Juste après avoir fait ma révérence devant l’autel central en haut des escaliers du Furaibo, je vois Martín qui tourne autour de Gustavo assis sur une chaise au milieu du coin bar. Notre bon Sensei a déjà la moitié de la boule à zéro et notre grand ninja vendeur de rosaires et autres encensoirs, adepte lui aussi de longue date de la coupe à ras, est en train de le finir à la tondeuse.
– Profitez, profitez ! Coiffeur à l’œil !
Je me dépêche de me changer dans le dojo avant d’aller donner un coup de main pour la cérémonie et, pendant que j’enfile le samue noir que j’ai sorti de mon sac de montagne, je réfléchis, vite, très vite, à cette proposition inattendue : est-ce que c’est vraiment nécessaire de passer par la tondeuse pour me la jouer pratiquant motivé ? Mais bon, vu que les conditions se donnent : pourquoi ne pas profiter de voir comment me va la tête de moine ?
Gustavo sourit quand il me voit arriver près de la chaise et Martín fait toute une mise en scène en filmant avec son portable – gros plan sur sa tondeuse et puis sur moi – les derniers instants de mon look étudié.
Un quart d’heure plus tard, à peine je suis sorti d’une petite douche dans la salle de bain des employés du resto, