jeudi 11 octobre 2012

Au carrefour de Carabobo

Au petit matin, histoire que Celia puisse faire un semblant de grasse matinée dominicale, j'ai embarqué Lucie pour un grand tour en poussette.

– Tu vois, tous ces gens qui attendent le bus, ils ont dansé toute la nuit, ceux qui mangent leurs croissants dans les bistrots aussi!

En arrivant sur Rivadavia, j'ai hésité un moment. À gauche? À droite? À droite, jusqu'à Carabobo: vingt blocs, ça devrait largement suffire pour que la petite pique un somme.

Quand j'ai vu le bus de la ligne 1 arrêté au milieu de l'avenue, la voiture de flics qui déviait le trafic sur Carabobo, je me suis dit qu'en effet, il y avait moins de circulation que d'habitude, même pour un dimanche matin.

Le bus avait tout le devant défoncé. Dix mètres avant, il y avait une moto par terre. Encore dix mètres avant, une grosse tache rouge: une poubelle orange était posée à l'envers pour la protéger des voitures qui arrivaient en sens inverse. Une autre moto était arrêtée sur le côté de l'avenue.

J'ai fait le tour du carrefour et je suis revenu le long de Rivadavia sur le trottoir d'en face. Un type ouvrait son kiosque à fleurs, un flic mesurait les distances entre l'avant du bus et le passage clouté, j'ai regardé Lucie en train de dormir dans sa poussette et je me suis mis à pleurer.

– C'est vrai qu'on va tous mourir, même toi.

Alors j'ai sorti mon iPod pour prendre une photo d'elle avec son petit bonnet bleu Lovely: le bruit du déclencheur l'a réveillée. Elle m'a fait un vague sourire et puis elle s'est rendormie.