Je me rends compte que mon regard se retrouve souvent le Bouddha mort, la première des cinq images de sa vie rassemblées dans ce long cadre au-dessus du radiateur. Des fois, mon regard se déplace à droite et se retrouve sur Bouddha en train de donner un sermon.
Pendant les 700’000, j’avais beaucoup regardé Siddhartha Gautama en train de découvrir la maladie, la vieillesse et le mort en sortant de son palais sur un fringant cheval blanc.
Pendant les 500’000, je m’étais arrêté sur l’image du milieu, la seule qui est vraiment éclairée par la lampe avec son abat-jour de papier rouge et son idéogramme du Furaibo: l’illumination de Sakyamuni sous son arbre. Il est impassible au milieu d’une foule de monstres et de filles aux seins à l’air. Les monstres m’intéressaient peu: je regardais surtout les seins bien ronds de la fille à la droite de la peinture et je me disais que, question détachement, y avait encore du boulot.
Pendant les 300’000, je crois que j’ai regardé surtout l’image sur le mur d’en face, celle du fondateur de notre école, Shinran, avec ses sourcils bas, son front large et son foulard blanc autour du cou – comme Gustavo depuis hier soir pour soigner le peu de voix qui lui reste.
Ce Bouddha mort, ça m’évoque surtout la fatigue. Comme prévu, c’est plus dur d’entrer tous les soirs et de sortir tous les matins que de rester dedans à entonner, manger et dormir. C’est un peu comme faire un marathon en se prenant une bière à la terrasse après chaque kilomètre... Allez hop! Petite douche et dernier métro.