samedi 21 novembre 2015

Une vérité qui tient par elle-même

Une note, de 2010:

"Écrire pour remplir des pages ne fait pas sens. Écrire pour m'aider à trouver et à sentir cette vérité, oui. J'ai déjà découvert qu'écrire pour être célèbre ne faisait pas sens. Oikawa, comme souvent, tourne la question dans l'autre sens: si la vérité est vraiment là, la célébrité viendra. Si c'est la célébrité qui est recherchée: il ne se passera rien. Je ne crois pas que cette vérité soit une vérité de l'aveu, parce que l'aveu – je repense au dernier exemple qui est le texte de Giulio – est avant tout un acte égocentrique, un acte qui est tourné vers soi dans le geste même de la révélation.

Cette vérité est une vérité de l'adéquation, une vérité de la phrase qui disparaît derrière ce qu'elle dit parce qu'il n'y aurait pas eu d'autre manière de le dire, parce qu'on ne se demande plus s'il y aurait eu une autre manière de le dire. C'est une vérité de l'évidence, une vérité qui prend la place de tout ce qui pourrait être dit parce qu'elle porte en elle la certitude que toute autre approche n'aurait pas été tout à fait aussi ajustée, pas tout à fait aussi adéquate, pas tout à fait aussi simple. C'est ce moment qui fait clic. Ce moment que je gagnais à la sueur de mon front et qui doit, qui va devenir une habitude, parce que la vérité dépend de la volonté et que je crois être rempli d'assez de volonté.

Cette volonté, je vais peut-être devoir l'éduquer, je vais peut-être devoir la convaincre, mais je crois que cette volonté est bel et bien là, je crois que je peux ne pas avoir de doute à son sujet, je crois que je peux faire confiance à cette volonté qui est en moi. L'aveu est une vérité socialement constituée, une vérité qui dépend de normes, qui dépend d'une époque, qui dépend d'un contexte. L'aveu, même s'il a l'air d'une vérité du coeur est avant tout une vérité de la tête, une vérité qui dépend des prétextes, une vérité qui tombe dès qu'on lui retire l'étai des lois.

La vérité que je cherche est une vérité qui tient par elle-même, parce qu'elle n'a pas d'autre source qu'elle-même, pas d'autre source que moi-même. Une vérité qui n'est pas déviée par ce que je sais, qui n'est pas déviée par ce que j'ai appris, une vérité qui peut jaillir hors de moi parce que je dispose de la technique des mots qui lui laisse libre cours, parce que je sais taper, parce que je sais laisser sortir les mots hors de moi, parce que j'apprends à ne pas donner d'autre forme aux mots que celle qu'ils se donnent eux-mêmes."