jeudi 30 octobre 2014

Relevé consciencieux de la nuit médicale

D’abord, pas un bruit. Puis quelque chose comme un son continu qui était déjà là. Une crispation dans le bas du silence qui se sent avec les poils, qui s’entend à peine. Pas franchement agréable, non, du tout, mais il faut un moment pour s’en rendre compte.

Pas de gémissement, pas de cri – presque envie d’en inventer un, de faire comme si cette modulation de presque rien (ou celle-ci ou celle-là) était un gémissement derrière beaucoup de portes – mais le contraire d’une respiration, le souffle dans un appel à très longue distance, tous les relais, les standards, les antennes, les paraboles, les échos concentrés dans ce fond mouvant, vivant, qui attend la voix. N’importe laquelle.

Et des bips, comme un appel occupé, mais en plus lent. Ils sont plus mous, plus discrets, moins timbrés, moins pleins que ceux du téléphone, plus lisses, peut-être, aussi, un peu plus hauts, c’est difficile à dire.

Rien, non plus, de ce qui pourrait s’approcher, de près ou de loin, des rumeurs molles des organes, de ces tremblements du fond qui se rassemblent en toux, en grognements liquides, en pets. Juste ce bourdonnement lisse, encéphalogramme à peu près plat (le point lumineux file devant sa traînée grise et bleue, terne, phosphorescente, glisse entre les quadrillages gradués du moniteur, imperturbable, majestueux – quelques écarts, d’agacement, qui sait, la psychologie des photons est, décidément, une affaire de spécialistes), plat mais appliqué, relevé consciencieux de la nuit médicale.