lundi 30 décembre 2013
Tante Pierrette
dimanche 29 décembre 2013
Il faut jouer vos émotions
samedi 28 décembre 2013
Avant de sauver le monde
vendredi 27 décembre 2013
Un bonheur à l’épreuve des balles
jeudi 26 décembre 2013
Donner à l’autre la première place
La générosité, l’oubli de soi, l’amour désintéressé, il faut quand même que ça serve.
mercredi 25 décembre 2013
Mon désir le plus cher
mardi 24 décembre 2013
Être des humains
lundi 23 décembre 2013
De beaux moments de lecture
dimanche 22 décembre 2013
D’une poignée de prunes à l’autre
Le champ et le verger sont à la famille de Gustavo, notre maître bouddhiste. Il avait commandé un petit bus pour amener une trentaine d’habitués du temple jusque là-bas, à 150 kilomètres au nord de Buenos Aires.
Ça faisait du bien de se retrouver à l’écart du bruit, à l’écart de toute cette énergie à la fois nécessaire et fatigante, à l’écart de cette ville dont il est si difficile de sortir tellement il faut d’énergie pour traverser une bonne heure de banlieue dans des bus aux freins brusques et suraigus.
Suivant les branches, il fallait lever les bras très haut pour arriver aux prunes, ces petites prunes vertes, dures, légèrement poilues, ces petites prunes qui sont tellement acides qu’on ne peut pas en faire grand-chose d’autre qu’un alcool, l’umeshu, ou qu’une espèce de chutney, l’umeboshi.
J’avais les bras au ciel, les épaules chaudes, des rayons de soleil dans les yeux à travers les branches, et je pensais à vous entre deux poignées de prunes, je pensais à ce que je sais de vous, aux moments que nous avons partagés. Et c’est là que j’ai compris que c’était justement ça que je voulais vous écrire, toutes ces pensées qui partaient vers vous d’une poignée de prunes à l’autre.
samedi 21 décembre 2013
Rien à prendre, rien à garder
vendredi 20 décembre 2013
Ce que doit être un roman
Je me suis réfugié dans ce qui existait, je me suis mis à m’ennuyer en écrivant, je me suis dit que le roman n’était pas fait pour moi.
Ce roman-là, non, en effet.
jeudi 19 décembre 2013
Tout plein d’escargots sur la tête
– Encore?
– Oui, celui-là aussi.
– Encore?
– Oui, aussi. Tu vois, il a tout plein d’escargots sur la tête pour le protéger de la pluie.
– Encore?
– Non, ça c’est une bougie. Fais attention avec ton parapluie! Ils sont pas très solides les Bouddhas dans ce magasin...
– Encore?
– Oui, c’est aussi Bouddha, mais remets ce petit caillou où tu l’as pris s’il te plaît, là, dans le jardin zen. Non, pas dans la bouche! Merci.
– Encore?
– Oui, encore, mais il est grand celui-là, hein! Il est tout chauve et puis il a pas d’escargots sur la tête… Mais on va retourner à la maison pour aller voir maman. Tu pourrais remettre le parapluie où tu l’as trouvé s’il te plaît? Tu te souviens où tu l’as trouvé, non? Reviens! Reviens! C’est pas le tien de parapluie!
mercredi 18 décembre 2013
Du vécu, de l'imagination et du style
"À la fois du vécu, de l’expérience et de l’imagination, du style – et, surtout, sentir les uns à travers les autres, quel que soit le point de vue qu’on adopte."
mardi 17 décembre 2013
Penser progressivement
lundi 16 décembre 2013
Ma nouvelle vie, sereine et sans histoires
Mais j’ai malheureusement dû finir par me rendre à l’évidence: chacun fait toujours et sans exception les choses exclusivement pour soi.
C’est ce jour-là qu’a commencé ma nouvelle vie, sereine et sans histoires, de simple paramètre à peu près négligeable.
dimanche 15 décembre 2013
Pom pom pom
samedi 14 décembre 2013
La soif d’expériences
vendredi 13 décembre 2013
Pourquoi s'obstiner à vivre sa vie?
jeudi 12 décembre 2013
Ne pas aller chercher les idées
"Être concentré au point de ne pas me rendre compte que je suis en train d’écrire. Arriver à ce type de concentration là. Ne pas aller chercher les idées, ne pas aller chercher les mots ailleurs que maintenant. Les laisser venir."
mercredi 11 décembre 2013
Un des avantages de la sinusite carabinée
mardi 10 décembre 2013
C’est le moment de m’amuser
C’est le moment de m’amuser un peu et de laisser la place à tous ces autres en moi qui ne rêvent que de prendre la parole.
lundi 9 décembre 2013
Nagada nagada nagada
– Oui, des fois, quand on fait des balades en poussette.
– Parce que l’autre soir, dans le bain, elle répétait un truc du genre nagada nagada nagada et je me demandais si…
– Ça doit être ça. En général, c'est ce qu’elle se met à chanter pour m’accompagner: son petit NAMANDA à elle.
dimanche 8 décembre 2013
On me raconte des histoires
Tous ces livres, il faut que je m’en fasse une raison, je n’en lirai certainement pas la grande majorité parce que je commence à en avoir marre qu’on me raconte des histoires.
Longtemps, j’ai cru que les romans pouvaient nous apprendre des choses sur le monde, nous faire vivre d’innombrables vies, ce genre de choses qu’on dit quand on parle de littérature. Mais j’ai de plus en plus l’impression que les livres, ça distrait, ça empêche de se concentrer sur le centre de la vie en nous ensevelissant sous des expériences toutes plus captivantes les unes que les autres.
Donc, il va falloir soit que je pense à changer de job, soit que je me fasse à l’idée que le centre de la vie est partout, y compris dans les histoires qu’on lit et qu’on écrit.
samedi 7 décembre 2013
Le Shinran que tu as publié
Ce que j’ai fait sur le champ et je suis allé vérifier sur mon iPhone si le Shinran publié par ta maison d’édition, ce Shinran dont tu m'avais parlé hier soir à l'apéro, était bien cette biographie que j’avais failli traduire en espagnol pour que les gens du temple de Buenos Aires puissent aussi en bénéficier, ce livre que je m’étais fait apporter en Argentine par un copain parce que mon maître m’avait dit qu’on avait la chance d’avoir en Suisse le meilleur spécialiste occidental du Jodo-Shinshu, le seul Occidental, à son avis, qui avait plus ou moins compris quelque chose à cette école du bouddhisme: Jérôme Ducor.
Du coup, je me suis dit que le monde était décidément bien petit et j’ai encore mieux compris pourquoi, toi et moi, on bossait ensemble.
vendredi 6 décembre 2013
Lucie s'amuse avec les moines
Comment ça va?
Comme je dois prendre mes distances avec mon ordinateur et ses réseaux sociaux, j’ai décidé de revenir au cahier et – surprise! – quand j’ai ouvert celui que m’avait offert Marina, j’ai vu qu’il commençait par une belle calligraphie. J’imagine qu'elle doit dire NAMOAMIDABUTSU, mais je voulais être bien sûr (et puis j’ai aussi pensé que ce serait un bon prétexte pour vous écrire…).
Salutations à votre famille, à l’équipe du Furaibo, aux gens des rencontres du mardi soir et un abrazo pour vous!
Pierre
PS: Dimanche, je suis entré "par hasard" dans le temple des Tibétains dans la montagne à côté du lac de Genève. Lucie s’est beaucoup amusée en jouant avec les moines qui récitaient des sutras et moi, bien entendu, je me suis ému en la regardant et en regardant le coucher du soleil sur le lac entouré de montagnes blanches.
jeudi 5 décembre 2013
L’essentiel est offert
mercredi 4 décembre 2013
Un dessous dans l’espace
Cette route, comme vue d’avion, parfaitement droite, entre les arbres, au milieu de la neige.
mardi 3 décembre 2013
Vous asseoir pour vous asseoir
lundi 2 décembre 2013
L'art nous laisse absolument seuls
Au milieu de cette vie minuscule et grise, on s’oblige alors à sentir des choses toutes petites, des choses insignifiantes histoire de se sentir accompagnés, et c’est quand la vie commence à se peupler spontanément d’instants imprévus qu’on découvre que l’art n’avait jamais cessé de nous tenir par la main.
dimanche 1 décembre 2013
Prenez un comportement qui vous irrite
Notez scrupuleusement l’heure de l’une de ses manifestations dans un petit carnet choisi spécialement dans ce but.
Attendez vingt à trente minutes.
Observez le comportement en question, à l’identique ou presque, surgir dans vos propres mots, dans vos propres gestes ou vos propres pensées.
Toujours aussi scrupuleusement, décrivez ce comportement dans votre petit carnet.
Répétez l’opération au moins une fois par jour pendant une semaine.
Relisez votre carnet armé d'une bienveillance proverbiale.
samedi 30 novembre 2013
Trois ou quatre pourquoi
vendredi 29 novembre 2013
Rien, ça n'a jamais de fin
jeudi 28 novembre 2013
Claustrophobie de perfusé des réseaux
Une seule histoire, à suivre de manière désespérément linéaire au fil des pages… Quelque chose de limité tout d’un coup, d’enfermant: claustrophobie de perfusé des réseaux.
mercredi 27 novembre 2013
Une douleur à la fois
Malheureusement pour mon cher, très cher dentiste, l’aspirateur à salive s’est petit à petit planté dans le bas de ma bouche et, quand mon maître du jour a fini par le déplacer en réponse à mes gestes insistants, il n’a pas pu s’empêcher de lâcher un commentaire qui l’a fait passer très très près du coup de boule.
mardi 26 novembre 2013
La prochaine fois chez le dentiste
lundi 25 novembre 2013
Petit répertoire de bonnes excuses
– Je n’ai plus de pièces dans mes poches (mes poches, que voulez-vous que j’y fasse, ont des trous).
– Il fait trop froid pour sortir mon porte-monnaie (prendre cette note sur mon iPhone est pour le bout de mes doigts un calvaire).
– Et puis, de toute façon, il ne me reste que des billets.
dimanche 24 novembre 2013
Quelques minutes à peine
Rubrique société
vendredi 22 novembre 2013
La responsabilité de votre corps
jeudi 21 novembre 2013
Sous son aile
mercredi 20 novembre 2013
Ces choses qui pesaient sur la plume
"Toutes ces choses qui pesaient contre la plume, qui pesaient sur la plume. Toutes ces choses trop fortes qui sortent toutes ensemble et dans le désordre. Qui finissent par toutes se ressembler parce qu'elles sont sorties dans le même mouvement."
lundi 18 novembre 2013
Supérieur au trajet d’une vie
"Quelque chose qui serait supérieur au trajet d’une vie.
dimanche 17 novembre 2013
Agua
– Ah, tu sais... Buenos Aires, les souvenirs…
– Et puis en plus, elle dit pas ça dans le bain. Là, elle dit de l’eau. C’est seulement quand elle a soif...
Quelques jours plus tard:
– Tu crois pas que ce qu’elle dit, en fait, c’est à boire?
samedi 16 novembre 2013
Prends soin de tes pensées
vendredi 15 novembre 2013
jeudi 14 novembre 2013
Deux touristes qui n’ont rien à se dire
"Deux touristes qui n’ont rien à se dire peuvent se le dire pendant longtemps.
mercredi 13 novembre 2013
Chaque moment qui n'est pas passé à écrire
mardi 12 novembre 2013
En vue d'une autre vie
On peut vivre sa vie en décidant qu’elle est cette autre vie.
On se rend compte alors qu’il suffisait d’ouvrir les yeux.
lundi 11 novembre 2013
Seiza: conseil numéro 3
dimanche 10 novembre 2013
Seiza: conseil numéro 2
samedi 9 novembre 2013
Seiza: conseil numéro 1
vendredi 8 novembre 2013
Une matinée entière
Du soleil dans le dos
Un champ de maïs
Un champ labouré
Deux grosses flaques
Des chiens qui passent
Ouh! Ouh!
Des trains qui passent
Oooooohhh!
Des avions qui passent
Petit doigt vers le ciel
Des jolis cailloux
Une bouche d’égout
Ploc!
Une matinée entière
jeudi 7 novembre 2013
Réécrire la Promesse
mercredi 6 novembre 2013
Une rythmique monte à travers les murs
La lumière de l’étage d’en dessous, faible, est dispersée par les cubes de verre translucides imbriqués dans une partie du sol. Impossible de distinguer quoi que ce soit à cause de deux séries d’ondulations parallèles, prises dans les blocs à des profondeurs différentes, qui se coupent à angle droit. Toujours plus de reflets, de torsions, quel que soit le point de vue choisi.
Tout ce qui est deviné devient impossible, puis possible, puis improbable, des intensités de lumière, pas vraiment des couleurs. Difficile même de savoir si le mouvement vient d’en bas ou d’un écart du point d’observation.
La boucle industrielle continue sa rotation désaccordée à son volume de croisière. De petites variations, le volume augmente pas à pas et puis plus rien.
Peut-être des applaudissements.
mardi 5 novembre 2013
BRRRRRR, BRR, BRRRRRRRRR!!!
– Qu’est-ce que vous voulez, y a pas de petits profits!
C’est vrai que j’aurais pu y mettre un franc dans cette voiture de la Coop, mais c’était beaucoup plus drôle de la secouer en faisant BRRRR, BRRR, BRRRRRR, BRR, BRRRRRRRRR!!!
Lucie, en tout cas, elle en a redemandé et le petit jeune du magasin de décos de Noël a même fini par me dire que je pouvais taper dans le bouquet de roses près de la caisse.
– Prenez-en trois ou quatre!
lundi 4 novembre 2013
Une coccinelle sur mon pouce
dimanche 3 novembre 2013
samedi 2 novembre 2013
Ce que je pensais pouvoir écrire
"Penser à tout ce que j’aurais pu écrire, à tout ce que je pensais pouvoir écrire: autant de bonnes manières de ne pas être là.
Peut-être que je pourrai récupérer tout ça par la suite, on verra, mais ce qui est vraiment important, maintenant, c’est de m’habituer à écrire depuis le présent. Le reste suivra, le reste est accessoire.
M’habituer à placer les problèmes dans une hiérarchie qui leur correspond."
vendredi 1 novembre 2013
Pour pouvoir se regarder jusqu’au bout
– Pour pouvoir se regarder vraiment en face, pour pouvoir se regarder jusqu’au bout, il ne faut pas oublier qu’il y a quelqu’un qui est là et qui nous aimera de toute façon, quoi qu’on découvre. Si on n’a pas Bouddha à l’esprit, en effet, la prise de conscience de notre véritable égoïsme est insupportable et on finit assez vite par se suicider.
jeudi 31 octobre 2013
Ce numéro n'existe pas
"J’avais oublié sa carte de visite. Elle était restée sur le téléphone au coin de la rue. Le bout de carton beige était collé contre le métal par la rosée. J’ai composé son numéro.
Le numéro que vous avez composé n’existe pas.
Vérification du cadran numérique, du papier et de nouveau du cadrant. Monologue pincé de la bande au bout du fil. Je ne pensais pas qu’il soit possible de disparaître aussi totalement, que la rosée pouvait effacer jusqu’aux amours de passage."
mercredi 30 octobre 2013
Imaginer un regard extérieur
mardi 29 octobre 2013
Ce ton qui me connaît mieux que moi
Je me trompe en disant que j’ai déjà la matière de plusieurs romans avec ces pages et ces pages au fond de mon disque dur, que je n’ai plus qu’à trouver la manière de les raconter: c’est dans ce plus qu’à que se trouve toute la matière de l’écriture.
Concentration, concentration.
Tout reprendre à la racine.
Écrire encore une fois ces pages mais avec un autre ton qui vient d’un autre lieu, ce ton qui n’est pas le mien, ce ton qui me connaît mieux que moi.
lundi 28 octobre 2013
La séparation entre ici et là-bas
"La question de la séparation entre ici et là-bas, entre les différentes choses que je fais ici et que je fais là-bas, comme si je ne pouvais pas faire les mêmes choses en Suisse et en Argentine, ou, en tout cas, pas de la même manière.
Je me demande quels sont les profits que je tire de ces séparations intérieures. À court terme, ça me permet certainement de m’y retrouver un peu mieux, mais ça me sépare aussi de moi-même, ça me sépare par le centre, ça me sépare au cœur de ce que je fais – est-ce que ça me sépare au cœur de ce que je suis?
Comme si, plus au moins consciemment, je m’étais mis dans la tête que mon séjour ici me servait à gagner mon temps de là-bas, comme si je mettais ma vie entre parenthèses sous prétexte de pouvoir vivre mieux là-bas, mieux et plus. Comme si je vivais moins ici que là-bas, comme si j’étais capable de vivre plus ou de vivre moins, comme si vivre, ça pouvait se quantifier."
dimanche 27 octobre 2013
samedi 26 octobre 2013
L'importance de mon combat
vendredi 25 octobre 2013
La vie n’a pas besoin d’être désirée
– La vie n’a pas besoin d’être désirée, elle est là. La mort n’a pas besoin d’être crainte, elle est là. Chaque chose en son temps.
jeudi 24 octobre 2013
Citationdujourpourmieuxvivreoumoinssouffrir.com
– Oui, c’est parce que je les prends dans des bouquins, pas sur citationdujourpourmieuxvivreoumoinssouffrir.com.
– À part à mieux vivre et à moins souffrir, ça sert à quoi la vie?
– À nous laisser le temps de poster des citations sur Facebook...
Le défaut de la présence
mardi 22 octobre 2013
On ne peut pas vaincre l’esprit avec l’esprit
lundi 21 octobre 2013
Pourquoi utiliser les mots?
dimanche 20 octobre 2013
Aller dans ce qui me fait peur
samedi 19 octobre 2013
Quand je mange, je mange!
vendredi 18 octobre 2013
jeudi 17 octobre 2013
Des morceaux de corps
"Le trajet de mon regard sur les filles: visage, seins, cul (ordre variable), évaluation d’une adéquation, d’une harmonie, d’un plaisir possible, et oubli immédiat.
Qu’est-ce que je garde, à la fin de la journée, de toutes ces micro-évaluations? La certitude que le monde est peuplé de belles femmes extérieures à moi? Pourquoi est-ce que je plonge mon regard sur elles pour le retirer aussitôt? Pourquoi est-ce que je fais ces incursions brèves dans ces beautés?
Parler de beauté est exagéré: pointage de détails attirants, plutôt. Je n’ai affaire, au fond, qu’à des morceaux de corps."
mercredi 16 octobre 2013
La place qu'on fait au possible
"Le possible naît de la façon qu’on a de le recevoir, dans la place qu’on lui fait."
mardi 15 octobre 2013
Faire pour faire
lundi 14 octobre 2013
La nouveauté de l'autre
"La nouveauté de l’autre était là pour m’aider à lire ce que j’avais déjà en moi, pareil pour la nouveauté de l’autre lieu. Ma vraie recherche a toujours été la connexion, mais je croyais qu’elle passait par une autre, qu’elle passait par un ailleurs, alors qu’elle ne passait que par moi."
J’ai fait partie de la vallée
D’abord, bien entendu, je me suis élancé par la pensée à la rencontre des sommets enneigés qui me faisaient face, mais les cloches des vaches qui se sont mises à résonner très fort autour de moi m’ont ramené dans l’ici de chaque foulée.
Alors, grâce aux cloches, aux champs, aux montagnes, à ces kilomètres dans les jambes et dans le souffle, tout d’un coup, je me suis concentré et dispersé dans un seul mouvement: le temps de quelques respirations, j’ai fait partie de la vallée.
samedi 12 octobre 2013
Ce qui pourrait être ne sera jamais
vendredi 11 octobre 2013
Plus vrai que ce que je crois être le moi
"L’exercice est simple, comme d’habitude, désespérément simple. Me contenter de le suivre et de voir ce qui se passe, de sentir en moi ce qui se développe, ce qui peu à peu prend sens dans ces mots qui sortent de moi comme d’eux-mêmes, ces mots qui n’ont plus besoin de moi pour sortir de moi, ces mots qui me sont dictés par quelqu’un qui est en moi mais qui n’est pas moi, qui n’est pas ce moi que je connais, qui est au-delà de ce moi que je connais, plus profond, plus entier, plus vrai que ce que je crois être le moi."
Les mots qui ne veulent pas devenir
"Il tourne autour des mots qui ne veulent pas devenir."
mercredi 9 octobre 2013
Au cimetière de Bellinzone
"Mes pas m’ont mené au cimetière de Bellinzone. J’ai hésité à y entrer et tout le calme de ces tombes m’a appelé. Je m’y sens bien. Quelques bruits de la ville en arrière des oiseaux, une tronçonneuse qui insiste, quelques voitures. Je pense à papa qui bientôt sera sous terre. Je pense à ce grand cycle de la vie qui nous dépasse – pour autant qu’on y prête attention."
mardi 8 octobre 2013
Le charme périlleux de l’incertitude
Et puis, au cours de la causette, l’argumentation dévie et se met à flotter. Ce qui était un des points forts de ma nouvelle, en fait, je devais plutôt penser à le corriger: il fallait que je force le trait et qu’on puisse avoir affaire à un personnage clairement détestable pour que mon message soit plus clair.
– J’ai pas été trop dure?
– Mais non mais non: je trie, pas de souci!
Dans son argumentation parallèle qui semblait pouvoir soutenir à la fois, avec beaucoup d’habileté rhétorique, le charme périlleux de l’incertitude et la nécessité d’une construction narrative rassurante et claire, dans son développement du plus en plus alambiqué dont les contradictions se mettaient à percer sous l’averse de figures de style, j’ai compris que Laure avait touché du doigt le centre de mon projet: son inconfort disait l’inconfort stimulant que je cherche à générer chez le lecteur privé de conclusions sur lesquelles s’assoupir.
lundi 7 octobre 2013
L'ordre des événements à l'esprit
dimanche 6 octobre 2013
D'autres comptes à régler
samedi 5 octobre 2013
Le Bleu Lézard
"Le Bleu Lézard, tout un programme. Pourquoi ne pas commencer par sa clientèle (la trentaine, un livre à la main, voire deux) ou alors l’une de ses serveuses (courbes filant entre les tables dans la géographie précise des clients qu’il est possible de frôler (parfois de manière appuyée) et de ceux qu’il est préférable de garder à distance, une table ou plus) ou encore sa déco (toute la patine du vieux bar de quartier agrémentée d’un design pointilliste matérialisé en particulier par des lampes halogènes minuscules pendues devant le crépi d’un moiré crémeux), voire sa cave (endroit à la fois sombre et surexposé de lumières aux couleurs saturées, nombre ridicule de mètres cubes que se disputent âprement les décibels, les blocs de fumée et l’humidité des corps compressée par les murs de briques noires sur lesquels elle dégouline faute de pouvoir les déplacer), mais peut-être vaudrait-il mieux concentrer son attention sur ce couple attablé dans un coin, couple qui ne semble pas avoir grand-chose à se dire et qui semble, tous comptes faits, des plus empruntés.
La représentation textuelle de ce silence pesant pourrait prendre la forme d’un tiret suivi de points de suspension, tiret sous lequel pourrait aisément prendre place un autre pourvu de points de suspension similaires, manœuvre qui pourrait se répéter sans problème au long de plusieurs pages suivant l’importance accordée par l’auteur au poids du silence en question. Cette représentation d’une absence de communication pourrait naturellement prendre bien d’autres formes encore, formes qu’il aurait été certainement instructif de détailler si la femme du couple silencieux n’avait pas choisi d’éclater en larmes à cet instant précis. Les métaphores visant à décrire ces sanglots affluent dans une quantité proportionnelle à la vigueur peu commune de ce débit lacrymal: on ne retiendra ici – pour son aspect parlant plus que pour son originalité, on l’aura compris – que sa comparaison avec les célèbres chutes du Niagara. Peu de changement pour l’homme si ce n’est, peut-être, dans la nature de sa gène, changement qualitatif particulièrement difficile à discerner de visu. Tout un programme."
vendredi 4 octobre 2013
Me laisser traverser par celui que je suis
"Une fois de plus, le chemin est d’apprendre à me laisser traverser par celui que je suis."
jeudi 3 octobre 2013
Au niveau de ce mal
mercredi 2 octobre 2013
Ils ont compris quelque chose
Ils arrivent à réunir des volontés, à fédérer des énergies autour d’un projet qui les dépasse, mais, plutôt que de se laisser entrainer par cet élan qu’ils ont su canaliser, ils le réduisent à leur propre mesure.
mardi 1 octobre 2013
Ce n’est pas moi qui vais renaître
lundi 30 septembre 2013
Ce que le texte m'écrit
"Plutôt que de me demander quel effet je veux produire, me concentrer sur ce que je veux écrire, rien que sur ce que je veux écrire, sur la matière que je veux faire passer à la page.
Dès que je pense à un effet, l’effet sera faux. Dès que je pense à faire passer un message, le message sera faux. Dès que le pense à prendre une posture, la posture sera fausse. Dès que je pense à prendre un rôle, le rôle sera faux.
Être dans le présent, c’est aussi être dans le présent du texte, dans ce que le texte demande, dans ce que le texte veut dire, dans la manière avec laquelle il veut le dire.
Si je dois chercher autre chose, c’est que je ne suis pas assez présent à lui, si je dois chercher autre chose, c’est que je ne suis pas assez là. Me concentrer sur ce que le texte m’écrit. Sur ça et sur rien d’autre."
dimanche 29 septembre 2013
Quand la simplicité sera devenue évidence
samedi 28 septembre 2013
Le succès de Joël Dicker
C’est une manière de me rappeler que, même si ça devait m’arriver aussi, mon succès ne serait que l’envers de la douleur que je ressens maintenant et que cette douleur reviendrait, plus forte encore, une fois que j’aurais renforcé de succès en succès mon attachement à ce besoin qui l’a créée.
Depuis que je me suis mis à lire son livre, étrangement, tout s’apaise. Son roman me donne envie d’écrire, de me remettre à mes projets avec confiance, sans me poser trop de questions sur l’avenir de ces mots que j’aligne.
Après une bonne centaine de pages de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, je me dis qu’encore plus que son habileté à construire des intrigues, c’est son enthousiasme communicatif pour l’écriture qui a fait le succès de Joël Dicker.
vendredi 27 septembre 2013
Quelque chose qui ne sert à rien
Au début, bien sûr, on est tenté par la beauté, tenté par la gloire, mais on se rend compte avec les années que ce n’est de loin pas la partie la plus intéressante de l’exercice.
jeudi 26 septembre 2013
Ne jamais faire de vaincu
mercredi 25 septembre 2013
Ma propre progression spirituelle
mardi 24 septembre 2013
Moi, je m’agenouillerais pas là-dessus
– Méditer maintenant? T’as vu l’heure qu’il est? T’aurais dû t’arrêter de bosser avant parce que, réfléchis un peu: si tu vas dans la soupente, tu dois traverser votre chambre et si tu traverses votre chambre, tu vas à tous les coups réveiller ta chère petite femme... Elle qui a le sommeil si léger, la pauvre, toujours tellement de peine à se rendormir... Tu voudrais quand même pas qu’elle soit de mauvaise demain à cause de toi... La méditation, ça demande du sérieux, un endroit où tu te sens bien, si possible toujours le même, mais c’est pas à toi qu’il faut que j’explique tout ça: t’en connais un rayon mon pote! Alors vu que vous avez installé cet autel si charmant dans votre petit temple familial, tu vas quand même pas aller t’asseoir dans autre pièce de votre appartement, hein, rassure-moi... Et puis, dehors, brrr, ça caille! C’est déjà l’automne et je te parie que l’herbe est complètement trempe, même pas besoin d’aller vérifier... Question contact avec la nature, on a déjà vu plus sympa: moi, en tout cas, je m’agenouillerais pas là-dessus!
lundi 23 septembre 2013
Un moyen de supporter la vie
C’est-à-dire de faire absolument tout son possible pour ne pas la vivre.
dimanche 22 septembre 2013
Le Grand Réseau
D’un défi à l’autre
Le défi de la vie est permanent: c’est la présence.
vendredi 20 septembre 2013
La limitation qui nous touche le plus
"On est souvent atteint de la limitation qui nous touche le plus."
jeudi 19 septembre 2013
La saveur de l’art
Un peu de feu sur le transporteur à terre
Les trois véhicules, arrêtés, en travers de tout ce béton vide.
Le vigile s’accroupit, entre les sacs de fric, derrière son fusil à pompe, fait claquer sa culasse – les autres se déploient, calmes, en demi-cercle, genou à terre, crosses à la hanche.
Un pain de plastic, dehors, petit point rouge de métronome.
Le vigile respire vite mais on ne l’entend pas : seulement la rythmique, pas plus rapide, pas plus fort, et les cordes. Il vise la porte, il danse d’un pied sur l’autre : ça explose : il fume, à plat ventre, il est pris par les aisselles, lancé sur le sol.
Sacs de mains en mains, grenade au phosphore.
Un peu de feu tombe sur le transporteur à terre.
Le véhicule brûle, toujours seul – toutes ces vitres tout autour, tout ce béton.
Ciel gris, lisse, loin derrière.
L’orchestre se tait.
mardi 17 septembre 2013
Si je reste dans ce que j’ose dire
Si je reste dans ce que j’ose dire, je ne vais jamais pouvoir permettre au lecteur de se dépasser en venant jusqu’à moi.
lundi 16 septembre 2013
Me répartir dans l’espace
"Me répartir dans l’espace m’ouvre de l’espace à l’intérieur."
dimanche 15 septembre 2013
Une place dans ma liberté
"Comme si je devais me conquérir une place à l’intérieur de la liberté que je me suis offerte."
samedi 14 septembre 2013
vendredi 13 septembre 2013
Un instrument pour rafistoler notre regard
Parce qu’on sent bien, au fond, que c’est notre regard qui est faussé, pas la vie.
jeudi 12 septembre 2013
Allô? Allô?
Je fais demi-tour avec Lucie et, de ma douce voix mélodieuse d’attaché de presse:
– Oui, allô, Pierre Fankhauser.
Personne au bout du fil.
– Allô? Allô?
Je raccroche et, quelques pas plus loin, le téléphone se remet à sonner.
mercredi 11 septembre 2013
Une tentative d’améliorer cette vie
mardi 10 septembre 2013
La vie de mes rêves
lundi 9 septembre 2013
A quoi bon la littérature
– Ben mon vieux, j'espère vraiment que tu vas profiter à fond de ta semaine de vacances! Lundi, on se remet à ton Sirius.
Reconnaître la vérité
Réponse: non, ils l'ont préparé à la reconnaître."
Anthony de Mello
dimanche 8 septembre 2013
Question de priorités
samedi 7 septembre 2013
Petite philosophie sans chauffeur
Ajoutez une des attachées de presse d’une grande maison parisienne accompagnée de deux des auteurs parmi les plus lus du moment.
Faites arriver une belle BMW et disparaître illico son chauffeur.
Laissez mariner un peu.
Vous verrez tout de suite à qui vous avez affaire.
jeudi 5 septembre 2013
Son regard sur moi plus longtemps
"Laisser le lecteur faire une partie du décryptage, c’est l’obliger à poser son regard sur moi plus longtemps – peut-être trop."
mercredi 4 septembre 2013
L'expression la plus lisse
"Après avoir tendu vers l’expression la plus originale, je cherche maintenant la plus lisse."
mardi 3 septembre 2013
Un vrai truc de geek
– En fait, au milieu, c’est le fond de l’écran qu’on voit?
– Au milieu?
– Sur la première photo de lac, y a un trou blanc au milieu et je me demandais si c’était le fond d’écran blanc qu’on voyait...
– Ah, non... C’est parce que l’iPhone est tout pourri!
– Je comprends tout: je croyais que t’avais fait un truc de geek avec une image sur ton ordi, alors que non, ce que t’as fait, c’est une balade! Je suis complètement à la ramasse...
lundi 2 septembre 2013
Beaud dans le bus
"Je viens de voir Beaud dans le bus, tout gonflé de cortisone. Je suis allé le saluer. Je ne savais pas trop quoi lui dire. Je lui ai dit que je pensais bien à lui. Comme une répétition de la rencontre de Pache presque mort. Beaud m’a dit qu’il n’avait pas mis le nez dehors depuis un mois et demi."
dimanche 1 septembre 2013
Prendre du temps pour ne pas faire
Me libérer de cette impression qu’il y aurait autre chose à faire.
Oublier que j’ai fait tout ce que je pouvais pour apprendre à faire les meilleurs choix pour moi.
samedi 31 août 2013
Un état métastable
Notre bon professeur décrivait cet état comme celui d’une boule posée dans le cratère d’un volcan: si on la pousse un peu, elle revient dans sa position initiale au centre du cratère, mais si on la pousse beaucoup, elle dévale la pente du volcan et va se perdre dans ces contrées imprécises remplies d’objets idéaux ayant, une fois ou l’autre, servi à illustrer une démonstration scientifique.
Je sentais qu’il se passait la même chose dans ma tête: j’arrivais à concentrer mon esprit sur ma respiration, cette béquille pour s’approcher du rien, mais mes pensées avaient tôt fait de l’emporter ailleurs. Si je réagissais à temps, je pouvais revenir à la respiration, mais si je tardais un peu, je ne pouvais que constater l’envol de mon cher esprit dans un tourbillon d’horaires d’interviews et d’informations à tweeter de toute urgence.
Naturellement, l’important n’était pas dans la maîtrise de mon esprit, mais dans mon effort de concentration pour y parvenir, effort de concentration qui a rapidement été récompensé par le bel et beau sommeil du juste.
vendredi 30 août 2013
Ce qui m'éloigne de sa source
jeudi 29 août 2013
Le goût d’un présent très intense
Quand je l’ai annoncé à mon tour à Celia, dans la rue, au soleil, pas très loin du collège de Béthusy, elle a dit que si c’était ça, elle allait pousser un grand cri.
Alors, juste à côté de moi, dans ce lit encore embrumé, l’épaule de ma chère compagne a eu tout d’un coup le goût d’un présent très intense.
mercredi 28 août 2013
Un aperçu de connexion
"Je me sentais monter dans ma tête, comme en suspension, à la fois en dehors du monde et extrêmement présent, les yeux qui regardaient un peu vers le haut sous les paupières. Tout faisait sens, tout ramenait à tout, tout mon vécu était rassemblé autour de moi, physiquement, comme le résultat de mes relectures de notes entre autres pour la Colifata (c’est d’ailleurs peut-être ça qui m’a prédisposé à être disponible).
Hier soir déjà, en revenant de chez Horacio, il y avait les gens qui couraient autour du parc Centenario et une murga qui jouait dans le fond: ça m’a ramené à la fois à New York et au fond de la jungle, au Brésil, quelque chose de primordial. Ça a rassemblé en moi des parties du monde différentes que j’ai traversées à des époques différentes, ça a replié le temps dans une expérience proustienne de mémoire globale: c’est sans doute ça, au fond, une expérience de connexion, pour le moins un aperçu."
mardi 27 août 2013
À force de démasquer le discours de l’autre
lundi 26 août 2013
Interdiction formelle de gaspiller cette vie!
Maintenant – mais la conviction nouvelle des vies innombrables, ça aide –, ça serait plutôt de la curiosité: qu’est-ce qu’elle me réserve, cette vie-ci? Si c’est ça qui m’a été donné à vivre pour ce tour de manège, le meilleur moyen d’en profiter, plutôt que de ruer dans les brancards à coup d’exaltations romantiques, serait d’observer cette vie avec attention et de me laisser aller avec docilité là où elle me conduit.
Mais, bien sûr, ça dépend des soirs.
dimanche 25 août 2013
Du travail pour toujours
samedi 24 août 2013
Quelques orteils dans la tombe
"On dit qu’on a une fois demandé à Bouddha ce qui l’étonnait le plus de la part de l’humanité et voici ce qu’il a répondu:
– Les hommes qui perdent leur santé pour amasser de l’argent et ensuite perdent leur argent pour récupérer leur santé, les hommes qui pensent avec anxiété au futur et oublient le présent de telle manière qu’ils finissent par ne vivre ni le présent ni le futur, les hommes qui vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir et qui meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu."
En lui faisant faire quelques tours de plus, je me suis dit que cette jolie citation pouvait aussi s’appliquer à l’art et, bien entendu, à l’écriture, celle pour laquelle on ne compte par définition – mais c’est sans doute une définition romantique – ni son temps ni son énergie, l’écriture qui dispose par conséquent d’un formidable pouvoir de distraction qui a vite fait de nous mettre, l’air de rien, quelques orteils dans la tombe.
vendredi 23 août 2013
La voix de la dictée
"Apprendre à mieux reconnaître la voix de la dictée, la voix de cette dictée en moi qui me donne les mots à mettre sur la page, cette voix qui parle en moi à sa manière, cette voix qui emploie des tournures que je crois ne pas connaître, cette voix qui parle de choses que je crois ne pas connaître, cette voix qui donne des avis que je crois ne pas comprendre, qui formule des opinions qui me semblent évidentes, que je crois ne jamais avoir eues."
jeudi 22 août 2013
La seule entrée dans tout le reste
"Sur le net, je me suis baladé un peu sur les archives de L’Hebdo et j’ai trouvé certains de mes vieux articles pas si mal que ça – mais je me rends compte que je l’ai déjà écrit hier…
S’y croire permet de donner une forme à ce qu’on fait, une forme pleine, dans le présent, mais j’ai le sentiment que c’est aussi ce qui nous met à distance de tout le reste.
Trouver un équilibre entre cette production dans le présent, où la confiance est là, et cette ouverture qui va plus loin que ce présent, qui sait que ce présent n’est qu’une entrée dans tout le reste, la seule entrée, en fait."
mercredi 21 août 2013
Une autre vie ou un autre jardin
Jusqu’à présent, quand je méditais dans ce jardin, je m’asseyais bien au milieu, parce que l’important, c’est la méditation, pas le paysage, et parce que j’avais besoin d’espace autour de moi.
Mais j’ai dû me rendre à l’évidence: mon envie de voir les montagnes quand mon regard quitte ce point dans l’herbe devant moi devra attendre une autre vie ou un autre jardin...
Si, debout, je peux voir les montagnes entre les arbres et la haie, à genoux, je me retrouve en face de la palissade en bois, supposément antibruit, posée par le voisin le long de sa piscine.
mardi 20 août 2013
Une liberté fraîche et sans contraintes
"Cet exercice est un moyen d’entrer de nouveau en contact avec ce qui fait que ces mots me dépassent, ce qui fait que ces mots sont au-delà de moi, même s’ils passent par moi. Je crois que cet exercice est là pour leur enlever du poids, pour leur enlever du prix, pour les rendre simples et évidents, pour leur donner une liberté fraîche et sans contraintes."
lundi 19 août 2013
Plus je prends de risques, moins j'en prends
"Plus je prends de risques, moins j'en prends (sortir du regard des autres)."
dimanche 18 août 2013
Ce grand dinosaure qu'elle a dans la tête
Première surprise, cette dame n’est pas aussi petite que sa voix le laissait supposer. Deuxième surprise: cette dame collectionne les peluches et les poupées! Lucie s’est mise à courir autour du lit:
– Oh!
– C’est le bébé. C’est Armando qui me l’a offert.
– Oh!
– C’est un petit chien que j’ai fait moi-même, avec mes mains.
– Oh!
– C’est un petit mouton tout doux!
– Oh! Oh! Oh!
– Et là, tu vois c’est un dinosaure très méchant! Il crache du feu!
La dame appuie sur un bouton et le dinosaure en peluche se met à rugir en bougeant la tête à droite et à gauche. Lucie reste pétrifiée devant ses yeux jaunes qui se mettent clignoter pendant que la dame approche sa gueule pleine de longues dents de la gorge du petit chien fait main.
– Tu vois: ouahoum, il a très faim! Mais, pauvre petite: pourquoi tu pleures? Ça t’a fait peur? Voilà, tu vois, il est tout gentil maintenant, il a fini de lancer des flammes. Oui, c’est un gentil petit dinosaure!
En partageant mon sirop de cassis avec Lucie à la table de la cuisine, j’ai pensé à ce grand dinosaure que cette gentille dame avait dans la tête, ce dinosaure qui ne la laissait pas dormir et qui lui mangeait un petit bout de voix chaque jour.
samedi 17 août 2013
Ça nage tout seul!
– Nager? Avoir son fond? Mais, ça nage tout seul! Le fond est où on choisit de le mettre! Etc. Etc. Comme tu peux le voir, j’en suis au stade du perroquet qui répète ce qu’il a entendu pour essayer de le comprendre...
vendredi 16 août 2013
Comment faire pour être amoureux et indifférent
– Une des réponses que certains – toujours les mêmes... – pourraient donner à cette question serait: quand l’amour et l’indifférence seront devenus la même chose. Une autre: quand j’aurai cessé de choisir entre ce qui me convient et ce qui ne me convient pas. Encore une autre pour la route: quand mon amour sera dirigé vers tous les êtres de manière égale, comme si chacun d’eux était mon enfant unique.
jeudi 15 août 2013
Certains diraient que tout dépend de nous
mercredi 14 août 2013
Ne vouloir rien, n'attendre rien, être disponible
"Il ne faut pas que je sois étonné si je n’arrive pas vraiment à me sentir là et encore moins quand je fais un effort particulier pour être présent.
La méditation m’aide à ne vouloir rien, à n’attendre rien, elle m’entraine à être disponible.
Le réflexe de me mettre dans cet état-là quand je sens que quelque chose se passe et voir ce qui arrive."
mardi 13 août 2013
Faites attention à ce que vous pensez
Je ne suis que parce que tu es
Le personnage de Wolverine m’a toujours fasciné, alors dès que j’ai vu l’affiche à la gare de Renens, je me suis promis que j’allais surtout pas manquer ce xième opus. Il se trouve que cet épisode prend place au Japon et qu’une de ses premières scènes se déroule dans un temple bouddhiste de l’école du Jodoshinshu. L’Amidakyo entonné par les moines m’a rappelé tous ces mercredis soir passés dans notre dojo de Buenos Aires à aligner tant bien que mal ces syllabes étranges en nous raccrochant comme on pouvait au rythme du taiko de maître Aoki, rythme à dessein de plus en plus rapide pour que ces sacrées syllabes aillent directement de notre œil à nos cordes vocales, sans se perdre dans les détours compliqués de notre cerveau.
Cet après-midi, Lorence Milasevic de la RTS m’appelle: elle aimerait bien Nothomb, Van Cauvelaert, Kahn ou Magali Jenny en interview pour son émission MP3. Ce soir, pendant l’entracte de Wolverine, je découvre sur mon iPhone un message de Magali Jenny sur la page Facebook du Livre sur les quais qui me demande si je vais présenter tous les auteurs sur les réseaux sociaux. Dans ma réponse, je lui glisse un mot au sujet du projet d’interview de Lorence, projet que Magali accepte avec enthousiasme.
La meilleure traduction qu’Aoki sensei a trouvé du terme bouddhiste qui synthétise ces coïncidences, c’est "interser", interêtre. L’image qu’il utilise pour l’expliquer est celle d’un filet infini – ou presque: le bouddhisme préfère parler de très très grand – où se trouverait, à l’emplacement de chaque maille, une perle où peuvent se refléter l’ensemble des autres.
Certains diraient:
– Ah là là, qu’est-ce que le monde est petit!
D’autres:
– Je ne suis que parce que tu es.
dimanche 11 août 2013
L’autre, c’est aussi moi
Quand je ne verrai plus l’importance d’être quelqu’un, je saurai que l’autre, c’est aussi moi.
samedi 10 août 2013
Archéologie vivante
vendredi 9 août 2013
2010, ça fait loin
– Moi non plus, tu sais, je suis pas d’accord avec le Pierre de 2010, mais 2010, ça fait loin...
– Merci mon vieux Pierre de 2013!
jeudi 8 août 2013
Quand on a vue sur l'autre
"Ce qui est difficile quand on a “vue sur l’autre”, quand l’autre est assez proche pour qu’on puisse en partie entrer dans son intimité, pour qu’on puisse en partie le voir tel qu’il est, c’est qu’il subsiste une parcelle de distance infranchissable, d’autant plus douloureuse qu’elle est petite."
mercredi 7 août 2013
D’une bûche en cendres à une nouvelle bûche
mardi 6 août 2013
Suivre les gouttes de pluie jusqu’aux nuages
"De belles discussions avec Celia ces jours, par exemple à midi, autour de se laisser aller dans l’espace (suivre les gouttes de pluie jusqu’aux nuages)."
Pour que l'espace se replie soudain
"Il suffit d'une seule rencontre pour que l'espace se replie soudain."
dimanche 4 août 2013
La forme qui a toujours été la sienne
C’est dans ce chalet, entre les livres ésotériques et les brouillons de partitions manuscrites, que tout a commencé.
C’est là que, logiquement, je devais tendre l’oreille pour que mon roman puisse enfin découvrir la forme qui a toujours été la sienne.
samedi 3 août 2013
Ailleurs que dans mes certitudes
"Savoir ancrer ma force ailleurs que dans mes certitudes."
vendredi 2 août 2013
Ne baissez pas les bras!
Et là, devant mon MacBook posé bien haut sur son carton pour m’économiser la nuque, au fond de mon repaire tolochinois à entrer au kilomètre des fiches d’auteur sur le site du Livre sur les quais, la Tolva, Manuel, tous les bus, les voitures et les motos d’Acoyte, eh bien, franchement, ça me manque.
À peine j’ai fini ma phrase, je reçois un mot de Mariana sur Facebook: avec Marcelo, ils ont choisi le prénom de leur enfant et le Parque Centenario n’est décidément plus le même sans nous.
Alors les distances disparaissent entre ma cave confortable et l’hiver porteño. Alors ma nostalgie se dissout dans une bonne fatigue récoltée de brasse en brasse à travers le Léman. Alors je me rappelle que les esprits n’ont pas à se démener pour tendre l’un vers l’autre, mais simplement à se rendre disponibles à cette présence toujours déjà là, à cette belle et bonne présence, tellement généreuse en clins d’œil encourageants.
Non, ne baissez pas les bras!
jeudi 1 août 2013
Tu ferais de la pub pour des cigarettes?
– Écoute, j’y ai jamais réfléchi, mais peut-être que oui. Le maître qu’on avait au temple à Buenos Aires disait toujours que quand on se fait avoir, il faut toujours s’en prendre à soi-même et pas à la personne qui nous a roulés.
– Je crois pas que tu passerais un entretien d’embauche avec ça, mais elle est bonne, ta phrase. Je la garde.
mercredi 31 juillet 2013
Connaître ce vide
"Quel est ce vide dans lequel j’ai peur de sauter?
Mieux le connaître ne m’aidera pas à mieux sauter."
mardi 30 juillet 2013
Derrière les derniers contreforts
"Le bleu profond du ciel se fait plus clair. Il s’agit peut-être déjà de l’aube ou alors de la lumière projetée contre le ciel par une ville immense que tu ne pourrais pas voir, une ville qui serait située juste derrière la chaîne des montagnes, derrière les derniers contreforts, ville constituée d’édifices gigantesques et frémissante de véhicules, de corps qui se déplacent le long de trottoirs encombrés."
lundi 29 juillet 2013
Le théâtre de la peur
"Je commence à mieux voir comment s’organise en moi mon théâtre portatif, comment je m’entoure de gens auxquels je donne les rôles (et les pouvoirs) des gens qui m’ont déjà entouré. La peur est toujours là, très présente, mais les mécanismes se font jour."
dimanche 28 juillet 2013
En bas de chez Ariel
Systématiquement, dès que je clique sur le lien qui se déplie sous la petite planète qui était bleue et qui devient blanche, je me retrouve en bas de chez Ariel, en train d’attendre qu’il vienne nous ouvrir pour l’atelier du jeudi soir.
La nostalgie, d’abord, de ces quelques dizaines de mètres à marcher sous l’autoroute depuis le subte E, de cette esquina de San José à un bloc de San Juan, de ces soirées à lire et critiquer, avec une bonne humeur féroce, les dernières pages de chacun.
Et puis, très vite, le sentiment que cet autre bout de la terre n’est pas si loin que ça, pas beaucoup plus loin que sur la toute petite planète au bord de la barre bleue de Facebook.
– Si cette personne est présente à votre esprit, elle est là, près de vous.
samedi 27 juillet 2013
Toute une vie sans avancer
"Voir le visage de certaines personnes âgées, dans la rue, et me dire qu’on peut traverser toute une vie sans avancer beaucoup, qu’on peut rester sur place à travers toutes ces années."
vendredi 26 juillet 2013
Une violence plus simple, plus douce, inoffensive
"C’est avant tout ma propre violence dont l’autre, en face, me rappelle la présence, dont l’autre me montre que je n’ai fait que l’écraser, que je ne l’ai pas vraiment acceptée, que je ne l’ai pas vraiment digérée, qu’elle est encore là prête à jaillir, ma propre violence avec laquelle l’autre n’a que peu de choses à voir, vraiment, oui, très peu de choses à voir.
Alors c’est ma violence que je dépose dans l’autre et si je veux la faire descendre, il faut que je la regarde en face, que j’admette sa présence, que je me pardonne d’éprouver de la violence et c’est comme ça que la violence descendra, c’est comme ça que la violence se dissoudra, c’est comme ça que la violence sera plus simple, plus douce, inoffensive."
jeudi 25 juillet 2013
Le sens de la vie des autres
"Comment est-ce que la vie des autres peut avoir du sens? C’est l’affaire des autres, pas la mienne."
mercredi 24 juillet 2013
Une obscurité qu’on ne peut pas connaître
mardi 23 juillet 2013
Croire que ces mots sont miens
"Je crois que le problème vient de là: croire que mes mots sont importants et, surtout, croire que ces mots sont miens."
lundi 22 juillet 2013
Ton sable intérieur
dimanche 21 juillet 2013
Quand le seuil aura perdu son sens
"Je suis mon propre accès au monde, je suis celui qui détermine ma propre porte, je suis celui qui a entre les mains les poignées qui me permettent d’arriver à l’entier du monde que je porte en moi: l’étendue du monde dépend des mouvements que je me permets et que je m’autorise, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus ni porte ni poignée parce que l’ouverture véritable aura fait perdre son sens au seuil."
samedi 20 juillet 2013
Les artistes torturés
"En regardant le lancement du dernier film de Gaspard Noé, Enter the Void, sur lequel je suis tombé "par hasard", je crois que j’ai mieux compris quelque chose au sujet des artistes et de la plupart des gens qui marquent une époque: ils sont assez forts pour faire ce qu’ils veulent, mais c’est justement leur égo super développé qui les tient à distance du calme, qui les tient à distance de l’équilibre. Alors ils continuent à faire de l’art, souvent torturé."
vendredi 19 juillet 2013
Notre vie est une bombe à retardement
– Notre vie est une bombe à retardement: on ne peut pas savoir ce qu’il y a une seconde devant nous.
jeudi 18 juillet 2013
Dernier matin à Acoyte
Pour ne réveiller ni Lucie ni Celia, je suis assis par terre dans la salle de bains, juste à côté des toilettes, avec mon Mac qui me réchauffe les cuisses.
Les petits oiseaux chantent, il y en aura d’autres à l’autre bout du monde.
mardi 16 juillet 2013
L'image que j'ai de toi
"L’image que j’ai de toi dépend de celle que j’ai de moi."
lundi 15 juillet 2013
Le problème fait aussi partie de la solution
dimanche 14 juillet 2013
La nuit semble plus lisible
samedi 13 juillet 2013
Devant ce rideau de nuit
vendredi 12 juillet 2013
Ces décombres rassurants
"Ce que je réalise maintenant, c’est que la même chose se passe dans l’écriture que dans la rénovation: ça demande au moins autant d’énergie, peut-être plus, de reprendre un texte que de l’écrire à partir de zéro.
Pour l’écrire à partir de zéro, il faut de nouveau prendre le risque de la page, il faut de nouveau se lancer dans le vide, sans pouvoir se raccrocher à ces décombres rassurants, sans savoir si le texte arrivera à prendre forme, faire confiance uniquement à ce moment présent qui est le seul moment auquel on peut faire confiance, le seul moment depuis on peut partir, que ce soit dans l’écriture ou dans la vie.
Si j’écris depuis maintenant, j’écris depuis celui que je suis maintenant, sans faire mon possible pour que les morceaux d’hier collent ensemble, sans faire mon possible pour bricoler à l’intérieur du texte une continuité entre ceux que j’étais et celui que je suis."
jeudi 11 juillet 2013
Je peux vous garantir 100’000 vues
mercredi 10 juillet 2013
Il n'y a pas de meilleur moment
"C'est vraiment ce que je pense pouvoir vivre d'autre, ce que je pense que je pourrais vivre, qui m'éloigne de ce que je vis. Peut-être que je vivrai ce dont je rêve, on verra bien quand ça se présente, mais, si je ne vis pas ce que je vis, je ne saurai même pas que je vis ce dont je rêve, même si je le vis, même s'il se trouvait que je le vivais justement maintenant – ce qui est sans doute le cas –, je ne serais pas capable de m'en rendre compte, je ne suis pas encore capable de m'en rendre compte. Toutes les pièces de viande sont les meilleures. Il n'y a pas de meilleur moment que maintenant."
mardi 9 juillet 2013
Pour pouvoir se battre
lundi 8 juillet 2013
It's this one!
Contrairement à ce que croit cet admirateur tout de blanc vêtu, admirateur dont j’ai appris par la suite qu’il arrivait tout droit d’Allemagne, je ne suis pas venu en pèlerinage au cimetière de Tolochenaz pour me recueillir sur la tombe d’Audrey Hepburn. Non. Je suis juste entré prendre un peu d’eau pour le biberon de Lucie avant une belle balade au milieu des champs dorés par ce beau soleil de juillet.
dimanche 7 juillet 2013
Ce que je prends pour ma vie
Une note, de 2010:
"Je crois que c’est bien de ça qu’il s’agit: accepter ma vie telle qu’elle est, l’accepter en sachant qu’elle n’a pas grand-chose à voir avec ce qui est effectivement ma vie, mais que je ne pourrai pas arriver à ce qui est effectivement ma vie sans me donner à corps perdu à ce qui est ma vie maintenant, à ce que je prends pour ma vie autour de moi maintenant."
samedi 6 juillet 2013
Savoir être quelqu'un d'autre
Une note, de 1999
"Retrouver la totalité des détails, les détails secondaires, de seconde couche, ce qui ne se ressent pas dès le premier passage en revue de la mémoire.
Passage en revue de toute la mémoire, de toutes les couches, surtout celles qui ne sont pas évidentes, surtout celles qui ne s’imposent pas, surtout celles qui m’avaient semblé trop banales pour être retenues.
Va-et-vient de balancier entre le faire et l’apprendre.
Placer toute ma confiance dans le dire et dans le dit. Dans ce que j’ai à dire et dans ce que je veux dire.
Être en entier pour savoir être quelqu’un d’autre."
vendredi 5 juillet 2013
Faire passer l'intérieur à l'extérieur
Une note, de 2010:
"Mentir aux autres, peut-être, dirait Gustavo, mais pas à soi-même. Pas à moi-même, c’est-à-dire pas à l’écran, dans le cas qui est le mien ici. Noter mes pensées m’aide à ne pas avoir peur de mes pensées, à ne pas avoir peur de ce qui resterait caché, à ne plus rien laisser dans l'ombre, à faire ce que je peux pour ça. C’est peut-être une manière de rendre nulle la distinction entre intérieur et extérieur, une manière de faire passer l’intérieur à l’extérieur."
jeudi 4 juillet 2013
Un océan plus tard
Une note, de 1999:
"Un océan plus tard, une langue devient un signe de reconnaissance."
mercredi 3 juillet 2013
La frange des intuitions
Une note, de 2007:
"La véritable observation, celle qui parle, doit porter sur les détails des détails, la frange des intuitions."
mardi 2 juillet 2013
Passer le monde
"En relisant mes vieux carnets – et en réfléchissant, cet après-midi, à mon rapport au paysage du Mont-Pélerin –, je me rends compte à quel point j’ai toujours vu l’écriture comme un outil d’appropriation du monde, comme une manière de le faire mien. Si je me contentais de le passer, ce monde, il se laisserait sans doute mieux écrire.
Cette vie que je n’aurais pas besoin d’acheter, ce monde que je n’aurais pas besoin de faire mien."
lundi 1 juillet 2013
La nuit est à remplir soi-même
La nuit est à remplir soi-même.
Les nuits se ressemblent plus entre elles, les passages sont plus aisés.
Être en même temps dans plusieurs points de la nuit ne pose plus de problème.
Il y a aussi les autres sens.
dimanche 30 juin 2013
Tous les jours font partie de ma vie
Cette nuit, en me levant pour aller pisser, je me suis rappelé que tous les jours faisaient partie de ma vie, y compris ceux où il faut se lever tôt pour aller bosser.
samedi 29 juin 2013
L'avis n'aura plus de sens
Une note, de 2010:
"Je me pose beaucoup de questions sur mes raisons d’écrire, sur l’utilité d’une écriture, d’une prise de position à travers l’écriture. Comme je suis en train d’apprendre à donner de moins en moins mon avis, à quoi bon écrire des histoires qui sont aussi une manière de donner son avis?
Je viens d’avoir l’intuition – c’est ce qui m’a décidé à me mettre à mon clavier – que c’est quand j’aurai vraiment la certitude que mon avis n’a aucune importance que je pourrai écrire depuis un lieu qui parle vraiment. Ce sera le moment où la question de l’avis n’aura plus de sens pour moi."
vendredi 28 juin 2013
Je ne peux partager que ce que je découvre
"Une des choses qui me retient d’avancer dans mes projets de roman, c’est cette impression que tout est d’une certaine manière déjà écrit et que je dois simplement trouver la meilleure forme. Penser plutôt à une découverte commune, à quelque chose qui se découvrirait ensemble, qui prendrait forme au cours de l’écriture. Je ne peux partager que ce que je découvre, pas ce que je sais."
jeudi 27 juin 2013
Attendre le bus à Morges
Attendre le bus, ça semble beaucoup plus long à Morges qu’à Buenos Aires. Ça fait plusieurs jours que je me demande pourquoi, mais pas encore de vraie réponse.
mercredi 26 juin 2013
Les problèmes sont des propositions
mardi 25 juin 2013
Pour saluer le lever du soleil
Pour saluer le lever du soleil dans la tiédeur de ce matin d’été, je chante le Shoshinge, avec Lucie dans le creux de mon bras et mon iPod dans l’autre main – non, je ne le sais pas encore par cœur –, au bord du lac du Parque Centenario en regardant le sommet des tours se peindre en jaune jusqu’à ce que les premiers rayons nous arrivent dans les yeux et puis sur les vaguelettes poussées par la brise. De temps en temps, un petit chat gris vient passer sa queue contre mes mollets
lundi 24 juin 2013
La mort nous réunit
dimanche 23 juin 2013
L'écrivain comme handicapé de la vie
"Dernier progrès en date: la dissolution en moi de la figure de l’écrivain comme handicapé de la vie, qui écrit parce que, non seulement, il ne sait pas faire autre chose, mais que, aussi, il ne pourrait pas survivre sans."
samedi 22 juin 2013
Lorsque la mémoire ne sait plus
Une note, de 1999:
"La mémoire en apprend autant lorsqu’elle est précise que lorsqu’elle est floue, lorsqu’elle sait que lorsqu’elle ne sait plus."
vendredi 21 juin 2013
Elle vide son chargeur dans la limousine
Elle vide son chargeur dans la limousine – des éclairs, des coups de feu mous qu’on entend à peine. La guitare électrique monte, creuse, insiste: des percussions fines, tout d’un coup.
La femme est déjà près du fourgon. Elle jette son chargeur à l’intérieur, enfourche une moto parquée juste derrière. Grands phares, fumée de la moto qui monte vers le palace, fumée des fourgons qui descendent – des crissements, mais doux, qui ne couvrent pas le bruit des cymbales effleurées, du sable agité du bout des doigts.
La porte arrière de la limousine s’ouvre lentement: tu tombes sur le sol, tu retires tes hauts talons, te relèves, tu titubes, tes chaussures à la main, et tu cours du mieux que tu peux, sur la route, quelques mètres, et puis te jettes à travers les mélèzes.
jeudi 20 juin 2013
Quelques clichés de la salle
La starlette esquisse un bâillement et s’enfonce dans son canapé, se met à regarder la nuit par la fenêtre.
Le journaliste range son carnet et lui tend la main avec un sourire, sans réponse. Deux ou trois courbettes et puis il rejoint le grand photographe aux cheveux décolorés qui prend quelques clichés de la salle avec un petit appareil numérique.
Ils échangent quelques mots et le journaliste se rassied, sort son portable et commence à taper son article. Une serveuse se penche un moment sur lui après avoir posé un nouveau verre à côté du clavier: un œil averti pourrait deviner la bosse du petit calibre dans son dos, sous son chemisier de soie.
Le photographe téléphone en rangeant son matériel. Quand il a terminé, il s’écroule dans la bergère où tu étais assise quelques minutes plus tôt pour s’en griller une. Il doit se pencher sous votre guéridon pour ramasser son briquet. Il met du temps à le trouver, beaucoup de temps.
mercredi 19 juin 2013
Le chauffeur n’a plus de tête
Une limousine passe le portail illuminé du palace, s’engage sur la route escarpée entre les mélèzes en direction de la plaine. Percussions très fines, suspendues dans la nuit, rythme effleuré. Deux fourgons noirs sont arrêtés en travers d’un virage en épingle à cheveux, tous leurs feux orange clignotent: la limousine va s’encastrer dans la falaise.
La porte latérale du fourgon s’ouvre: une mitrailleuse crache à bout portant dans le pare-brise blindé qui s’effondre. Le chauffeur n’a plus de tête. Une femme descend du fourgon d’un pas souple, sportif, son long manteau noir tourne autour de son gilet pare-balles. Elle se dandine au rythme de la batterie – dépouillé, binaire, au fond du temps – qui s’est installée après une descente précise, nerveuse, calée sur l’effondrement du pare-brise. Son gros calibre se balance au bout de son bras, ses cheveux sont tirés en arrière.
mardi 18 juin 2013
Ta tasse penche, un peu
Ton thé entre les mains, tu gardes la bouche ouverte. Ta tasse penche, un peu, de plus en plus: tu la redresses juste à temps, une serveuse te fixait à la dérobée.
Tes yeux brillent, peut-être que tu vas pleurer, tes épaules se soulèvent de plus en plus vite.
Un rythme discret, dispersé, soutient la flûte : la pulsation change, s’affirme, se disperse de nouveau. Les cuivres sont doux, de petites piqûres de guitare électrique.
Vous vous levez tous les trois – le serveur le plus proche n’a pu atteindre que ta bergère, les autres dans les parages se lancent un coup d’œil –, et vous traversez le salon, l’inspiré un bras sur ton épaule, son cigare qui continue de s’agiter au bout de l’autre, très haut, encore plus haut.
La vieille molle vous emboîte le pas, la fille de la fenêtre aussi: il n’y a déjà plus de cendres sur le tapis quand elles ont passé le seuil. L’armoire à glace n’est plus au bar.
lundi 17 juin 2013
Une mitrailleuse à bout de bras
Ils sont sept ou huit, ils s’activent: des cordes crescendo, amples, par vagues, une guitare électrique qui gémit. Un homme, cheveux courts, torse nu, très musclé, au milieu du hangar, une mitrailleuse à bout de bras. Il tire sur sa culasse, plusieurs fois, fait rouler le canon, entre ses paumes, dans un sac de toile.
La batterie rampe sur la pulsation, courte, sèche, sourde, sous les cordes: une voix nasillarde psalmodie plusieurs fois quelque chose d’incompréhensible, de décidé, une devise.
Ceintures bouclées, lacets serrés, fermetures éclair qui glissent, poings fermés dans les gants, ouverts. Une femme, cheveux noirs, en arrière: ses seins dans le cuir et puis le gilet pare-balle.
Deux fourgons noirs, trapus, vitres teintées: le mercenaire aux pectoraux, long manteau de cuir noir, très lisse – ou alors du latex –, tire une taffe, jette sa clope, tape deux coups sur la portière: les fourgons partent ensemble.
Quelques particules dans l’air entre pluie et neige.
dimanche 16 juin 2013
Il pose ses mains sur tes épaules
Un homme très large d’épaules est assis au bar, il regarde droit devant lui, dans le miroir qui embrasse toute la salle.
Une vieille femme au visage épais se laisse tomber dans un canapé près de vous. Une autre, sportive, les cheveux tirés en arrière, va s’asseoir dans un fauteuil à côté de la fenêtre.
Les courbes de la mélodie vont chercher plus haut, se brisent plus souvent, l’attaque des notes est plus franche, décidée. Tu bois ton thé. Le type continue d’agiter les bras, mais en regardant le ciel. Et puis toi. Et puis le ciel. Le plafond.
Quand il pose ses mains sur tes épaules, c’est plus longtemps: il te les masse, fort, très fort, mais tu n’as pas l’air de sentir quoi que ce soit, tes yeux toujours dans les siens.
Le type desserre un peu le foulard qui sort de sa chemise.
samedi 15 juin 2013
Des visages attentifs
À travers une paroi de verre dépoli, on peut voir plus loin les lumières de HLM – un ventilateur noir est pris dans un des carreaux. Des néons vibrent, pas tout à fait au même rythme, toujours sur le point de s’éteindre ou de s’allumer, se renvoient leurs grésillements au-dessus des rouleaux de câbles suspendus, des rideaux noirs, des projecteurs alignés sur des rails et des écrans répartis autour d’une table en U.
La lumière accidentelle s’arrête aux premiers panneaux de bois appuyés les uns contre les autres, comme les éléments d’un décor. Des visages attentifs sont penchés sur les portables, tout près, au-dessus des doigts, de leurs rafales minimalistes. Chacun porte un casque fin, sur une seule oreille, avec un micro tendu devant des lèvres qui ne bougent presque pas.
Certains des écrans affichent une carte qui ressemble à celles qu’on peut deviner sur un des panneaux, quelques points clignotent, se déplacent. D’autres, les pièces et les couloirs du palace vus du plafond, les image se modifient par saccades. D’autres, des groupes de verticales parallèles toujours en train de changer de longueur, parfois en même temps, qui disparaissent et qui reviennent au-dessus d’une avalanche de nombres.
vendredi 14 juin 2013
Un interview
Le thé est servi sur un plateau d’argent: la serveuse doit pousser un peu le cendrier pour le poser sur votre petite table, ses fesses pleines passent à quelques centimètres du visage de l’illuminé qui reprend son cigare éteint, l’allume, tire dessus, fort, deux ou trois fois, les yeux en l’air, et puis les yeux sur toi.
Un long solo de flûte alto prend son temps pour monter, très grave très longtemps.
Dans une alcôve à quelques mètres de vous, un photographe aux cheveux décolorés tourne autour d’une starlette assise dans une méridienne, les seins rassemblés sous la gorge, les cuisses croisées juste assez haut pour laisser deviner la dentelle au sommet de ses bas noirs.
Un journaliste écoute la future célébrité avec attention tout en prenant des notes à l’aveugle. Le photographe se recule de quelques pas pour quelques photos d’ambiance.
jeudi 13 juin 2013
Tu ne le quittes pas des yeux
Tu discutes avec un type au visage rond, aux lunettes rondes, une barbe poivre et sel de quelques jours: il ouvre ses grands yeux très bleus et fait des gestes en cercle autour de son visage, en cercle entre vous. Il reste enfoncé dans sa bergère au milieu du salon, sauf quand il se penche en avant pour te poser la main sur l’épaule, de plus en plus souvent. Et puis ce sont les deux mains.
Tu ne le quittes pas des yeux, sauf quand il a posé ses mains ensemble sur toi pour la première fois: là, tu as regardé sa main droite avec une expression difficile à définir.
mercredi 12 juin 2013
Dans les toilettes
Une des serveuses entre dans les toilettes, ferme la porte, sort une petite clé de sa poche et ouvre le distributeur d’essuie-mains. Elle prend une cassette noire posée sur la réserve de tissu bleu, l’appuie sur le bord du lavabo, l’ouvre.
Des cymbales se balancent d’un côté et de l’autre, des bruits profonds qui reviennent régulièrement: de grosses serrures qu’on fait jouer, peut-être un orage assez loin.
Un petit calibre dans son emplacement de velours, un silencieux.
Elle les assemble, glisse l’arme dans son pantalon, le silencieux entre ses fesses. Elle range la cassette dans le distributeur, le referme à clé.
mardi 11 juin 2013
Le salon
Les grands rideaux du salon, dans les jaunes, plutôt foncés, du vieux bois au plafond, régulier, chaud, comme dans un chalet mais en beaucoup plus grand. Une odeur de cigares, de pipes, un grand feu dans la cheminée monumentale surplombée d’un abrégé d’héraldique illustré. Le palace, le château s’entend, a déjà quelques siècles.
Une baie s’ouvre sur des tables en métal couvertes de neige, sur les pentes, sur les mélèzes de plus en plus petits, les pâturages, mais le brouillard descend, et puis la nuit.
Les serveurs sont rapides, précis, alignent les fauteuils bas dès que leurs occupants ont passé le seuil, les ajustent pour ceux qui prennent place, débarrassent les guéridons, les écartent ou les rapprochent.
On les reconnaît par leurs gestes, pas de plaquettes, pas de noms, des chemises pastel, plus transparentes pour les femmes, qui pourraient être portées sous les manteaux de cuir ou de fourrure – mais aussi du plus détendu, du plus moche: c’est un peu les vacances – qui s’entassent au vestiaire.
Un big band s’installe dans les conversations éthérées.
lundi 10 juin 2013
Le palace décoré
Toute la clairière scintille autour d’un mur de lumière: le palace étincelle, sa façade en entier se répand dans la neige, des ornements se distinguent peu à peu. Spirales éclatantes autour des colonnes, torsades, chapelets, petits cordages tendus vers un nœud gigantesque au-dessus de la porte à tambour, pluie d’ampoules minuscules.
Lumière blanche sous la rotonde au bout des flambeaux de l’allée, rouge et jaune depuis l’appui des fenêtres, de moins en moins violente au fil des étages: les faisceaux s’estompent, creusent les perspectives, disparaissent. Les tourelles et les cheminées découpent les constellations.
Couchées dans la neige les décorations se simplifient, se noient les unes dans les autres et meurent au pied des premiers arbres.
dimanche 9 juin 2013
Depuis la passerelle
Le grillage de la passerelle est recouvert d’un tapis épais, sombre, éclairé au ras du sol. Tous les oranges de la vallée se dispersent dans les épaules de forêt en contrebas, derrière le verre des rambardes.
Une ligne de réverbères gris se dégage, orange aussi le temps d’un Y, gris de nouveau. Des phares éparpillés poursuivent les courbes des deux branches, en rouge, en blanc, les insinuent: longues et souples au fond, empilées en face mais le trouble est semé par un petit train qui grimpe à travers des tunnels en spirale et apparaît toujours où on l’attend le moins.
samedi 8 juin 2013
L'ascenseur
Des lampes à hauteur de hanches perpétuent la même lumière indirecte, posent un couloir phosphorescent sur les branches basses et sur les troncs jusqu’aux portes en train de s’ouvrir.
Les câbles se rassemblent très loin, tout en haut de la tour en métal, s’élancent vers cette roue éclairée depuis les dernières poutrelles qui veille sur la forêt, vers, encore plus haut, ce point rouge qui la couronne, vers toutes les étoiles qui vont et viennent en arrière des nuages.
La cabine est d’un bloc, polie, deux hublots sur les côtés, une caméra au plafond.
Un temps, les portes se referment, un temps, souffle très léger, température agréable, des lumières orange qui s’étendent à travers les mélèzes, de plus en plus bas, de plus en plus loin.
vendredi 7 juin 2013
Pour atteindre le palace
Pour atteindre le palace depuis le village, il y a la route étroite, au fond du dernier étranglement le portail illuminé.
Un sentier, aussi, ses épingles à cheveux, son sel et sa glace, son gravier, les stations de ses petits bancs. Quelques marches au début, quelques marches à la fin.
Il ne serait pas très prudent, non, du tout, même si le raccourci a l’air discret, de couper à travers les mélèzes. Beaucoup d’aiguilles sur le sol, beaucoup de falaises dans la pente, et, bien entendu, la neige sur tout ça.
Reste l’ascenseur.
jeudi 6 juin 2013
Trois feux de signalisation suspendus
Pour se repérer dans l’espace, il faudrait faire référence à d’autres lieux, à d’autres temps, à quelque chose de parfaitement éloigné mais de présent dans le souvenir, c’est-à-dire de rassemblé par le souvenir, que le souvenir rend présent à ce lieu. Ces références ouvrent l’espace, créent d’autres distances qui, à leur tour, révèlent celles qui sont déjà là, celles qu’on ne peut pas voir à cause de la nuit qui les arrange d’une autre façon.
