inutile pour le trajet que je pensais faire mais que j’avais rajoutée au cas où, je me suis dit qu’en noyant dans ses filaments visqueux ce flot ininterrompu de pensées superflues qui se pressent en général sous mon crâne, cette sinusite carabinée avait au moins eu l’avantage de me faire goûter à un instant de présence au monde absolument directe, libérée de mon égo étourdi par les miasmes.

mardi 10 décembre 2013

C’est le moment de m’amuser

Si c’est moi qui écris, on va rester dans l’attendu et le plat: bien trop peur de passer pour un crétin.

C’est le moment de m’amuser un peu et de laisser la place à tous ces autres en moi qui ne rêvent que de prendre la parole.

lundi 9 décembre 2013

Nagada nagada nagada

– Tu lui chantes des mantras à Lucie?

– Oui, des fois, quand on fait des balades en poussette.

– Parce que l’autre soir, dans le bain, elle répétait un truc du genre nagada nagada nagada et je me demandais si…

– Ça doit être ça. En général, c'est ce qu’elle se met à chanter pour m’accompagner: son petit NAMANDA à elle.

dimanche 8 décembre 2013

On me raconte des histoires

Pour faire un peu de place à Emmanuelle dans notre chambre d’amis qui est aussi notre bureau, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé manipuler les piles de livres posées là depuis mai dans le but de leur trouver une place dans l’un ou l’autre de nos rayonnages déjà pour la plupart bondés à double épaisseur.

Tous ces livres, il faut que je m’en fasse une raison, je n’en lirai certainement pas la grande majorité parce que je commence à en avoir marre qu’on me raconte des histoires.

Longtemps, j’ai cru que les romans pouvaient nous apprendre des choses sur le monde, nous faire vivre d’innombrables vies, ce genre de choses qu’on dit quand on parle de littérature. Mais j’ai de plus en plus l’impression que les livres, ça distrait, ça empêche de se concentrer sur le centre de la vie en nous ensevelissant sous des expériences toutes plus captivantes les unes que les autres.

Donc, il va falloir soit que je pense à changer de job, soit que je me fasse à l’idée que le centre de la vie est partout, y compris dans les histoires qu’on lit et qu’on écrit.

samedi 7 décembre 2013

Le Shinran que tu as publié

Cette nuit, j’étais à genoux en train de méditer et je me suis réveillé d’un coup: j’étais en habit noir de cérémonie et mon maître de Buenos Aires, rapidement rejoint par un des deux moines tibétains que j’avais rencontrés au temple du Mont-Pèlerin, me regardait avec un air préoccupé, du genre: Mon gars, faut te réveiller!

Ce que j’ai fait sur le champ et je suis allé vérifier sur mon iPhone si le Shinran publié par ta maison d’édition, ce Shinran dont tu m'avais parlé hier soir à l'apéro, était bien cette biographie que j’avais failli traduire en espagnol pour que les gens du temple de Buenos Aires puissent aussi en bénéficier, ce livre que je m’étais fait apporter en Argentine par un copain parce que mon maître m’avait dit qu’on avait la chance d’avoir en Suisse le meilleur spécialiste occidental du Jodo-Shinshu, le seul Occidental, à son avis, qui avait plus ou moins compris quelque chose à cette école du bouddhisme: Jérôme Ducor.

Du coup, je me suis dit que le monde était décidément bien petit et j’ai encore mieux compris pourquoi, toi et moi, on bossait ensemble.

vendredi 6 décembre 2013

Lucie s'amuse avec les moines

Hola Sensei!

Comment ça va?

Comme je dois prendre mes distances avec mon ordinateur et ses réseaux sociaux, j’ai décidé de revenir au cahier et – surprise! – quand j’ai ouvert celui que m’avait offert Marina, j’ai vu qu’il commençait par une belle calligraphie. J’imagine qu'elle doit dire NAMOAMIDABUTSU, mais je voulais être bien sûr (et puis j’ai aussi pensé que ce serait un bon prétexte pour vous écrire…).

Salutations à votre famille, à l’équipe du Furaibo, aux gens des rencontres du mardi soir et un abrazo pour vous!

Pierre

PS: Dimanche, je suis entré "par hasard" dans le temple des Tibétains dans la montagne à côté du lac de Genève. Lucie s’est beaucoup amusée en jouant avec les moines qui récitaient des sutras et moi, bien entendu, je me suis ému en la regardant et en regardant le coucher du soleil sur le lac entouré de montagnes blanches.

jeudi 5 décembre 2013

L’essentiel est offert

– Le superflu est onéreux, mais l’essentiel est offert. Encore faut-il le savoir.

mercredi 4 décembre 2013

Un dessous dans l’espace

Il y a bien ces phares qui dessinent une route, droite, loin en dessous, des phares qui montrent qu’il y a un dessous dans l’espace, qu’il y a quelque chose de verticalement éloigné vers le bas et que, dans ce quelque chose, passe une route sur laquelle peut passer une voiture – ce qui arrive exactement maintenant.

Cette route, comme vue d’avion, parfaitement droite, entre les arbres, au milieu de la neige.

mardi 3 décembre 2013

Vous asseoir pour vous asseoir

– Bien sûr, vous pouvez méditer dans un but précis: calmer vos angoisses, améliorer votre concentration, atteindre l’illumination... Mais chaque but que vous vous donnez limite votre action: il faut vous asseoir pour vous asseoir et c’est tout. Après une année, rien ne va changer: il faut vous asseoir. Après dix ans, rien ne va changer: il faut vous asseoir. Après cinquante ans, rien va changer: il faut vous asseoir. Ça ne doit plus dépendre de vous, de votre humeur, de votre bon vouloir, ça ne doit plus être un choix: ça doit être une habitude.

lundi 2 décembre 2013

L'art nous laisse absolument seuls

L’art amplifie la tristesse et la beauté de cette vie qu’on ne sait plus sentir. Une fois tout soigneusement renforcé, il nous laisse absolument seuls avec une vie qui ne peut correspondre en rien avec ce qu’il nous a fait entrevoir.

Au milieu de cette vie minuscule et grise, on s’oblige alors à sentir des choses toutes petites, des choses insignifiantes histoire de se sentir accompagnés, et c’est quand la vie commence à se peupler spontanément d’instants imprévus qu’on découvre que l’art n’avait jamais cessé de nous tenir par la main.

dimanche 1 décembre 2013

Prenez un comportement qui vous irrite

Prenez un comportement qui vous irrite chez l’un de vos proches.

Notez scrupuleusement l’heure de l’une de ses manifestations dans un petit carnet choisi spécialement dans ce but.

Attendez vingt à trente minutes.

Observez le comportement en question, à l’identique ou presque, surgir dans vos propres mots, dans vos propres gestes ou vos propres pensées.

Toujours aussi scrupuleusement, décrivez ce comportement dans votre petit carnet.

Répétez l’opération au moins une fois par jour pendant une semaine.

Relisez votre carnet armé d'une bienveillance proverbiale.

samedi 30 novembre 2013

Trois ou quatre pourquoi

– Si vous voulez savoir si quelqu’un a l’habitude de réfléchir, de réfléchir vraiment, posez-lui une question avec trois ou quatre pourquoi ensuite. S’il répond aux pourquoi, c’est qu’il a l’habitude de réfléchir.

vendredi 29 novembre 2013

Rien, ça n'a jamais de fin

– Vous pouvez vous concentrer sur ce que vous voulez: la flamme d’une bougie, une image de Bouddha, la chemise que vous êtes en train de repasser ou alors sur rien. L’avantage de se concentrer sur rien, c’est que ça n’a jamais de fin.

jeudi 28 novembre 2013

Claustrophobie de perfusé des réseaux

C’est quand j’ai vu l’effort que ça me demandait de lâcher mon ordinateur pour prendre un livre que j’ai commencé à sérieusement m’inquiéter.

Une seule histoire, à suivre de manière désespérément linéaire au fil des pages… Quelque chose de limité tout d’un coup, d’enfermant: claustrophobie de perfusé des réseaux.

mercredi 27 novembre 2013

Une douleur à la fois

En suivant les conseils de mon cher Maître, je me suis concentré sur ma molaire, sur la douleur qui s’y manifestait par intermittence, douleur exquise que j’ai circonscrite, que j’ai gardée là pendant que la fraise faisait son travail et que j’ai observée comme j’ai observé la transpiration qui s’est mise à me recouvrir les avant-bras.

Malheureusement pour mon cher, très cher dentiste, l’aspirateur à salive s’est petit à petit planté dans le bas de ma bouche et, quand mon maître du jour a fini par le déplacer en réponse à mes gestes insistants, il n’a pas pu s’empêcher de lâcher un commentaire qui l’a fait passer très très près du coup de boule.

mardi 26 novembre 2013

La prochaine fois chez le dentiste

– La prochaine fois chez le dentiste, demandez-vous si vous voulez vraiment une anesthésie. S’habituer à la douleur, c’est une bonne manière de se préparer à la mort, de se donner le maximum de chances de rester conscient au moment de mourir et de choisir où on va renaître, dans quel couple en train de faire l’amour on va se jeter la tête la première.

lundi 25 novembre 2013

Petit répertoire de bonnes excuses

Petit répertoire de bonnes excuses pour ne rien donner aux Roms assis dans la bise et sur les pavés:

– Je n’ai plus de pièces dans mes poches (mes poches, que voulez-vous que j’y fasse, ont des trous).

– Il fait trop froid pour sortir mon porte-monnaie (prendre cette note sur mon iPhone est pour le bout de mes doigts un calvaire).

– Et puis, de toute façon, il ne me reste que des billets.

dimanche 24 novembre 2013

Quelques minutes à peine

– Mettez bout à bout les moments que vous avez réellement vécus: vous verrez que vous arrivez à quelques minutes à peine. Avec beaucoup de chance.

Rubrique société

– Les articles, ça commence vraiment à faire vendre quand ça passe dans la rubrique société, quand on se met à parler de l’auteur pour autre chose que pour son bouquin. Trois quatre mille, au moins. Un poil plus que les cent exemplaires – si si, c’est les chiffres... – que tu vends en général par ici quand tu te décides à essayer de sortir un truc: tes potes, les potes de tes potes, c’est tout.

vendredi 22 novembre 2013

La responsabilité de votre corps

– Vous avez la responsabilité de prendre soin de votre corps: n’oubliez pas qu’il vous est prêté.

jeudi 21 novembre 2013

Sous son aile

Me retrouver nu sans cet écrivain que je pensais devenir, cet écrivain qui m’étouffait sous son aile.

mercredi 20 novembre 2013

Ces choses qui pesaient sur la plume

Une note, de 1999:

"Toutes ces choses qui pesaient contre la plume, qui pesaient sur la plume. Toutes ces choses trop fortes qui sortent toutes ensemble et dans le désordre. Qui finissent par toutes se ressembler parce qu'elles sont sorties dans le même mouvement."

Dénoncer le pire en montrant le meilleur

– On peut dénoncer le pire en montrant le meilleur.

lundi 18 novembre 2013

Supérieur au trajet d’une vie

Une note, de 2009:

"Quelque chose qui serait supérieur au trajet d’une vie.

dimanche 17 novembre 2013

Agua

– Elle dit agua, t’as entendu? Mais comment ça se fait qu’elle dise ça en espagnol?

– Ah, tu sais... Buenos Aires, les souvenirs…

– Et puis en plus, elle dit pas ça dans le bain. Là, elle dit de l’eau. C’est seulement quand elle a soif...

Quelques jours plus tard:

– Tu crois pas que ce qu’elle dit, en fait, c’est à boire?

samedi 16 novembre 2013

Prends soin de tes pensées

– Prends soin de tes pensées parce qu’elles se feront mots / Prends soin de tes mots parce qu’ils se feront actions / Prends soin de tes actions parce qu’elles se feront coutumes / Prends soin de tes coutumes parce qu’elles formeront ton caractère / Prends soin de ton caractère parce qu’il forgera ton destin / Et ton destin sera ta vie.

vendredi 15 novembre 2013

Si le passé appelle

– Si le passé appelle, ne réponds pas: il n’a rien de neuf à te dire.

jeudi 14 novembre 2013

Deux touristes qui n’ont rien à se dire

Une note, de 1999:

"Deux touristes qui n’ont rien à se dire peuvent se le dire pendant longtemps.

mercredi 13 novembre 2013

Chaque moment qui n'est pas passé à écrire

Longtemps j’ai cru que chaque moment qui n’était pas passé à écrire était un moment perdu. Heureusement, je suis en train de changer d’av...

mardi 12 novembre 2013

En vue d'une autre vie

On peut vivre sa vie en vue d’en vivre une autre.

On peut vivre sa vie en décidant qu’elle est cette autre vie.

On se rend compte alors qu’il suffisait d’ouvrir les yeux.

lundi 11 novembre 2013

Seiza: conseil numéro 3

– Quand vous êtes à genoux en seiza, il faut vous concentrer sur chacune de vos respirations, sur chacune des syllabes du sutra pour en faire la plus belle. Si vous êtes en entier dans chaque instant, la douleur ne trouvera pas sa place.

dimanche 10 novembre 2013

Seiza: conseil numéro 2

– Quand vous êtes à genoux en seiza, il faut observer votre douleur, la ressentir dans sa vraie dimension, sa vraie présence, mais ne pas vous mettre à en rajouter avec votre petit cinéma habituel: je vais plus jamais pouvoir me relever! Je vais rester paralytique! Encore une seconde et je m’évanouis! La douleur est là. La souffrance, c’est vous qui la construisez.

samedi 9 novembre 2013

Seiza: conseil numéro 1

– Quand vous êtes à genoux en seiza, il ne faut plus bouger. Si vous rajustez votre position sans cesse, vous aurez de plus en plus mal. Il faut vous asseoir dans votre douleur.

vendredi 8 novembre 2013

Une matinée entière

Deux chemins qui se croisent
Du soleil dans le dos
Un champ de maïs
Un champ labouré
Deux grosses flaques

Des chiens qui passent
Ouh! Ouh!
Des trains qui passent
Oooooohhh!
Des avions qui passent
Petit doigt vers le ciel

Des jolis cailloux
Une bouche d’égout
Ploc!
Une matinée entière

jeudi 7 novembre 2013

Réécrire la Promesse

Envie de réécrire la Promesse de Dürrenmatt pour être dans ce temps d’automne.

Pourquoi ne pas être simplement dans cet automne? Pourquoi avoir besoin de l'écriture pour m'y inscrire?

Mais bon: la Promesse, la Promesse!

mercredi 6 novembre 2013

Une rythmique monte à travers les murs

Une rythmique monte à travers les murs, quelque chose de sourd, quelque chose de très grave, quelque chose qui creuse l’ossature du bâtiment. Un son plus aigu se détache, répétitif, métallique, comme une rotative, et la rythmique s’affirme sous un brouillard de déchets électroniques. Un va-et-vient de bruit sale qui tourne entre les échafaudages à roulettes et les lampes halogènes.

La lumière de l’étage d’en dessous, faible, est dispersée par les cubes de verre translucides imbriqués dans une partie du sol. Impossible de distinguer quoi que ce soit à cause de deux séries d’ondulations parallèles, prises dans les blocs à des profondeurs différentes, qui se coupent à angle droit. Toujours plus de reflets, de torsions, quel que soit le point de vue choisi.

Tout ce qui est deviné devient impossible, puis possible, puis improbable, des intensités de lumière, pas vraiment des couleurs. Difficile même de savoir si le mouvement vient d’en bas ou d’un écart du point d’observation.

La boucle industrielle continue sa rotation désaccordée à son volume de croisière. De petites variations, le volume augmente pas à pas et puis plus rien.

Peut-être des applaudissements.

mardi 5 novembre 2013

BRRRRRR, BRR, BRRRRRRRRR!!!

– C’était de la triche, tout à l’heure, avec la voiture…

– Qu’est-ce que vous voulez, y a pas de petits profits!

C’est vrai que j’aurais pu y mettre un franc dans cette voiture de la Coop, mais c’était beaucoup plus drôle de la secouer en faisant BRRRR, BRRR, BRRRRRR, BRR, BRRRRRRRRR!!!

Lucie, en tout cas, elle en a redemandé et le petit jeune du magasin de décos de Noël a même fini par me dire que je pouvais taper dans le bouquet de roses près de la caisse.

– Prenez-en trois ou quatre!

lundi 4 novembre 2013

Une coccinelle sur mon pouce

Une coccinelle beige se pose sur mon pouce pendant que je prends des notes sur mon iPod au bord du lac du parc Centenario. Elle ne me dérange pas, elle m’aide à revenir dans l’ici et le maintenant malgré le décalage horaire. Mais... Lucie se réveille.

dimanche 3 novembre 2013

Conserver le présent ouvert

Une note, de 1999:

"Conserver le présent ouvert."

samedi 2 novembre 2013

Ce que je pensais pouvoir écrire

Une note, de 2010:

"Penser à tout ce que j’aurais pu écrire, à tout ce que je pensais pouvoir écrire: autant de bonnes manières de ne pas être là.

Peut-être que je pourrai récupérer tout ça par la suite, on verra, mais ce qui est vraiment important, maintenant, c’est de m’habituer à écrire depuis le présent. Le reste suivra, le reste est accessoire.

M’habituer à placer les problèmes dans une hiérarchie qui leur correspond."

vendredi 1 novembre 2013

Pour pouvoir se regarder jusqu’au bout

– Oui, mais bon: c’est toujours moi le problème, je suis le pire être qui existe, etc. etc. Ce genre de trucs, ça donne plutôt envie de se suicider, vous trouvez pas?

– Pour pouvoir se regarder vraiment en face, pour pouvoir se regarder jusqu’au bout, il ne faut pas oublier qu’il y a quelqu’un qui est là et qui nous aimera de toute façon, quoi qu’on découvre. Si on n’a pas Bouddha à l’esprit, en effet, la prise de conscience de notre véritable égoïsme est insupportable et on finit assez vite par se suicider.

jeudi 31 octobre 2013

Ce numéro n'existe pas

Une note, de 1998:

"J’avais oublié sa carte de visite. Elle était restée sur le téléphone au coin de la rue. Le bout de carton beige était collé contre le métal par la rosée. J’ai composé son numéro.

Le numéro que vous avez composé n’existe pas.

Vérification du cadran numérique, du papier et de nouveau du cadrant. Monologue pincé de la bande au bout du fil. Je ne pensais pas qu’il soit possible de disparaître aussi totalement, que la rosée pouvait effacer jusqu’aux amours de passage."

mercredi 30 octobre 2013

Imaginer un regard extérieur

Une note, de 1999:

"Imaginer un regard extérieur pour vivre ici et maintenant."

mardi 29 octobre 2013

Ce ton qui me connaît mieux que moi

Il n’y a pas ce que je veux raconter et la manière de le raconter: c’est une seule et même chose.

Je me trompe en disant que j’ai déjà la matière de plusieurs romans avec ces pages et ces pages au fond de mon disque dur, que je n’ai plus qu’à trouver la manière de les raconter: c’est dans ce plus qu’à que se trouve toute la matière de l’écriture.

Concentration, concentration.

Tout reprendre à la racine.

Écrire encore une fois ces pages mais avec un autre ton qui vient d’un autre lieu, ce ton qui n’est pas le mien, ce ton qui me connaît mieux que moi.

lundi 28 octobre 2013

La séparation entre ici et là-bas

Une note, de 2010:

"La question de la séparation entre ici et là-bas, entre les différentes choses que je fais ici et que je fais là-bas, comme si je ne pouvais pas faire les mêmes choses en Suisse et en Argentine, ou, en tout cas, pas de la même manière.

Je me demande quels sont les profits que je tire de ces séparations intérieures. À court terme, ça me permet certainement de m’y retrouver un peu mieux, mais ça me sépare aussi de moi-même, ça me sépare par le centre, ça me sépare au cœur de ce que je fais – est-ce que ça me sépare au cœur de ce que je suis?

Comme si, plus au moins consciemment, je m’étais mis dans la tête que mon séjour ici me servait à gagner mon temps de là-bas, comme si je mettais ma vie entre parenthèses sous prétexte de pouvoir vivre mieux là-bas, mieux et plus. Comme si je vivais moins ici que là-bas, comme si j’étais capable de vivre plus ou de vivre moins, comme si vivre, ça pouvait se quantifier."

dimanche 27 octobre 2013

L'espace accumulé

Une note, de 1999:

"L'espace accumulé multiplie les rencontres et la solitude."

samedi 26 octobre 2013

L'importance de mon combat

– Plus je donne d’importance à mon combat, à mes ennemis, plus c’est à moi, bien entendu, que je donne de l’importance.

vendredi 25 octobre 2013

La vie n’a pas besoin d’être désirée

– Oui bien sûr, certainement, mais comment se débarrasser du désir de vivre avant de mourir?

– La vie n’a pas besoin d’être désirée, elle est là. La mort n’a pas besoin d’être crainte, elle est là. Chaque chose en son temps.

jeudi 24 octobre 2013

Citationdujourpourmieuxvivreoumoinssouffrir.com

– C’est toujours les mêmes phrases des mêmes auteurs que tu postes sur Facebook.

– Oui, c’est parce que je les prends dans des bouquins, pas sur citationdujourpourmieuxvivreoumoinssouffrir.com.

– À part à mieux vivre et à moins souffrir, ça sert à quoi la vie?

– À nous laisser le temps de poster des citations sur Facebook...

Le défaut de la présence

Le défaut de la présence, pour l’égo, c’est qu’elle ne peut pas se capitaliser.

mardi 22 octobre 2013

On ne peut pas vaincre l’esprit avec l’esprit

– On ne peut pas vaincre l’esprit avec l’esprit, il faut revenir à la respiration. Elle nous aide à être spectateurs des pensées qui se succèdent, elle est notre seul gourou.

lundi 21 octobre 2013

Pourquoi utiliser les mots?

Si j’ai la volonté de retourner au centre, pourquoi monter dans ma tête et utiliser les mots? Pourquoi prendre ce détour confortable, ce détour que j’utilise ici: faire des phrases plutôt qu’être dans le moment?

dimanche 20 octobre 2013

Aller dans ce qui me fait peur

Aller dans ce qui me fait peur, toujours. Et voir, une fois que j’y suis, qu’il n’y avait pas la moindre raison d’avoir peur. Un peu comme sur scène.

samedi 19 octobre 2013

Quand je mange, je mange!

Aujourd’hui, j’ai appris que si les moines zen ont de très longues manches, c’est entre autres pour rester concentrés quand ils prennent leur soupe: quand je mange, je mange!

vendredi 18 octobre 2013

La paresse est une peur lente

Une note, de 1999:

"La paresse est une peur lente."

jeudi 17 octobre 2013

Des morceaux de corps

Une note, de 2009:

"Le trajet de mon regard sur les filles: visage, seins, cul (ordre variable), évaluation d’une adéquation, d’une harmonie, d’un plaisir possible, et oubli immédiat.

Qu’est-ce que je garde, à la fin de la journée, de toutes ces micro-évaluations? La certitude que le monde est peuplé de belles femmes extérieures à moi? Pourquoi est-ce que je plonge mon regard sur elles pour le retirer aussitôt? Pourquoi est-ce que je fais ces incursions brèves dans ces beautés?

Parler de beauté est exagéré: pointage de détails attirants, plutôt. Je n’ai affaire, au fond, qu’à des morceaux de corps."

mercredi 16 octobre 2013

La place qu'on fait au possible

Une note, de 1999:

"Le possible naît de la façon qu’on a de le recevoir, dans la place qu’on lui fait."

mardi 15 octobre 2013

Faire pour faire

Pas besoin de faire quelque chose pour alléger en moi cette impression qu’il y a quelque chose à faire.

lundi 14 octobre 2013

La nouveauté de l'autre

Une note, de 2010:

"La nouveauté de l’autre était là pour m’aider à lire ce que j’avais déjà en moi, pareil pour la nouveauté de l’autre lieu. Ma vraie recherche a toujours été la connexion, mais je croyais qu’elle passait par une autre, qu’elle passait par un ailleurs, alors qu’elle ne passait que par moi."

J’ai fait partie de la vallée

En courant le long du petit aéroport militaire de San Vittore, au milieu des champs qui ont repris leurs droits entre les montagnes, j’ai senti cette légère ivresse caractéristique de l’état de méditation.

D’abord, bien entendu, je me suis élancé par la pensée à la rencontre des sommets enneigés qui me faisaient face, mais les cloches des vaches qui se sont mises à résonner très fort autour de moi m’ont ramené dans l’ici de chaque foulée.

Alors, grâce aux cloches, aux champs, aux montagnes, à ces kilomètres dans les jambes et dans le souffle, tout d’un coup, je me suis concentré et dispersé dans un seul mouvement: le temps de quelques respirations, j’ai fait partie de la vallée.

samedi 12 octobre 2013

Ce qui pourrait être ne sera jamais

Ce qui pourrait être ne sera jamais: mon imagination me met à l’écart de ce qui est.

vendredi 11 octobre 2013

Plus vrai que ce que je crois être le moi

Une note, de 2010:

"L’exercice est simple, comme d’habitude, désespérément simple. Me contenter de le suivre et de voir ce qui se passe, de sentir en moi ce qui se développe, ce qui peu à peu prend sens dans ces mots qui sortent de moi comme d’eux-mêmes, ces mots qui n’ont plus besoin de moi pour sortir de moi, ces mots qui me sont dictés par quelqu’un qui est en moi mais qui n’est pas moi, qui n’est pas ce moi que je connais, qui est au-delà de ce moi que je connais, plus profond, plus entier, plus vrai que ce que je crois être le moi."

Les mots qui ne veulent pas devenir

Une note, de 1999:

"Il tourne autour des mots qui ne veulent pas devenir."

mercredi 9 octobre 2013

Au cimetière de Bellinzone

Une note, de 2006:

"Mes pas m’ont mené au cimetière de Bellinzone. J’ai hésité à y entrer et tout le calme de ces tombes m’a appelé. Je m’y sens bien. Quelques bruits de la ville en arrière des oiseaux, une tronçonneuse qui insiste, quelques voitures. Je pense à papa qui bientôt sera sous terre. Je pense à ce grand cycle de la vie qui nous dépasse – pour autant qu’on y prête attention."

mardi 8 octobre 2013

Le charme périlleux de l’incertitude

Grande discussion avec Laure autour de ma nouvelle dans Léman Noir. Ce qui l’avait marquée dans mon texte, c’était qu’on ne pouvait pas vraiment se faire une idée du narrateur: pas assez caricatural pour qu’on puisse s’en moquer, pas assez sympa pour qu’on puisse s’y identifier.

Et puis, au cours de la causette, l’argumentation dévie et se met à flotter. Ce qui était un des points forts de ma nouvelle, en fait, je devais plutôt penser à le corriger: il fallait que je force le trait et qu’on puisse avoir affaire à un personnage clairement détestable pour que mon message soit plus clair.

– J’ai pas été trop dure?

– Mais non mais non: je trie, pas de souci!

Dans son argumentation parallèle qui semblait pouvoir soutenir à la fois, avec beaucoup d’habileté rhétorique, le charme périlleux de l’incertitude et la nécessité d’une construction narrative rassurante et claire, dans son développement du plus en plus alambiqué dont les contradictions se mettaient à percer sous l’averse de figures de style, j’ai compris que Laure avait touché du doigt le centre de mon projet: son inconfort disait l’inconfort stimulant que je cherche à générer chez le lecteur privé de conclusions sur lesquelles s’assoupir.

lundi 7 octobre 2013

L'ordre des événements à l'esprit

Une manière souple de s’ajuster au déroulement de la pensée, de respecter l’ordre dans lequel surviennent les événements à l’esprit, dans lequel surviennent les mots pour les dire, pour fonder une familiarité de l’intérieur avec le lecteur.

dimanche 6 octobre 2013

D'autres comptes à régler

Qu’est-ce qu’il reste une fois que les comptes sont réglés si ce n’est d’autres comptes?

samedi 5 octobre 2013

Le Bleu Lézard

Une note, de 2004:

"Le Bleu Lézard, tout un programme. Pourquoi ne pas commencer par sa clientèle (la trentaine, un livre à la main, voire deux) ou alors l’une de ses serveuses (courbes filant entre les tables dans la géographie précise des clients qu’il est possible de frôler (parfois de manière appuyée) et de ceux qu’il est préférable de garder à distance, une table ou plus) ou encore sa déco (toute la patine du vieux bar de quartier agrémentée d’un design pointilliste matérialisé en particulier par des lampes halogènes minuscules pendues devant le crépi d’un moiré crémeux), voire sa cave (endroit à la fois sombre et surexposé de lumières aux couleurs saturées, nombre ridicule de mètres cubes que se disputent âprement les décibels, les blocs de fumée et l’humidité des corps compressée par les murs de briques noires sur lesquels elle dégouline faute de pouvoir les déplacer), mais peut-être vaudrait-il mieux concentrer son attention sur ce couple attablé dans un coin, couple qui ne semble pas avoir grand-chose à se dire et qui semble, tous comptes faits, des plus empruntés.

La représentation textuelle de ce silence pesant pourrait prendre la forme d’un tiret suivi de points de suspension, tiret sous lequel pourrait aisément prendre place un autre pourvu de points de suspension similaires, manœuvre qui pourrait se répéter sans problème au long de plusieurs pages suivant l’importance accordée par l’auteur au poids du silence en question. Cette représentation d’une absence de communication pourrait naturellement prendre bien d’autres formes encore, formes qu’il aurait été certainement instructif de détailler si la femme du couple silencieux n’avait pas choisi d’éclater en larmes à cet instant précis. Les métaphores visant à décrire ces sanglots affluent dans une quantité proportionnelle à la vigueur peu commune de ce débit lacrymal: on ne retiendra ici – pour son aspect parlant plus que pour son originalité, on l’aura compris – que sa comparaison avec les célèbres chutes du Niagara. Peu de changement pour l’homme si ce n’est, peut-être, dans la nature de sa gène, changement qualitatif particulièrement difficile à discerner de visu. Tout un programme."

vendredi 4 octobre 2013

Me laisser traverser par celui que je suis

Une note, de 2010:

"Une fois de plus, le chemin est d’apprendre à me laisser traverser par celui que je suis."

jeudi 3 octobre 2013

Au niveau de ce mal

Si j’en veux à ceux qui me font du mal, je me mets au niveau de ce mal qu’ils produisent en moi.

mercredi 2 octobre 2013

Ils ont compris quelque chose

Je suis de plus en plus attentif à ceux qui réussissent dans ce qu’ils font, même si c’est pour transformer cette réussite en argent ou en gloire. Bien entendu, mon premier réflexe est de les juger, mais je dois me rendre à l’évidence: ils ont compris quelque chose.

Ils arrivent à réunir des volontés, à fédérer des énergies autour d’un projet qui les dépasse, mais, plutôt que de se laisser entrainer par cet élan qu’ils ont su canaliser, ils le réduisent à leur propre mesure.

mardi 1 octobre 2013

Ce n’est pas moi qui vais renaître

Ce n’est pas moi qui vais renaître, c’est un autre porté par l’énergie qui s’est accumulée de vie en vie jusqu’à celle que j’ai prise pour la mienne.

lundi 30 septembre 2013

Ce que le texte m'écrit

Une note, de 2010:

"Plutôt que de me demander quel effet je veux produire, me concentrer sur ce que je veux écrire, rien que sur ce que je veux écrire, sur la matière que je veux faire passer à la page.

Dès que je pense à un effet, l’effet sera faux. Dès que je pense à faire passer un message, le message sera faux. Dès que le pense à prendre une posture, la posture sera fausse. Dès que je pense à prendre un rôle, le rôle sera faux.

Être dans le présent, c’est aussi être dans le présent du texte, dans ce que le texte demande, dans ce que le texte veut dire, dans la manière avec laquelle il veut le dire.

Si je dois chercher autre chose, c’est que je ne suis pas assez présent à lui, si je dois chercher autre chose, c’est que je ne suis pas assez là. Me concentrer sur ce que le texte m’écrit. Sur ça et sur rien d’autre."

dimanche 29 septembre 2013

Quand la simplicité sera devenue évidence

Quand la simplicité sera vraiment devenue pour moi une évidence, je ne serai plus capable de voir la complexité de l'autre.

samedi 28 septembre 2013

Le succès de Joël Dicker

Bien sûr que je suis jaloux de Joël Dicker et que j’aime entretenir ma douleur en lisant toutes les belles choses qui leur arrivent, à lui et à son livre.

C’est une manière de me rappeler que, même si ça devait m’arriver aussi, mon succès ne serait que l’envers de la douleur que je ressens maintenant et que cette douleur reviendrait, plus forte encore, une fois que j’aurais renforcé de succès en succès mon attachement à ce besoin qui l’a créée.

Depuis que je me suis mis à lire son livre, étrangement, tout s’apaise. Son roman me donne envie d’écrire, de me remettre à mes projets avec confiance, sans me poser trop de questions sur l’avenir de ces mots que j’aligne.

Après une bonne centaine de pages de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, je me dis qu’encore plus que son habileté à construire des intrigues, c’est son enthousiasme communicatif pour l’écriture qui a fait le succès de Joël Dicker.

vendredi 27 septembre 2013

Quelque chose qui ne sert à rien

Se dédier à l’art – faire quelque chose qui ne sert à rien – est une bonne manière de se préparer à une démarche spirituelle.

Au début, bien sûr, on est tenté par la beauté, tenté par la gloire, mais on se rend compte avec les années que ce n’est de loin pas la partie la plus intéressante de l’exercice.

jeudi 26 septembre 2013

Ne jamais faire de vaincu

– Ne jamais faire de vaincu. Faire un vaincu crée du karma: il voudra prendre sa revanche...

mercredi 25 septembre 2013

Ma propre progression spirituelle

Je suis très intéressé à ma propre progression spirituelle: preuve que je n'ai pas encore tout à fait compris de quoi il s'agit.

mardi 24 septembre 2013

Moi, je m’agenouillerais pas là-dessus

Rhétorique de mon égo:

– Méditer maintenant? T’as vu l’heure qu’il est? T’aurais dû t’arrêter de bosser avant parce que, réfléchis un peu: si tu vas dans la soupente, tu dois traverser votre chambre et si tu traverses votre chambre, tu vas à tous les coups réveiller ta chère petite femme... Elle qui a le sommeil si léger, la pauvre, toujours tellement de peine à se rendormir... Tu voudrais quand même pas qu’elle soit de mauvaise demain à cause de toi... La méditation, ça demande du sérieux, un endroit où tu te sens bien, si possible toujours le même, mais c’est pas à toi qu’il faut que j’explique tout ça: t’en connais un rayon mon pote! Alors vu que vous avez installé cet autel si charmant dans votre petit temple familial, tu vas quand même pas aller t’asseoir dans autre pièce de votre appartement, hein, rassure-moi... Et puis, dehors, brrr, ça caille! C’est déjà l’automne et je te parie que l’herbe est complètement trempe, même pas besoin d’aller vérifier... Question contact avec la nature, on a déjà vu plus sympa: moi, en tout cas, je m’agenouillerais pas là-dessus!

lundi 23 septembre 2013

Un moyen de supporter la vie

L’art? Un moyen de supporter la vie.

C’est-à-dire de faire absolument tout son possible pour ne pas la vivre.

dimanche 22 septembre 2013

Le Grand Réseau

Prendre un moment, le matin, avant de me jeter sur mon iPad ou mon iPhone pour m'agripper au Grand Réseau me donne de l'espace pour me connecter à un autre réseau, autrement plus vaste, qui ne fait pas de différence entre le dehors et le dedans. 

D’un défi à l’autre

De moins en moins d’intérêt pour une vie qui s’élance d’un défi à l’autre.

Le défi de la vie est permanent: c’est la présence.

vendredi 20 septembre 2013

La limitation qui nous touche le plus

Une note, de 2006:

"On est souvent atteint de la limitation qui nous touche le plus."

jeudi 19 septembre 2013

La saveur de l’art

Ce regard qu’on aiguisait pour mieux rendre le monde, on découvre un beau jour que c’est le monde qu'il a changé et qu’il n’y a plus rien à rendre, plus aucun moment à saisir pour le conserver: tout ce qui nous entoure a pris la saveur de ce qu’on appelait, au tout début de notre recherche, l’art.

Un peu de feu sur le transporteur à terre

Un périphérique, tôt le matin : des bureaux et des bureaux, personne, pas une voiture à part un transport de fonds. Des fourgons le suivent, un peu en retrait, sur une bretelle, un peu plus bas, le rejoignent – on entend très peu les moteurs, juste la rythmique enfoncée et les cordes plus inquiètes, toujours généreuses.

Les trois véhicules, arrêtés, en travers de tout ce béton vide.

Le vigile s’accroupit, entre les sacs de fric, derrière son fusil à pompe, fait claquer sa culasse – les autres se déploient, calmes, en demi-cercle, genou à terre, crosses à la hanche.

Un pain de plastic, dehors, petit point rouge de métronome.

Le vigile respire vite mais on ne l’entend pas : seulement la rythmique, pas plus rapide, pas plus fort, et les cordes. Il vise la porte, il danse d’un pied sur l’autre : ça explose : il fume, à plat ventre, il est pris par les aisselles, lancé sur le sol.

Sacs de mains en mains, grenade au phosphore.

Un peu de feu tombe sur le transporteur à terre.

Le véhicule brûle, toujours seul – toutes ces vitres tout autour, tout ce béton.
Ciel gris, lisse, loin derrière.

L’orchestre se tait.

mardi 17 septembre 2013

Si je reste dans ce que j’ose dire

Si je reste dans ce que j’ose dire, je ne vais jamais pouvoir permettre au lecteur de se dépasser en venant jusqu’à moi.

lundi 16 septembre 2013

Me répartir dans l’espace

Une note, de 2007:

"Me répartir dans l’espace m’ouvre de l’espace à l’intérieur."

dimanche 15 septembre 2013

Une place dans ma liberté

Une note, de 2006:

"Comme si je devais me conquérir une place à l’intérieur de la liberté que je me suis offerte."

samedi 14 septembre 2013

Si tu vois Bouddha

- Si tu vois Bouddha, tue-le.

vendredi 13 septembre 2013

Un instrument pour rafistoler notre regard

L’art? À peine un instrument pour rafistoler notre regard.

Parce qu’on sent bien, au fond, que c’est notre regard qui est faussé, pas la vie.

jeudi 12 septembre 2013

Allô? Allô?

Au milieu la place centrale d’Evora, un téléphone public se met à sonner. Les gens s’arrêtent, le regardent un moment, continuent leur chemin.

Je fais demi-tour avec Lucie et, de ma douce voix mélodieuse d’attaché de presse:

– Oui, allô, Pierre Fankhauser.

Personne au bout du fil.

– Allô? Allô?

Je raccroche et, quelques pas plus loin, le téléphone se remet à sonner.

mercredi 11 septembre 2013

Une tentative d’améliorer cette vie

Qu’est-ce que l’art si ce n’est une tentative d’améliorer cette vie qui n’en a aucun besoin?

mardi 10 septembre 2013

La vie de mes rêves

Écrire pour me faire la vie que j’aimerais. Écrire pour gagner ma vie en me faisant la vie que j’aimerais. Me rendre compte que ma vie était déjà celle de mes rêves et que lui ai tourné le dos en m’enfouissant dans les mots.

lundi 9 septembre 2013

A quoi bon la littérature

– Moi, tu vois, après ce weekend au milieu de ces auteurs avec leurs bouquins tous plus indispensables les uns que les autres, là, franchement, je me dis: à quoi bon la littérature...

– Ben mon vieux, j'espère vraiment que tu vas profiter à fond de ta semaine de vacances! Lundi, on se remet à ton Sirius.

Reconnaître la vérité

"Question: ses voyages l'ont-ils aidé à trouver la vérité?

Réponse: non, ils l'ont préparé à la reconnaître."

Anthony de Mello

dimanche 8 septembre 2013

Question de priorités

Je ne suis pas le mieux placé pour déterminer les priorités, ni dans ma vie ni dans ma journée.

samedi 7 septembre 2013

Petite philosophie sans chauffeur

Prenez un philosophe à la mode accompagné d’un entarteur notoire et de sa femme.

Ajoutez une des attachées de presse d’une grande maison parisienne accompagnée de deux des auteurs parmi les plus lus du moment.

Faites arriver une belle BMW et disparaître illico son chauffeur.

Laissez mariner un peu.

Vous verrez tout de suite à qui vous avez affaire.

jeudi 5 septembre 2013

Son regard sur moi plus longtemps

Une note, de 2007:

"Laisser le lecteur faire une partie du décryptage, c’est l’obliger à poser son regard sur moi plus longtemps – peut-être trop."

mercredi 4 septembre 2013

L'expression la plus lisse

Une note, de 2007:

"Après avoir tendu vers l’expression la plus originale, je cherche maintenant la plus lisse."

mardi 3 septembre 2013

Un vrai truc de geek

– Je vais t’envoyer ce que j’ai fait today pour me changer les idées.

– En fait, au milieu, c’est le fond de l’écran qu’on voit?

– Au milieu?

– Sur la première photo de lac, y a un trou blanc au milieu et je me demandais si c’était le fond d’écran blanc qu’on voyait...

– Ah, non... C’est parce que l’iPhone est tout pourri!

– Je comprends tout: je croyais que t’avais fait un truc de geek avec une image sur ton ordi, alors que non, ce que t’as fait, c’est une balade! Je suis complètement à la ramasse...

lundi 2 septembre 2013

Beaud dans le bus

Une note, de 2006:

"Je viens de voir Beaud dans le bus, tout gonflé de cortisone. Je suis allé le saluer. Je ne savais pas trop quoi lui dire. Je lui ai dit que je pensais bien à lui. Comme une répétition de la rencontre de Pache presque mort. Beaud m’a dit qu’il n’avait pas mis le nez dehors depuis un mois et demi."

dimanche 1 septembre 2013

Prendre du temps pour ne pas faire

Prendre du temps pour ne pas faire.

Me libérer de cette impression qu’il y aurait autre chose à faire.

Oublier que j’ai fait tout ce que je pouvais pour apprendre à faire les meilleurs choix pour moi.

samedi 31 août 2013

Un état métastable

Quand j’essayais de maîtriser le cours de mes pensées – Votre esprit est un muscle comme les autres, Monsieur Pierre, c’est vous qui devez tenir les rênes! – dans l’espoir de me rendormir au milieu d’une de mes nuits passablement perturbées par l’imminence du Livre sur les quais, une image est remontée du fin fond de mes cours de chimie: l’état métastable.

Notre bon professeur décrivait cet état comme celui d’une boule posée dans le cratère d’un volcan: si on la pousse un peu, elle revient dans sa position initiale au centre du cratère, mais si on la pousse beaucoup, elle dévale la pente du volcan et va se perdre dans ces contrées imprécises remplies d’objets idéaux ayant, une fois ou l’autre, servi à illustrer une démonstration scientifique.

Je sentais qu’il se passait la même chose dans ma tête: j’arrivais à concentrer mon esprit sur ma respiration, cette béquille pour s’approcher du rien, mais mes pensées avaient tôt fait de l’emporter ailleurs. Si je réagissais à temps, je pouvais revenir à la respiration, mais si je tardais un peu, je ne pouvais que constater l’envol de mon cher esprit dans un tourbillon d’horaires d’interviews et d’informations à tweeter de toute urgence.

Naturellement, l’important n’était pas dans la maîtrise de mon esprit, mais dans mon effort de concentration pour y parvenir, effort de concentration qui a rapidement été récompensé par le bel et beau sommeil du juste.

vendredi 30 août 2013

Ce qui m'éloigne de sa source

Me faire croire que l’important se trouve dans le texte à lire ou à écrire est le meilleur moyen de me faire passer à côté du moment présent. C’est aussi l’importance que je donne à l’écriture qui m’éloigne de sa source.

jeudi 29 août 2013

Le goût d’un présent très intense

Juste avant de me réveiller, j’ai rêvé que mon prof de sociologie générale – ah là là, ça date – m’annonçait que j’avais un cancer du poumon à un stade avancé, petite radiographie qu’il avait de je ne sais où à l’appui.

Quand je l’ai annoncé à mon tour à Celia, dans la rue, au soleil, pas très loin du collège de Béthusy, elle a dit que si c’était ça, elle allait pousser un grand cri.

Alors, juste à côté de moi, dans ce lit encore embrumé, l’épaule de ma chère compagne a eu tout d’un coup le goût d’un présent très intense.

mercredi 28 août 2013

Un aperçu de connexion

Une note, de 2009:

"Je me sentais monter dans ma tête, comme en suspension, à la fois en dehors du monde et extrêmement présent, les yeux qui regardaient un peu vers le haut sous les paupières. Tout faisait sens, tout ramenait à tout, tout mon vécu était rassemblé autour de moi, physiquement, comme le résultat de mes relectures de notes entre autres pour la Colifata (c’est d’ailleurs peut-être ça qui m’a prédisposé à être disponible).

Hier soir déjà, en revenant de chez Horacio, il y avait les gens qui couraient autour du parc Centenario et une murga qui jouait dans le fond: ça m’a ramené à la fois à New York et au fond de la jungle, au Brésil, quelque chose de primordial. Ça a rassemblé en moi des parties du monde différentes que j’ai traversées à des époques différentes, ça a replié le temps dans une expérience proustienne de mémoire globale: c’est sans doute ça, au fond, une expérience de connexion, pour le moins un aperçu."

mardi 27 août 2013

À force de démasquer le discours de l’autre

À force de vouloir démasquer le discours de l’autre, c’est au mien que je mets des bâtons dans les roues.

lundi 26 août 2013

Interdiction formelle de gaspiller cette vie!

L’écriture, j’en avais besoin parce que j’avais l’impression qu’il fallait que j’en fasse plus de cette vie, beaucoup plus, que j’arrête de laisser échapper en la vivant d’une manière aussi simple et banale: interdiction formelle de gaspiller cette vie!

Maintenant – mais la conviction nouvelle des vies innombrables, ça aide –, ça serait plutôt de la curiosité: qu’est-ce qu’elle me réserve, cette vie-ci? Si c’est ça qui m’a été donné à vivre pour ce tour de manège, le meilleur moyen d’en profiter, plutôt que de ruer dans les brancards à coup d’exaltations romantiques, serait d’observer cette vie avec attention et de me laisser aller avec docilité là où elle me conduit.

Mais, bien sûr, ça dépend des soirs.

dimanche 25 août 2013

Du travail pour toujours

L’écriture, au fond, c’est un bon moyen de se donner du travail pour toujours: d’accord, ça occupe l’esprit ad aeternam avec l’impression lourde et diffuse d’avoir tout le temps quelque chose à faire, mais, en contrepartie, ça donne une raison d’espérer que ce travail infini, on sera là pour le terminer – alors que, surprise, c’est déjà notre vie qui s’arrête.

samedi 24 août 2013

Quelques orteils dans la tombe

L’autre jour, Celia m’a envoyé un mail avec une citation qui me trotte pas mal dans la tête en cette période de bouclage du Livre sur les quais:

"On dit qu’on a une fois demandé à Bouddha ce qui l’étonnait le plus de la part de l’humanité et voici ce qu’il a répondu:

– Les hommes qui perdent leur santé pour amasser de l’argent et ensuite perdent leur argent pour récupérer leur santé, les hommes qui pensent avec anxiété au futur et oublient le présent de telle manière qu’ils finissent par ne vivre ni le présent ni le futur, les hommes qui vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir et qui meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu."

En lui faisant faire quelques tours de plus, je me suis dit que cette jolie citation pouvait aussi s’appliquer à l’art et, bien entendu, à l’écriture, celle pour laquelle on ne compte par définition – mais c’est sans doute une définition romantique – ni son temps ni son énergie, l’écriture qui dispose par conséquent d’un formidable pouvoir de distraction qui a vite fait de nous mettre, l’air de rien, quelques orteils dans la tombe.

vendredi 23 août 2013

La voix de la dictée

Une note, de 2010:

"Apprendre à mieux reconnaître la voix de la dictée, la voix de cette dictée en moi qui me donne les mots à mettre sur la page, cette voix qui parle en moi à sa manière, cette voix qui emploie des tournures que je crois ne pas connaître, cette voix qui parle de choses que je crois ne pas connaître, cette voix qui donne des avis que je crois ne pas comprendre, qui formule des opinions qui me semblent évidentes, que je crois ne jamais avoir eues."

jeudi 22 août 2013

La seule entrée dans tout le reste

Une note, de 2010:

"Sur le net, je me suis baladé un peu sur les archives de L’Hebdo et j’ai trouvé certains de mes vieux articles pas si mal que ça – mais je me rends compte que je l’ai déjà écrit hier…

S’y croire permet de donner une forme à ce qu’on fait, une forme pleine, dans le présent, mais j’ai le sentiment que c’est aussi ce qui nous met à distance de tout le reste.

Trouver un équilibre entre cette production dans le présent, où la confiance est là, et cette ouverture qui va plus loin que ce présent, qui sait que ce présent n’est qu’une entrée dans tout le reste, la seule entrée, en fait."

mercredi 21 août 2013

Une autre vie ou un autre jardin

En arrosant les fleurs au fond du jardin de maman qui est un peu devenu le nôtre, j’ai cherché un endroit où je pourrais méditer en voyant les montagnes.

Jusqu’à présent, quand je méditais dans ce jardin, je m’asseyais bien au milieu, parce que l’important, c’est la méditation, pas le paysage, et parce que j’avais besoin d’espace autour de moi.

Mais j’ai dû me rendre à l’évidence: mon envie de voir les montagnes quand mon regard quitte ce point dans l’herbe devant moi devra attendre une autre vie ou un autre jardin...

Si, debout, je peux voir les montagnes entre les arbres et la haie, à genoux, je me retrouve en face de la palissade en bois, supposément antibruit, posée par le voisin le long de sa piscine.

mardi 20 août 2013

Une liberté fraîche et sans contraintes

Une note, de 2010:

"Cet exercice est un moyen d’entrer de nouveau en contact avec ce qui fait que ces mots me dépassent, ce qui fait que ces mots sont au-delà de moi, même s’ils passent par moi. Je crois que cet exercice est là pour leur enlever du poids, pour leur enlever du prix, pour les rendre simples et évidents, pour leur donner une liberté fraîche et sans contraintes."

lundi 19 août 2013

Plus je prends de risques, moins j'en prends

Une note, de 1999:

"Plus je prends de risques, moins j'en prends (sortir du regard des autres)."

dimanche 18 août 2013

Ce grand dinosaure qu'elle a dans la tête

Une des patientes de maman a été très généreuse avec Lucie: elle lui a donné plein d’habits et une formidable poupée qui s’appelle Myrtille. J’ai profité d’une matinée de shopping à Lausanne pour aller lui rendre visite avec petite veinarde sur les épaules histoire que cette gentille dame à la toute petite voix puisse, enfin, faire sa connaissance.

Première surprise, cette dame n’est pas aussi petite que sa voix le laissait supposer. Deuxième surprise: cette dame collectionne les peluches et les poupées! Lucie s’est mise à courir autour du lit:

– Oh!

– C’est le bébé. C’est Armando qui me l’a offert.

– Oh!

– C’est un petit chien que j’ai fait moi-même, avec mes mains.

– Oh!

– C’est un petit mouton tout doux!

– Oh! Oh! Oh!

– Et là, tu vois c’est un dinosaure très méchant! Il crache du feu!

La dame appuie sur un bouton et le dinosaure en peluche se met à rugir en bougeant la tête à droite et à gauche. Lucie reste pétrifiée devant ses yeux jaunes qui se mettent clignoter pendant que la dame approche sa gueule pleine de longues dents de la gorge du petit chien fait main.

– Tu vois: ouahoum, il a très faim! Mais, pauvre petite: pourquoi tu pleures? Ça t’a fait peur? Voilà, tu vois, il est tout gentil maintenant, il a fini de lancer des flammes. Oui, c’est un gentil petit dinosaure!

En partageant mon sirop de cassis avec Lucie à la table de la cuisine, j’ai pensé à ce grand dinosaure que cette gentille dame avait dans la tête, ce dinosaure qui ne la laissait pas dormir et qui lui mangeait un petit bout de voix chaque jour.

samedi 17 août 2013

Ça nage tout seul!

– Là, on s’avance dans des eaux bouddhiques où je n’ai pas mon fond, moi qui ne sais pas nager et n’aime pas faire la planche.

– Nager? Avoir son fond? Mais, ça nage tout seul! Le fond est où on choisit de le mettre! Etc. Etc. Comme tu peux le voir, j’en suis au stade du perroquet qui répète ce qu’il a entendu pour essayer de le comprendre...

vendredi 16 août 2013

Comment faire pour être amoureux et indifférent

– Ma question est: comment faire pour être "amoureux et indifférent"?

– Une des réponses que certains – toujours les mêmes... – pourraient donner à cette question serait: quand l’amour et l’indifférence seront devenus la même chose. Une autre: quand j’aurai cessé de choisir entre ce qui me convient et ce qui ne me convient pas. Encore une autre pour la route: quand mon amour sera dirigé vers tous les êtres de manière égale, comme si chacun d’eux était mon enfant unique.

jeudi 15 août 2013

Certains diraient que tout dépend de nous

Certains diraient que tout dépend de nous, même le corps, la fortune, les témoignages de considération, les charges publiques, vu que c’est le résultat direct de nos actions dans nos vies présentes et passées. Rien n’arrive par hasard, tout effet a une cause, qu’on en soit conscient ou pas. Si l’autre n’existe pas, c’est parce que moi, je n’existe pas, en tout cas pas comme j’imagine exister, en tant qu’entité originale et séparée. Et puis, ce voisin dont parle Jean qui vient couper les jambes à ma famille a été ma mère, j’ai été son canari ou sa coiffeuse: c’est pour ça qu’il se sent proche de moi au point de me vouer assez de haine pour me couper les jambes... Sinon, il m’ignorerait tout simplement: je lui serais totalement indifférent!

mercredi 14 août 2013

Ne vouloir rien, n'attendre rien, être disponible

Une note, de 2010:

"Il ne faut pas que je sois étonné si je n’arrive pas vraiment à me sentir là et encore moins quand je fais un effort particulier pour être présent.

La méditation m’aide à ne vouloir rien, à n’attendre rien, elle m’entraine à être disponible.

Le réflexe de me mettre dans cet état-là quand je sens que quelque chose se passe et voir ce qui arrive."

mardi 13 août 2013

Faites attention à ce que vous pensez

– Penser voler quelque chose, pour le bouddhisme, c’est presque aussi grave que de le voler vraiment. Pareil pour tuer, etc. Alors faites attention à ce que vous pensez, au moins autant, encore plus qu’à ce que vous faites ou ce que vous dites.

Je ne suis que parce que tu es

Ma tante Pierrette souffre d’alzheimer et maman m’a dit tout à l’heure que la soignante qui va l’accompagner une fois par semaine à partir de vendredi n’est autre qu’Anne, une de mes meilleures amies qui a disparu de la circulation il y a quelques années et qui ne répondait ni aux lettres, ni au mail, ni au téléphone.

Le personnage de Wolverine m’a toujours fasciné, alors dès que j’ai vu l’affiche à la gare de Renens, je me suis promis que j’allais surtout pas manquer ce xième opus. Il se trouve que cet épisode prend place au Japon et qu’une de ses premières scènes se déroule dans un temple bouddhiste de l’école du Jodoshinshu. L’Amidakyo entonné par les moines m’a rappelé tous ces mercredis soir passés dans notre dojo de Buenos Aires à aligner tant bien que mal ces syllabes étranges en nous raccrochant comme on pouvait au rythme du taiko de maître Aoki, rythme à dessein de plus en plus rapide pour que ces sacrées syllabes aillent directement de notre œil à nos cordes vocales, sans se perdre dans les détours compliqués de notre cerveau.

Cet après-midi, Lorence Milasevic de la RTS m’appelle: elle aimerait bien Nothomb, Van Cauvelaert, Kahn ou Magali Jenny en interview pour son émission MP3. Ce soir, pendant l’entracte de Wolverine, je découvre sur mon iPhone un message de Magali Jenny sur la page Facebook du Livre sur les quais qui me demande si je vais présenter tous les auteurs sur les réseaux sociaux. Dans ma réponse, je lui glisse un mot au sujet du projet d’interview de Lorence, projet que Magali accepte avec enthousiasme.

La meilleure traduction qu’Aoki sensei a trouvé du terme bouddhiste qui synthétise ces coïncidences, c’est "interser", interêtre. L’image qu’il utilise pour l’expliquer est celle d’un filet infini – ou presque: le bouddhisme préfère parler de très très grand – où se trouverait, à l’emplacement de chaque maille, une perle où peuvent se refléter l’ensemble des autres.

Certains diraient:

– Ah là là, qu’est-ce que le monde est petit!

D’autres:

– Je ne suis que parce que tu es.

dimanche 11 août 2013

L’autre, c’est aussi moi

Ce qui construit ma distance à l’autre, c’est mon désir d’être moi.

Quand je ne verrai plus l’importance d’être quelqu’un, je saurai que l’autre, c’est aussi moi.

samedi 10 août 2013

Archéologie vivante

– Pas facile de publier tous les jours une miette ou une pépite de sagesse, n’est-ce pas, mon jeune Pierre de 2013? Celui de 2023 sourit avec bienveillance, et une certaine fierté sous-jacente: il était déjà prometteur, ce Pierre! Et d’ailleurs il a tenu ses promesses, constate-t-il en luttant faiblement pour ne pas se rengorger. Et celui de 2033 se fait une petite note mentale: ne pas oublier de montrer les photos du Livre sur les Quais 2013 à ses petits-enfants. Archéologie vivante.

vendredi 9 août 2013

2010, ça fait loin

– Et puis je ne suis pas d’accord avec ton Peu importe où de ce jour – la distance infranchissable n’est jamais toute petite, c’est une illusion que nous cultivons pour nous tourmenter: la distance à l'autre est variable et donc toujours potentiellement immense, à chaque instant.

– Moi non plus, tu sais, je suis pas d’accord avec le Pierre de 2010, mais 2010, ça fait loin...

– Merci mon vieux Pierre de 2013!

jeudi 8 août 2013

Quand on a vue sur l'autre

Une note, de 2010:

"Ce qui est difficile quand on a “vue sur l’autre”, quand l’autre est assez proche pour qu’on puisse en partie entrer dans son intimité, pour qu’on puisse en partie le voir tel qu’il est, c’est qu’il subsiste une parcelle de distance infranchissable, d’autant plus douloureuse qu’elle est petite."

mercredi 7 août 2013

D’une bûche en cendres à une nouvelle bûche

– Vous voyez ces mobiles avec des boules de métal suspendues avec deux petits fils les unes derrière les autres? Eh bien, c’est un bon modèle de ce qui arrive quand le karma passe d’un être au suivant: juste de l’énergie qui se transmet, comme la première boule de la file qui donne son élan à la dernière. Une autre image: le karma passe d’un être à l’autre comme la flamme passe d’une bûche en cendres à une nouvelle bûche.

mardi 6 août 2013

Suivre les gouttes de pluie jusqu’aux nuages

Une note, de 2007:

"De belles discussions avec Celia ces jours, par exemple à midi, autour de se laisser aller dans l’espace (suivre les gouttes de pluie jusqu’aux nuages)."

Pour que l'espace se replie soudain

Une note, de 1999:

"Il suffit d'une seule rencontre pour que l'espace se replie soudain."

dimanche 4 août 2013

La forme qui a toujours été la sienne

Ce weekend passé dans l’ancien chalet de Tabachnik au fond du Val d’Hérens m’a donné l’idée qui me manquait pour mettre la dernière main à mon Sirius.

C’est dans ce chalet, entre les livres ésotériques et les brouillons de partitions manuscrites, que tout a commencé.

C’est là que, logiquement, je devais tendre l’oreille pour que mon roman puisse enfin découvrir la forme qui a toujours été la sienne.

samedi 3 août 2013

Ailleurs que dans mes certitudes

Une note, de 1999:

"Savoir ancrer ma force ailleurs que dans mes certitudes."

vendredi 2 août 2013

Ne baissez pas les bras!

Le patron de la Tolva, celle d’Acoyte mais aussi des quatre autres succursales, a vingt tatouages sur le corps dont un sur le cou – "Ne baissez pas les bras" – que je m’empresse de lire avec mon plus bel accent local. Du coup, il m’offre mon Schweppes.

Et là, devant mon MacBook posé bien haut sur son carton pour m’économiser la nuque, au fond de mon repaire tolochinois à entrer au kilomètre des fiches d’auteur sur le site du Livre sur les quais, la Tolva, Manuel, tous les bus, les voitures et les motos d’Acoyte, eh bien, franchement, ça me manque.

À peine j’ai fini ma phrase, je reçois un mot de Mariana sur Facebook: avec Marcelo, ils ont choisi le prénom de leur enfant et le Parque Centenario n’est décidément plus le même sans nous.

Alors les distances disparaissent entre ma cave confortable et l’hiver porteño. Alors ma nostalgie se dissout dans une bonne fatigue récoltée de brasse en brasse à travers le Léman. Alors je me rappelle que les esprits n’ont pas à se démener pour tendre l’un vers l’autre, mais simplement à se rendre disponibles à cette présence toujours déjà là, à cette belle et bonne présence, tellement généreuse en clins d’œil encourageants.

Non, ne baissez pas les bras!

jeudi 1 août 2013

Tu ferais de la pub pour des cigarettes?

– Toi, tu ferais de la pub pour des cigarettes?

– Écoute, j’y ai jamais réfléchi, mais peut-être que oui. Le maître qu’on avait au temple à Buenos Aires disait toujours que quand on se fait avoir, il faut toujours s’en prendre à soi-même et pas à la personne qui nous a roulés.

– Je crois pas que tu passerais un entretien d’embauche avec ça, mais elle est bonne, ta phrase. Je la garde.

mercredi 31 juillet 2013

Connaître ce vide

Une note, de 2009:

"Quel est ce vide dans lequel j’ai peur de sauter?

Mieux le connaître ne m’aidera pas à mieux sauter."

mardi 30 juillet 2013

Derrière les derniers contreforts

Une note, de 1999:

"Le bleu profond du ciel se fait plus clair. Il s’agit peut-être déjà de l’aube ou alors de la lumière projetée contre le ciel par une ville immense que tu ne pourrais pas voir, une ville qui serait située juste derrière la chaîne des montagnes, derrière les derniers contreforts, ville constituée d’édifices gigantesques et frémissante de véhicules, de corps qui se déplacent le long de trottoirs encombrés."

lundi 29 juillet 2013

Le théâtre de la peur

Une note, de 2008:

"Je commence à mieux voir comment s’organise en moi mon théâtre portatif, comment je m’entoure de gens auxquels je donne les rôles (et les pouvoirs) des gens qui m’ont déjà entouré. La peur est toujours là, très présente, mais les mécanismes se font jour."

dimanche 28 juillet 2013

En bas de chez Ariel

Ariel et Gabi se sont mis à écrire un roman à quatre mains sur Facebook: chaque jour un chapitre, chacun son tour.

Systématiquement, dès que je clique sur le lien qui se déplie sous la petite planète qui était bleue et qui devient blanche, je me retrouve en bas de chez Ariel, en train d’attendre qu’il vienne nous ouvrir pour l’atelier du jeudi soir.

La nostalgie, d’abord, de ces quelques dizaines de mètres à marcher sous l’autoroute depuis le subte E, de cette esquina de San José à un bloc de San Juan, de ces soirées à lire et critiquer, avec une bonne humeur féroce, les dernières pages de chacun.

Et puis, très vite, le sentiment que cet autre bout de la terre n’est pas si loin que ça, pas beaucoup plus loin que sur la toute petite planète au bord de la barre bleue de Facebook.

– Si cette personne est présente à votre esprit, elle est là, près de vous.

samedi 27 juillet 2013

Toute une vie sans avancer

Une note, de 2009:

"Voir le visage de certaines personnes âgées, dans la rue, et me dire qu’on peut traverser toute une vie sans avancer beaucoup, qu’on peut rester sur place à travers toutes ces années."

vendredi 26 juillet 2013

Une violence plus simple, plus douce, inoffensive

Une note, de 2010:

"C’est avant tout ma propre violence dont l’autre, en face, me rappelle la présence, dont l’autre me montre que je n’ai fait que l’écraser, que je ne l’ai pas vraiment acceptée, que je ne l’ai pas vraiment digérée, qu’elle est encore là prête à jaillir, ma propre violence avec laquelle l’autre n’a que peu de choses à voir, vraiment, oui, très peu de choses à voir.

Alors c’est ma violence que je dépose dans l’autre et si je veux la faire descendre, il faut que je la regarde en face, que j’admette sa présence, que je me pardonne d’éprouver de la violence et c’est comme ça que la violence descendra, c’est comme ça que la violence se dissoudra, c’est comme ça que la violence sera plus simple, plus douce, inoffensive."

jeudi 25 juillet 2013

Le sens de la vie des autres

Une note, de 2009:

"Comment est-ce que la vie des autres peut avoir du sens? C’est l’affaire des autres, pas la mienne."

mercredi 24 juillet 2013

Une obscurité qu’on ne peut pas connaître

– En nous, il y a une obscurité qu’on ne peut pas connaître, qu’on ne peut pas comprendre: ce sont les désirs et les passions.

mardi 23 juillet 2013

Croire que ces mots sont miens

Une note, de 2010:

"Je crois que le problème vient de là: croire que mes mots sont importants et, surtout, croire que ces mots sont miens."

lundi 22 juillet 2013

Ton sable intérieur

Une note, de 1999:

"Tu es nu. Tu te couches sur l'herbe et tu ouvres la bouche. La ligne du soleil et la pluie t'atteignent en même temps. Tu peux boire cette eau du ciel qui a le goût de ton sable intérieur, le goût de ce sable que tu connais trop bien."

dimanche 21 juillet 2013

Quand le seuil aura perdu son sens

Une note, de 2009:

"Je suis mon propre accès au monde, je suis celui qui détermine ma propre porte, je suis celui qui a entre les mains les poignées qui me permettent d’arriver à l’entier du monde que je porte en moi: l’étendue du monde dépend des mouvements que je me permets et que je m’autorise, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus ni porte ni poignée parce que l’ouverture véritable aura fait perdre son sens au seuil."

samedi 20 juillet 2013

Les artistes torturés

Une note, de 2010:

"En regardant le lancement du dernier film de Gaspard Noé, Enter the Void, sur lequel je suis tombé "par hasard", je crois que j’ai mieux compris quelque chose au sujet des artistes et de la plupart des gens qui marquent une époque: ils sont assez forts pour faire ce qu’ils veulent, mais c’est justement leur égo super développé qui les tient à distance du calme, qui les tient à distance de l’équilibre. Alors ils continuent à faire de l’art, souvent torturé."

vendredi 19 juillet 2013

Notre vie est une bombe à retardement


– Notre vie est une bombe à retardement: on ne peut pas savoir ce qu’il y a une seconde devant nous.

Si mon âme me démange

– Si mon âme me démange, comment est-ce que je me gratte?

jeudi 18 juillet 2013

Dernier matin à Acoyte

Dernier matin à Acoyte avant d’aller passer trois nuits chez Isabelle en attendant notre vol de Lufthansa.

Pour ne réveiller ni Lucie ni Celia, je suis assis par terre dans la salle de bains, juste à côté des toilettes, avec mon Mac qui me réchauffe les cuisses.

Les petits oiseaux chantent, il y en aura d’autres à l’autre bout du monde.

mardi 16 juillet 2013

L'image que j'ai de toi

Une note, de 1999:

"L’image que j’ai de toi dépend de celle que j’ai de moi."

lundi 15 juillet 2013

Le problème fait aussi partie de la solution

– Le problème fait aussi partie de la solution: les vies heureuses sont pleines de valeur et les vies qui ne correspondent pas à ce qu’on voudrait sont pleines d’enseignements.

dimanche 14 juillet 2013

La nuit semble plus lisible

La nuit semble plus lisible parce qu’il y a moins à lire, ce qui est naturellement une erreur.

samedi 13 juillet 2013

Devant ce rideau de nuit

Le regard garde la même acuité que de jour, mais soit se concentre sur le peu qu’il peut voir, le magnifie, le grandit, soit se tourne vers l’intérieur, détourne une grande partie tendue vers ce qui ne peut pas se voir, vers ce qu’il aimerait y voir, ce qu’il peut y voir, sa manière de le voir, vers tous les souvenirs qui prennent alors une place éclatante, une présence importante devant ce rideau de nuit. L’attention reste la même, mais se répartit à d’autres niveaux.

vendredi 12 juillet 2013

Ces décombres rassurants

Une note, de 2010:

"Ce que je réalise maintenant, c’est que la même chose se passe dans l’écriture que dans la rénovation: ça demande au moins autant d’énergie, peut-être plus, de reprendre un texte que de l’écrire à partir de zéro.

Pour l’écrire à partir de zéro, il faut de nouveau prendre le risque de la page, il faut de nouveau se lancer dans le vide, sans pouvoir se raccrocher à ces décombres rassurants, sans savoir si le texte arrivera à prendre forme, faire confiance uniquement à ce moment présent qui est le seul moment auquel on peut faire confiance, le seul moment depuis on peut partir, que ce soit dans l’écriture ou dans la vie.

Si j’écris depuis maintenant, j’écris depuis celui que je suis maintenant, sans faire mon possible pour que les morceaux d’hier collent ensemble, sans faire mon possible pour bricoler à l’intérieur du texte une continuité entre ceux que j’étais et celui que je suis."

jeudi 11 juillet 2013

Je peux vous garantir 100’000 vues

Je peux vous garantir 100’000 vues sur votre vidéo en ligne. Il faudra pousser les 40’000 premières, ça vous coûterait 5000 francs, mais, en terme de visibilité, c’est loin d’être négligeable. Je peux aussi vous garantir des fans qualifiés pour votre page Facebook – qualifiés, c’est-à-dire qui vivent dans la région et qui aiment la littérature. Ça vous coûtera 2 francs pièce. Bien entendu, je pourrais très bien vous fournir des petits Malaisiens qui ne vous coûteraient, eux, que 20 centimes l’unité, mais bon, vous serez d’accord avec moi, ça serait moins directement utile à votre projet.

mercredi 10 juillet 2013

Il n'y a pas de meilleur moment

Une note, de 2010:

"C'est vraiment ce que je pense pouvoir vivre d'autre, ce que je pense que je pourrais vivre, qui m'éloigne de ce que je vis. Peut-être que je vivrai ce dont je rêve, on verra bien quand ça se présente, mais, si je ne vis pas ce que je vis, je ne saurai même pas que je vis ce dont je rêve, même si je le vis, même s'il se trouvait que je le vivais justement maintenant – ce qui est sans doute le cas –, je ne serais pas capable de m'en rendre compte, je ne suis pas encore capable de m'en rendre compte. Toutes les pièces de viande sont les meilleures. Il n'y a pas de meilleur moment que maintenant."

mardi 9 juillet 2013

Pour pouvoir se battre

– Pour pouvoir se battre, il faut avoir quelqu’un contre qui se battre: il faut remercier l’autre du fait de pouvoir se battre. On va le haïr quand même, mais là n’est pas le problème. La haine n’est pas un état naturel: on ne peut se mettre en colère contre quelqu’un que parce qu’il y a relation. Grâce à la colère, je peux voir que toutes les vies sont ma vie, que tout nous tend vers l’illumination, que tout est là pour me permettre de l’atteindre.

lundi 8 juillet 2013

It's this one!

– It's this one!

Contrairement à ce que croit cet admirateur tout de blanc vêtu, admirateur dont j’ai appris par la suite qu’il arrivait tout droit d’Allemagne, je ne suis pas venu en pèlerinage au cimetière de Tolochenaz pour me recueillir sur la tombe d’Audrey Hepburn. Non. Je suis juste entré prendre un peu d’eau pour le biberon de Lucie avant une belle balade au milieu des champs dorés par ce beau soleil de juillet.

dimanche 7 juillet 2013

Ce que je prends pour ma vie

Une note, de 2010:

"Je crois que c’est bien de ça qu’il s’agit: accepter ma vie telle qu’elle est, l’accepter en sachant qu’elle n’a pas grand-chose à voir avec ce qui est effectivement ma vie, mais que je ne pourrai pas arriver à ce qui est effectivement ma vie sans me donner à corps perdu à ce qui est ma vie maintenant, à ce que je prends pour ma vie autour de moi maintenant."

samedi 6 juillet 2013

Savoir être quelqu'un d'autre

Une note, de 1999 

"Retrouver la totalité des détails, les détails secondaires, de seconde couche, ce qui ne se ressent pas dès le premier passage en revue de la mémoire.

Passage en revue de toute la mémoire, de toutes les couches, surtout celles qui ne sont pas évidentes, surtout celles qui ne s’imposent pas, surtout celles qui m’avaient semblé trop banales pour être retenues.

Va-et-vient de balancier entre le faire et l’apprendre.

Placer toute ma confiance dans le dire et dans le dit. Dans ce que j’ai à dire et dans ce que je veux dire.

Être en entier pour savoir être quelqu’un d’autre."

vendredi 5 juillet 2013

Faire passer l'intérieur à l'extérieur

Une note, de 2010:

"Mentir aux autres, peut-être, dirait Gustavo, mais pas à soi-même. Pas à moi-même, c’est-à-dire pas à l’écran, dans le cas qui est le mien ici. Noter mes pensées m’aide à ne pas avoir peur de mes pensées, à ne pas avoir peur de ce qui resterait caché, à ne plus rien laisser dans l'ombre, à faire ce que je peux pour ça. C’est peut-être une manière de rendre nulle la distinction entre intérieur et extérieur, une manière de faire passer l’intérieur à l’extérieur."

jeudi 4 juillet 2013

Un océan plus tard

Une note, de 1999:

"Un océan plus tard, une langue devient un signe de reconnaissance."

mercredi 3 juillet 2013

La frange des intuitions

Une note, de 2007:

"La véritable observation, celle qui parle, doit porter sur les détails des détails, la frange des intuitions."

mardi 2 juillet 2013

Passer le monde

Une note, de 2010:

"En relisant mes vieux carnets – et en réfléchissant, cet après-midi, à mon rapport au paysage du Mont-Pélerin –, je me rends compte à quel point j’ai toujours vu l’écriture comme un outil d’appropriation du monde, comme une manière de le faire mien. Si je me contentais de le passer, ce monde, il se laisserait sans doute mieux écrire.

Cette vie que je n’aurais pas besoin d’acheter, ce monde que je n’aurais pas besoin de faire mien."

lundi 1 juillet 2013

La nuit est à remplir soi-même

La nuit est à remplir soi-même.
La nuit est à remplir soi-même.
Les nuits se ressemblent plus entre elles, les passages sont plus aisés.
Être en même temps dans plusieurs points de la nuit ne pose plus de problème.
Il y a aussi les autres sens.

dimanche 30 juin 2013

Tous les jours font partie de ma vie

Cette nuit, en me levant pour aller pisser, je me suis rappelé que tous les jours faisaient partie de ma vie, y compris ceux où il faut se lever tôt pour aller bosser.

samedi 29 juin 2013

L'avis n'aura plus de sens

Une note, de 2010: 

"Je me pose beaucoup de questions sur mes raisons d’écrire, sur l’utilité d’une écriture, d’une prise de position à travers l’écriture. Comme je suis en train d’apprendre à donner de moins en moins mon avis, à quoi bon écrire des histoires qui sont aussi une manière de donner son avis?

Je viens d’avoir l’intuition – c’est ce qui m’a décidé à me mettre à mon clavier – que c’est quand j’aurai vraiment la certitude que mon avis n’a aucune importance que je pourrai écrire depuis un lieu qui parle vraiment. Ce sera le moment où la question de l’avis n’aura plus de sens pour moi."

vendredi 28 juin 2013

Je ne peux partager que ce que je découvre

Une note, de 2010:

"Une des choses qui me retient d’avancer dans mes projets de roman, c’est cette impression que tout est d’une certaine manière déjà écrit et que je dois simplement trouver la meilleure forme. Penser plutôt à une découverte commune, à quelque chose qui se découvrirait ensemble, qui prendrait forme au cours de l’écriture. Je ne peux partager que ce que je découvre, pas ce que je sais."

jeudi 27 juin 2013

Attendre le bus à Morges

Attendre le bus, ça semble beaucoup plus long à Morges qu’à Buenos Aires. Ça fait plusieurs jours que je me demande pourquoi, mais pas encore de vraie réponse.

mercredi 26 juin 2013

Les problèmes sont des propositions

Prendre l'habitude de voir les problèmes comme des propositions, toujours. Ça simplifie la vie. 

mardi 25 juin 2013

Pour saluer le lever du soleil

Pour saluer le lever du soleil dans la tiédeur de ce matin d’été, je chante le Shoshinge, avec Lucie dans le creux de mon bras et mon iPod dans l’autre main – non, je ne le sais pas encore par cœur –, au bord du lac du Parque Centenario en regardant le sommet des tours se peindre en jaune jusqu’à ce que les premiers rayons nous arrivent dans les yeux et puis sur les vaguelettes poussées par la brise. De temps en temps, un petit chat gris vient passer sa queue contre mes mollets

lundi 24 juin 2013

La mort nous réunit

– La mort est on ne peut plus normale, elle est ce qui nous arrive à tous, elle est ce qui nous réunit. C’est la vie qui est extraordinaire, la vie qui nous différencie et nous permet de devenir uniques.

dimanche 23 juin 2013

L'écrivain comme handicapé de la vie

Une note, de 2006:

"Dernier progrès en date: la dissolution en moi de la figure de l’écrivain comme handicapé de la vie, qui écrit parce que, non seulement, il ne sait pas faire autre chose, mais que, aussi, il ne pourrait pas survivre sans."

samedi 22 juin 2013

Lorsque la mémoire ne sait plus

Une note, de 1999: 

"La mémoire en apprend autant lorsqu’elle est précise que lorsqu’elle est floue, lorsqu’elle sait que lorsqu’elle ne sait plus."

vendredi 21 juin 2013

Elle vide son chargeur dans la limousine

Elle vide son chargeur dans la limousine – des éclairs, des coups de feu mous qu’on entend à peine. La guitare électrique monte, creuse, insiste: des percussions fines, tout d’un coup.

La femme est déjà près du fourgon. Elle jette son chargeur à l’intérieur, enfourche une moto parquée juste derrière. Grands phares, fumée de la moto qui monte vers le palace, fumée des fourgons qui descendent – des crissements, mais doux, qui ne couvrent pas le bruit des cymbales effleurées, du sable agité du bout des doigts.

La porte arrière de la limousine s’ouvre lentement: tu tombes sur le sol, tu retires tes hauts talons, te relèves, tu titubes, tes chaussures à la main, et tu cours du mieux que tu peux, sur la route, quelques mètres, et puis te jettes à travers les mélèzes.

jeudi 20 juin 2013

Quelques clichés de la salle

La starlette esquisse un bâillement et s’enfonce dans son canapé, se met à regarder la nuit par la fenêtre.

Le journaliste range son carnet et lui tend la main avec un sourire, sans réponse. Deux ou trois courbettes et puis il rejoint le grand photographe aux cheveux décolorés qui prend quelques clichés de la salle avec un petit appareil numérique.

Ils échangent quelques mots et le journaliste se rassied, sort son portable et commence à taper son article. Une serveuse se penche un moment sur lui après avoir posé un nouveau verre à côté du clavier: un œil averti pourrait deviner la bosse du petit calibre dans son dos, sous son chemisier de soie.

Le photographe téléphone en rangeant son matériel. Quand il a terminé, il s’écroule dans la bergère où tu étais assise quelques minutes plus tôt pour s’en griller une. Il doit se pencher sous votre guéridon pour ramasser son briquet. Il met du temps à le trouver, beaucoup de temps.

mercredi 19 juin 2013

Le chauffeur n’a plus de tête

Une limousine passe le portail illuminé du palace, s’engage sur la route escarpée entre les mélèzes en direction de la plaine. Percussions très fines, suspendues dans la nuit, rythme effleuré. Deux fourgons noirs sont arrêtés en travers d’un virage en épingle à cheveux, tous leurs feux orange clignotent: la limousine va s’encastrer dans la falaise.

La porte latérale du fourgon s’ouvre: une mitrailleuse crache à bout portant dans le pare-brise blindé qui s’effondre. Le chauffeur n’a plus de tête. Une femme descend du fourgon d’un pas souple, sportif, son long manteau noir tourne autour de son gilet pare-balles. Elle se dandine au rythme de la batterie – dépouillé, binaire, au fond du temps – qui s’est installée après une descente précise, nerveuse, calée sur l’effondrement du pare-brise. Son gros calibre se balance au bout de son bras, ses cheveux sont tirés en arrière.

mardi 18 juin 2013

Ta tasse penche, un peu

Ton thé entre les mains, tu gardes la bouche ouverte. Ta tasse penche, un peu, de plus en plus: tu la redresses juste à temps, une serveuse te fixait à la dérobée.

Tes yeux brillent, peut-être que tu vas pleurer, tes épaules se soulèvent de plus en plus vite.

Un rythme discret, dispersé, soutient la flûte : la pulsation change, s’affirme, se disperse de nouveau. Les cuivres sont doux, de petites piqûres de guitare électrique.

Vous vous levez tous les trois – le serveur le plus proche n’a pu atteindre que ta bergère, les autres dans les parages se lancent un coup d’œil –, et vous traversez le salon, l’inspiré un bras sur ton épaule, son cigare qui continue de s’agiter au bout de l’autre, très haut, encore plus haut.

La vieille molle vous emboîte le pas, la fille de la fenêtre aussi: il n’y a déjà plus de cendres sur le tapis quand elles ont passé le seuil. L’armoire à glace n’est plus au bar.

lundi 17 juin 2013

Une mitrailleuse à bout de bras

Ils sont sept ou huit, ils s’activent: des cordes crescendo, amples, par vagues, une guitare électrique qui gémit. Un homme, cheveux courts, torse nu, très musclé, au milieu du hangar, une mitrailleuse à bout de bras. Il tire sur sa culasse, plusieurs fois, fait rouler le canon, entre ses paumes, dans un sac de toile.

La batterie rampe sur la pulsation, courte, sèche, sourde, sous les cordes: une voix nasillarde psalmodie plusieurs fois quelque chose d’incompréhensible, de décidé, une devise.

Ceintures bouclées, lacets serrés, fermetures éclair qui glissent, poings fermés dans les gants, ouverts. Une femme, cheveux noirs, en arrière: ses seins dans le cuir et puis le gilet pare-balle.

Deux fourgons noirs, trapus, vitres teintées: le mercenaire aux pectoraux, long manteau de cuir noir, très lisse – ou alors du latex –, tire une taffe, jette sa clope, tape deux coups sur la portière: les fourgons partent ensemble.

Quelques particules dans l’air entre pluie et neige.

dimanche 16 juin 2013

Il pose ses mains sur tes épaules

Un homme très large d’épaules est assis au bar, il regarde droit devant lui, dans le miroir qui embrasse toute la salle.

Une vieille femme au visage épais se laisse tomber dans un canapé près de vous. Une autre, sportive, les cheveux tirés en arrière, va s’asseoir dans un fauteuil à côté de la fenêtre.

Les courbes de la mélodie vont chercher plus haut, se brisent plus souvent, l’attaque des notes est plus franche, décidée. Tu bois ton thé. Le type continue d’agiter les bras, mais en regardant le ciel. Et puis toi. Et puis le ciel. Le plafond.

Quand il pose ses mains sur tes épaules, c’est plus longtemps: il te les masse, fort, très fort, mais tu n’as pas l’air de sentir quoi que ce soit, tes yeux toujours dans les siens.

Le type desserre un peu le foulard qui sort de sa chemise.

samedi 15 juin 2013

Des visages attentifs

À travers une paroi de verre dépoli, on peut voir plus loin les lumières de HLM – un ventilateur noir est pris dans un des carreaux. Des néons vibrent, pas tout à fait au même rythme, toujours sur le point de s’éteindre ou de s’allumer, se renvoient leurs grésillements au-dessus des rouleaux de câbles suspendus, des rideaux noirs, des projecteurs alignés sur des rails et des écrans répartis autour d’une table en U.

La lumière accidentelle s’arrête aux premiers panneaux de bois appuyés les uns contre les autres, comme les éléments d’un décor. Des visages attentifs sont penchés sur les portables, tout près, au-dessus des doigts, de leurs rafales minimalistes. Chacun porte un casque fin, sur une seule oreille, avec un micro tendu devant des lèvres qui ne bougent presque pas.

Certains des écrans affichent une carte qui ressemble à celles qu’on peut deviner sur un des panneaux, quelques points clignotent, se déplacent. D’autres, les pièces et les couloirs du palace vus du plafond, les image se modifient par saccades. D’autres, des groupes de verticales parallèles toujours en train de changer de longueur, parfois en même temps, qui disparaissent et qui reviennent au-dessus d’une avalanche de nombres.

vendredi 14 juin 2013

Un interview

Le thé est servi sur un plateau d’argent: la serveuse doit pousser un peu le cendrier pour le poser sur votre petite table, ses fesses pleines passent à quelques centimètres du visage de l’illuminé qui reprend son cigare éteint, l’allume, tire dessus, fort, deux ou trois fois, les yeux en l’air, et puis les yeux sur toi.

Un long solo de flûte alto prend son temps pour monter, très grave très longtemps.

Dans une alcôve à quelques mètres de vous, un photographe aux cheveux décolorés tourne autour d’une starlette assise dans une méridienne, les seins rassemblés sous la gorge, les cuisses croisées juste assez haut pour laisser deviner la dentelle au sommet de ses bas noirs.

Un journaliste écoute la future célébrité avec attention tout en prenant des notes à l’aveugle. Le photographe se recule de quelques pas pour quelques photos d’ambiance. 

jeudi 13 juin 2013

Tu ne le quittes pas des yeux

Tu discutes avec un type au visage rond, aux lunettes rondes, une barbe poivre et sel de quelques jours: il ouvre ses grands yeux très bleus et fait des gestes en cercle autour de son visage, en cercle entre vous. Il reste enfoncé dans sa bergère au milieu du salon, sauf quand il se penche en avant pour te poser la main sur l’épaule, de plus en plus souvent. Et puis ce sont les deux mains.

Tu ne le quittes pas des yeux, sauf quand il a posé ses mains ensemble sur toi pour la première fois: là, tu as regardé sa main droite avec une expression difficile à définir.

mercredi 12 juin 2013

Dans les toilettes

Une des serveuses entre dans les toilettes, ferme la porte, sort une petite clé de sa poche et ouvre le distributeur d’essuie-mains. Elle prend une cassette noire posée sur la réserve de tissu bleu, l’appuie sur le bord du lavabo, l’ouvre.

Des cymbales se balancent d’un côté et de l’autre, des bruits profonds qui reviennent régulièrement: de grosses serrures qu’on fait jouer, peut-être un orage assez loin.

Un petit calibre dans son emplacement de velours, un silencieux.

Elle les assemble, glisse l’arme dans son pantalon, le silencieux entre ses fesses. Elle range la cassette dans le distributeur, le referme à clé.

mardi 11 juin 2013

Le salon

Les grands rideaux du salon, dans les jaunes, plutôt foncés, du vieux bois au plafond, régulier, chaud, comme dans un chalet mais en beaucoup plus grand. Une odeur de cigares, de pipes, un grand feu dans la cheminée monumentale surplombée d’un abrégé d’héraldique illustré. Le palace, le château s’entend, a déjà quelques siècles.

Une baie s’ouvre sur des tables en métal couvertes de neige, sur les pentes, sur les mélèzes de plus en plus petits, les pâturages, mais le brouillard descend, et puis la nuit.

Les serveurs sont rapides, précis, alignent les fauteuils bas dès que leurs occupants ont passé le seuil, les ajustent pour ceux qui prennent place, débarrassent les guéridons, les écartent ou les rapprochent.

On les reconnaît par leurs gestes, pas de plaquettes, pas de noms, des chemises pastel, plus transparentes pour les femmes, qui pourraient être portées sous les manteaux de cuir ou de fourrure – mais aussi du plus détendu, du plus moche: c’est un peu les vacances – qui s’entassent au vestiaire.

Un big band s’installe dans les conversations éthérées.

lundi 10 juin 2013

Le palace décoré

Toute la clairière scintille autour d’un mur de lumière: le palace étincelle, sa façade en entier se répand dans la neige, des ornements se distinguent peu à peu. Spirales éclatantes autour des colonnes, torsades, chapelets, petits cordages tendus vers un nœud gigantesque au-dessus de la porte à tambour, pluie d’ampoules minuscules.

Lumière blanche sous la rotonde au bout des flambeaux de l’allée, rouge et jaune depuis l’appui des fenêtres, de moins en moins violente au fil des étages: les faisceaux s’estompent, creusent les perspectives, disparaissent. Les tourelles et les cheminées découpent les constellations.

Couchées dans la neige les décorations se simplifient, se noient les unes dans les autres et meurent au pied des premiers arbres.

dimanche 9 juin 2013

Depuis la passerelle

Le grillage de la passerelle est recouvert d’un tapis épais, sombre, éclairé au ras du sol. Tous les oranges de la vallée se dispersent dans les épaules de forêt en contrebas, derrière le verre des rambardes.

Une ligne de réverbères gris se dégage, orange aussi le temps d’un Y, gris de nouveau. Des phares éparpillés poursuivent les courbes des deux branches, en rouge, en blanc, les insinuent: longues et souples au fond, empilées en face mais le trouble est semé par un petit train qui grimpe à travers des tunnels en spirale et apparaît toujours où on l’attend le moins.

samedi 8 juin 2013

L'ascenseur

Des lampes à hauteur de hanches perpétuent la même lumière indirecte, posent un couloir phosphorescent sur les branches basses et sur les troncs jusqu’aux portes en train de s’ouvrir.

Les câbles se rassemblent très loin, tout en haut de la tour en métal, s’élancent vers cette roue éclairée depuis les dernières poutrelles qui veille sur la forêt, vers, encore plus haut, ce point rouge qui la couronne, vers toutes les étoiles qui vont et viennent en arrière des nuages.

La cabine est d’un bloc, polie, deux hublots sur les côtés, une caméra au plafond.

Un temps, les portes se referment, un temps, souffle très léger, température agréable, des lumières orange qui s’étendent à travers les mélèzes, de plus en plus bas, de plus en plus loin.

vendredi 7 juin 2013

Pour atteindre le palace

Pour atteindre le palace depuis le village, il y a la route étroite, au fond du dernier étranglement le portail illuminé.

Un sentier, aussi, ses épingles à cheveux, son sel et sa glace, son gravier, les stations de ses petits bancs. Quelques marches au début, quelques marches à la fin.

Il ne serait pas très prudent, non, du tout, même si le raccourci a l’air discret, de couper à travers les mélèzes. Beaucoup d’aiguilles sur le sol, beaucoup de falaises dans la pente, et, bien entendu, la neige sur tout ça.

Reste l’ascenseur.

jeudi 6 juin 2013

Trois feux de signalisation suspendus

Pour se repérer dans l’espace, il faudrait faire référence à d’autres lieux, à d’autres temps, à quelque chose de parfaitement éloigné mais de présent dans le souvenir, c’est-à-dire de rassemblé par le souvenir, que le souvenir rend présent à ce lieu. Ces références ouvrent l’espace, créent d’autres distances qui, à leur tour, révèlent celles qui sont déjà là, celles qu’on ne peut pas voir à cause de la nuit qui les arrange d’une autre façon.

Une image, surgie d’un film, pour mieux expliquer ce qui se voit, ce qui se passe : trois feux de signalisation suspendus à un carrefour devant une grande montagne au dos imposant. Les feux sont au rouge, ils passent à l’orange, puis au vert: c’est comme si toute la montagne d’un seul coup se rapprochait, était rendue présente, comme la police d’un texte peut parfois le faire quand on sait la lire de la bonne manière, en lisant un peu moins le texte et un peu plus les lettres qui le portent.

mercredi 5 juin 2013

Les distances, la nuit

Difficile d’évaluer les distances, la nuit. Souvent, ce qui semble proche ne l’est pas, ce qui semble lointain ne l’est pas, l’espace entier s’organise d’une autre manière, comme si ses parties étaient rassemblées en suivant d’autres lois, condensées ou dispersées, sans qu’on parvienne à savoir tout à fait comment.

Un bloc de forêts, de montagnes et de neige, qu’on doit pouvoir traverser, encore qu’on ne sache pas vraiment si on se déplace ou si c’est le paysage qui se reforme autour de nous en permutant ses éléments. Même le crissement de la neige gelée n’est pas d’un grand secours: ce son qui se répète sous nos pas pourrait être n’importe quel son, nos pas n’importe quels pas.

mardi 4 juin 2013

Au bout de chaque visage

Une note, de 1999:

"Prendre le temps d’aller au bout de chaque visage."

lundi 3 juin 2013

Fatalité de l'approche

Une note, de 1999:

"On a beau l’avoir lorgnée du coin de l’œil pendant plusieurs minutes, le même phénomène se reproduit à tous les coups, fatalité de l’approche. Le simple fait de l’aborder, de pouvoir la dévisager sans avoir à chercher un prétexte à son propre regard, dégrade d’un seul coup sa beauté fantasmée. Reste à savoir si le timbre de sa voix pourra raviver l’étrangeté excitante née de l’observation oblique."

dimanche 2 juin 2013

Paysage avec falaise

Une note, de 2004: 

"J’essaie de trouver les mots pour décrire ce paysage qui est à la fois celui que je connais et un autre. C’est dans la qualité de lumière que je le reconnais d’abord, cette lumière blanche et métallique pour laquelle je n’ai encore jamais pu trouver les mots. Il y a cette profondeur de tous les gris, comme des grands mouvements tracés dans la matière du ciel et des montagnes, des ébauches de spirales travaillées dans l’air pas encore sec, dans l’air, peut-être, de l’orage qui arrive.

Le soleil, ce qui en reste, ce qui arrive encore sur terre en avant de ce paysage de ciel, éclate, imprévisible, sur un toit de la ville d’en dessous : il me faut un moment pour découvrir que ces assauts de soleil dépendent de la position de ma propre tête, à quelques centimètres près. Du coup, les bâtiments disparaissent, s’enfoncent derrière un rocher qui n’était certainement pas là plus tôt et les embruns giclent jusque sur mon écran, sur mon clavier posé sur mes genoux, écrivain d’extérieur.

L’eau vient s’écraser contre une falaise qui commence devant moi, qui ne devrait pas être là mais le plus urgent est de protéger mon portable de ces gouttes qui en viennent pas d’en bas comme je le croyais, mais d’en haut, de grosses gouttes de pluie qui tombent de l’orage qui est maintenant sur moi. Du coup, la falaise se déplace après la ville."

Petit précis de géométrie faciale

Une note, de 2004:

"Traiter son visage de géométrique insisterait peut-être plus que nécessaire sur la froideur qui se dégage de son maintien tout en négligeant par trop la vibration tendue dans chacune de ses arrêtes, sa versatilité charnelle incessante (parler de mobilité des traits serait exagéré au vu du peu d’amplitude affichée par chacun de ces tressaillements).

Les premiers traits de l’esquisse (traits qu’il ne sera pas nécessaire de masquer sous le portrait définitif, tellement ils s’imposent au regard) sont les deux diagonales pentues du menton surmontés du T formé par le nez inscrit dans la barre des arcades sourcilières proéminentes. Peuvent s’inscrire dans les deux angles droits ainsi délimités des yeux d’un bleu qu’on pourra qualifier à l’envi de liquide, profond, divers, pailleté, voire d’ultramarin, dont les globes sont mus par des oscillations infimes et continues, répliques sphériques des modulations planaires des joues et du front.

Une main vient confirmer l’agitation latente inscrite dans ce corps en grattant compulsivement l’un de ses genoux libéré pour ce faire d’un pan de jupe lie de vin: le temps d’un regard au visage qui n’a pas changé d’expression, les serres épileptiques ont repris leur somme indolent sur le haut de leur cuisse."

vendredi 31 mai 2013

Amener l’angoisse depuis les périphéries

Une note, de 2008: 

"L’écriture, un des moyens pour amener l’angoisse depuis les périphéries jusqu’au centre – et lui faire face."

jeudi 30 mai 2013

Quand on chemine, il n’y a qu’un chemin

– Ces choses dont on croyait qu’elles nous dérangeaient font partie de notre chemin. On crée soi-même l’illusion du choix et on souffre de cette illusion: quand on chemine, il n’y a qu’un chemin.

C'est ma confiance que j'érode

Chaque fois que je me plains, que je rejette la faute sur l’autre, c’est un morceau de ma confiance en moi que j’érode, un morceau de ma confiance en la vie.

mardi 28 mai 2013

Mes problèmes de maintenant

Une note, de 2010: 

"Je ne règle donc pas mes problèmes avec les gens de maintenant à la place de les régler avec d’autres, je règle maintenant mes problèmes avec les gens de maintenant."

lundi 27 mai 2013

Tout le monde peut devenir votre maître

– L’important, c’est d’apprendre à s’ouvrir: comme ça, tout le monde peut devenir votre maître. Votre maître, bien sûr, vous pouvez le tester, ça fait partie du jeu, mais ce n’est pas comme ça que vous allez apprendre.

dimanche 26 mai 2013

Tout est à vivre comme une expérience

Ce matin, pendant le petit-déjeuner organisé par le Livre sur les quais, j’ai regardé très attentivement Franz-Olivier Giesbert. Lorsqu’il s’est mis à répondre à ma question au sujet de son dernier bouquin, je me suis concentré non seulement sur ce qu’il disait, mais aussi sur tout ce qui me parvenait de lui en plus de ses mots: I shin den shin, de mon âme à ton âme.

Alors toute la salle Sandoz du Beau-Rivage s’est mise à onduler à l’intérieur de mon regard et j’ai senti que je me trouvais en équilibre au bord de mes perceptions, que j’étais sur le point de saisir une autre organisation du monde, parallèle à celle que me décrivent mes sens.

Après, le long du couloir jusqu’aux toilettes, dans ma tête, en boucle: tout est une expérience, tout est à vivre comme une expérience, une expérience, c’est tout. Et puis, le long du lac, pas après pas, la boucle s’est évaporée sous le beau soleil franc réparti dans l’air lavé par la pluie.

samedi 25 mai 2013

Le paysage perd son visage

Une note, de 1999:

"La nuit, le paysage perd son visage. Chaque ville (ses lumières) en appelle une autre."

vendredi 24 mai 2013

La montagne et moi

D’abord il y a la montagne et moi, et puis il n’y a plus que moi, et puis il n’y a plus que la montagne, et puis il y a la montagne et moi.

jeudi 23 mai 2013

Quelques risques liés au nucléaire civil

Une note, de 2002:

"Un appareil (dont l’apparence est proche de celle des calculatrices de taille respectable dont les marchands non anglophones se servent le plus souvent pour indiquer à leur interlocuteur qui l’est lui moyennement le triple de prix qu’ils espèrent obtenir de l’article convoité: mêmes arrondis grisâtres) permet d’imprimer sur un ruban plastifié des caractères en trois polices et quatre tailles différentes. Il est également possible de jouer sur la couleur du support (il faut soulever le capot du clavier pour introduire une autre cassette): rouge pour les livres et blanc pour les revues, selon les conventions de l’Institut.

Les cotes sont rudimentaires: un chiffre de zéro à neuf, un point, une décimale, un tiret, un autre chiffre allant parfois jusqu’à soixante suivant le sujet traité. L’une des clés de ce travail réside dans le découpage industriel de languettes de scotch (collées par une extrémité sur le bord de la table) qui serviront à maintenir les étiquettes contre le dos des ouvrages dont la reliure toilée souvent grasse a tendance à rejeter systématiquement ces greffes numériques.

Cette activité minutieuse se déroulant dans le coin le plus reculé d’une bibliothèque elle-même pour ainsi dire déserte, elle peut par conséquent être complétée par une autre activité, non moins minutieuse, d’épluchage des écrits numérotés. Les premières photos à retenir l’attention sont, bien entendu, celles des nécroses cutanées engendrées par la manipulation (dans des situations la plupart du temps rocambolesques, plus tragi-comiques les unes que les autres) d’un élément dont la radioactivité avait été négligée, sous-estimée, voire oubliée. Plaques noires, brillantes, ourlées de rouge qui progressent sur le corps de patients dont la mort est indiquée après quelques jours ou quelques semaines.

Ces publications de l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique (AIEA) en côtoient d’autres, publiées par le même organisme, au sujet des risques liés au nucléaire civil, tout comme des répertoires de normes, de seuils d’alerte et de scénarios d’évacuation et de décontamination." 

mercredi 22 mai 2013

Des ronflements à la fois vulgaires et doux

Une note, de 1999:

"Il faut quelques instants pour s’habituer à la pénombre rouge, pour faire confiance aux impressions de murs, aux impressions de marches, et s’avancer d’un pas plus ou moins décidé sur cette moquette épaisse qui mange tous les sons. Sorte de gros tube digestif illuminé comme à travers des membranes. Une porte est entrouverte: signe distinctif suffisant pour entrer, fermer à clé tout en s’embrassant (haleine de bière) et se diriger vers le matelas d’eau en plastique (un seul drap qui ne protège pas longtemps les dormeurs – ces lits ne sont a priori pas faits pour dormir – de l’aquaplaning généré par leur propre transpiration).

Encore assez d’humour pour s’amuser des miroirs qui recouvrent les murs comme le plafond, de la télévision qui propose au choix trois films pornos et de la radio impossible à éteindre (rapidement moins drôle, cette soupe increvable). Mais l’affaire tourne vite aux voix cassées par l’alcool, aux corps désordonnés et aux pénétrations approximatives (que la version originale des dialogues soit en espagnol ne change pas grand-chose à l’histoire, au contraire). Un peu de jour à travers la dentelle métallique du store baissé, la mélopée de la radio (peut-être parfois des informations) et des ronflements à la fois vulgaires et doux."