Une image, surgie d’un film, pour mieux expliquer ce qui se voit, ce qui se passe : trois feux de signalisation suspendus à un carrefour devant une grande montagne au dos imposant. Les feux sont au rouge, ils passent à l’orange, puis au vert: c’est comme si toute la montagne d’un seul coup se rapprochait, était rendue présente, comme la police d’un texte peut parfois le faire quand on sait la lire de la bonne manière, en lisant un peu moins le texte et un peu plus les lettres qui le portent.
mercredi 5 juin 2013
Les distances, la nuit
Difficile d’évaluer les distances, la nuit. Souvent, ce qui semble proche ne l’est pas, ce qui semble lointain ne l’est pas, l’espace entier s’organise d’une autre manière, comme si ses parties étaient rassemblées en suivant d’autres lois, condensées ou dispersées, sans qu’on parvienne à savoir tout à fait comment.
Un bloc de forêts, de montagnes et de neige, qu’on doit pouvoir traverser, encore qu’on ne sache pas vraiment si on se déplace ou si c’est le paysage qui se reforme autour de nous en permutant ses éléments. Même le crissement de la neige gelée n’est pas d’un grand secours: ce son qui se répète sous nos pas pourrait être n’importe quel son, nos pas n’importe quels pas.
mardi 4 juin 2013
lundi 3 juin 2013
Fatalité de l'approche
Une note, de 1999:
"On a beau l’avoir lorgnée du coin de l’œil pendant plusieurs minutes, le même phénomène se reproduit à tous les coups, fatalité de l’approche. Le simple fait de l’aborder, de pouvoir la dévisager sans avoir à chercher un prétexte à son propre regard, dégrade d’un seul coup sa beauté fantasmée. Reste à savoir si le timbre de sa voix pourra raviver l’étrangeté excitante née de l’observation oblique."
dimanche 2 juin 2013
Paysage avec falaise
Une note, de 2004:
"J’essaie de trouver les mots pour décrire ce paysage qui est à la fois celui que je connais et un autre. C’est dans la qualité de lumière que je le reconnais d’abord, cette lumière blanche et métallique pour laquelle je n’ai encore jamais pu trouver les mots. Il y a cette profondeur de tous les gris, comme des grands mouvements tracés dans la matière du ciel et des montagnes, des ébauches de spirales travaillées dans l’air pas encore sec, dans l’air, peut-être, de l’orage qui arrive.
Le soleil, ce qui en reste, ce qui arrive encore sur terre en avant de ce paysage de ciel, éclate, imprévisible, sur un toit de la ville d’en dessous : il me faut un moment pour découvrir que ces assauts de soleil dépendent de la position de ma propre tête, à quelques centimètres près. Du coup, les bâtiments disparaissent, s’enfoncent derrière un rocher qui n’était certainement pas là plus tôt et les embruns giclent jusque sur mon écran, sur mon clavier posé sur mes genoux, écrivain d’extérieur.
L’eau vient s’écraser contre une falaise qui commence devant moi, qui ne devrait pas être là mais le plus urgent est de protéger mon portable de ces gouttes qui en viennent pas d’en bas comme je le croyais, mais d’en haut, de grosses gouttes de pluie qui tombent de l’orage qui est maintenant sur moi. Du coup, la falaise se déplace après la ville."
Petit précis de géométrie faciale
Une note, de 2004:
"Traiter son visage de géométrique insisterait peut-être plus que nécessaire sur la froideur qui se dégage de son maintien tout en négligeant par trop la vibration tendue dans chacune de ses arrêtes, sa versatilité charnelle incessante (parler de mobilité des traits serait exagéré au vu du peu d’amplitude affichée par chacun de ces tressaillements).
Les premiers traits de l’esquisse (traits qu’il ne sera pas nécessaire de masquer sous le portrait définitif, tellement ils s’imposent au regard) sont les deux diagonales pentues du menton surmontés du T formé par le nez inscrit dans la barre des arcades sourcilières proéminentes. Peuvent s’inscrire dans les deux angles droits ainsi délimités des yeux d’un bleu qu’on pourra qualifier à l’envi de liquide, profond, divers, pailleté, voire d’ultramarin, dont les globes sont mus par des oscillations infimes et continues, répliques sphériques des modulations planaires des joues et du front.
Une main vient confirmer l’agitation latente inscrite dans ce corps en grattant compulsivement l’un de ses genoux libéré pour ce faire d’un pan de jupe lie de vin: le temps d’un regard au visage qui n’a pas changé d’expression, les serres épileptiques ont repris leur somme indolent sur le haut de leur cuisse."
vendredi 31 mai 2013
Amener l’angoisse depuis les périphéries
Une note, de 2008:
"L’écriture, un des moyens pour amener l’angoisse depuis les périphéries jusqu’au centre – et lui faire face."
jeudi 30 mai 2013
Quand on chemine, il n’y a qu’un chemin
– Ces choses dont on croyait qu’elles nous dérangeaient font partie de notre chemin. On crée soi-même l’illusion du choix et on souffre de cette illusion: quand on chemine, il n’y a qu’un chemin.
C'est ma confiance que j'érode
Chaque fois que je me plains, que je rejette la faute sur l’autre, c’est un morceau de ma confiance en moi que j’érode, un morceau de ma confiance en la vie.
mardi 28 mai 2013
Mes problèmes de maintenant
Une note, de 2010:
"Je ne règle donc pas mes problèmes avec les gens de maintenant à la place de les régler avec d’autres, je règle maintenant mes problèmes avec les gens de maintenant."
lundi 27 mai 2013
Tout le monde peut devenir votre maître
– L’important, c’est d’apprendre à s’ouvrir: comme ça, tout le monde peut devenir votre maître. Votre maître, bien sûr, vous pouvez le tester, ça fait partie du jeu, mais ce n’est pas comme ça que vous allez apprendre.
dimanche 26 mai 2013
Tout est à vivre comme une expérience
Ce matin, pendant le petit-déjeuner organisé par le Livre sur les quais, j’ai regardé très attentivement Franz-Olivier Giesbert. Lorsqu’il s’est mis à répondre à ma question au sujet de son dernier bouquin, je me suis concentré non seulement sur ce qu’il disait, mais aussi sur tout ce qui me parvenait de lui en plus de ses mots: I shin den shin, de mon âme à ton âme.
Alors toute la salle Sandoz du Beau-Rivage s’est mise à onduler à l’intérieur de mon regard et j’ai senti que je me trouvais en équilibre au bord de mes perceptions, que j’étais sur le point de saisir une autre organisation du monde, parallèle à celle que me décrivent mes sens.
Après, le long du couloir jusqu’aux toilettes, dans ma tête, en boucle: tout est une expérience, tout est à vivre comme une expérience, une expérience, c’est tout. Et puis, le long du lac, pas après pas, la boucle s’est évaporée sous le beau soleil franc réparti dans l’air lavé par la pluie.
samedi 25 mai 2013
Le paysage perd son visage
Une note, de 1999:
"La nuit, le paysage perd son visage. Chaque ville (ses lumières) en appelle une autre."
vendredi 24 mai 2013
La montagne et moi
D’abord il y a la montagne et moi, et puis il n’y a plus que moi, et puis il n’y a plus que la montagne, et puis il y a la montagne et moi.
jeudi 23 mai 2013
Quelques risques liés au nucléaire civil
Une note, de 2002:
"Un appareil (dont l’apparence est proche de celle des calculatrices de taille respectable dont les marchands non anglophones se servent le plus souvent pour indiquer à leur interlocuteur qui l’est lui moyennement le triple de prix qu’ils espèrent obtenir de l’article convoité: mêmes arrondis grisâtres) permet d’imprimer sur un ruban plastifié des caractères en trois polices et quatre tailles différentes. Il est également possible de jouer sur la couleur du support (il faut soulever le capot du clavier pour introduire une autre cassette): rouge pour les livres et blanc pour les revues, selon les conventions de l’Institut.
Les cotes sont rudimentaires: un chiffre de zéro à neuf, un point, une décimale, un tiret, un autre chiffre allant parfois jusqu’à soixante suivant le sujet traité. L’une des clés de ce travail réside dans le découpage industriel de languettes de scotch (collées par une extrémité sur le bord de la table) qui serviront à maintenir les étiquettes contre le dos des ouvrages dont la reliure toilée souvent grasse a tendance à rejeter systématiquement ces greffes numériques.
Cette activité minutieuse se déroulant dans le coin le plus reculé d’une bibliothèque elle-même pour ainsi dire déserte, elle peut par conséquent être complétée par une autre activité, non moins minutieuse, d’épluchage des écrits numérotés. Les premières photos à retenir l’attention sont, bien entendu, celles des nécroses cutanées engendrées par la manipulation (dans des situations la plupart du temps rocambolesques, plus tragi-comiques les unes que les autres) d’un élément dont la radioactivité avait été négligée, sous-estimée, voire oubliée. Plaques noires, brillantes, ourlées de rouge qui progressent sur le corps de patients dont la mort est indiquée après quelques jours ou quelques semaines.
Ces publications de l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique (AIEA) en côtoient d’autres, publiées par le même organisme, au sujet des risques liés au nucléaire civil, tout comme des répertoires de normes, de seuils d’alerte et de scénarios d’évacuation et de décontamination."
mercredi 22 mai 2013
Des ronflements à la fois vulgaires et doux
Une note, de 1999:
"Il faut quelques instants pour s’habituer à la pénombre rouge, pour faire confiance aux impressions de murs, aux impressions de marches, et s’avancer d’un pas plus ou moins décidé sur cette moquette épaisse qui mange tous les sons. Sorte de gros tube digestif illuminé comme à travers des membranes. Une porte est entrouverte: signe distinctif suffisant pour entrer, fermer à clé tout en s’embrassant (haleine de bière) et se diriger vers le matelas d’eau en plastique (un seul drap qui ne protège pas longtemps les dormeurs – ces lits ne sont a priori pas faits pour dormir – de l’aquaplaning généré par leur propre transpiration).
Encore assez d’humour pour s’amuser des miroirs qui recouvrent les murs comme le plafond, de la télévision qui propose au choix trois films pornos et de la radio impossible à éteindre (rapidement moins drôle, cette soupe increvable). Mais l’affaire tourne vite aux voix cassées par l’alcool, aux corps désordonnés et aux pénétrations approximatives (que la version originale des dialogues soit en espagnol ne change pas grand-chose à l’histoire, au contraire). Un peu de jour à travers la dentelle métallique du store baissé, la mélopée de la radio (peut-être parfois des informations) et des ronflements à la fois vulgaires et doux."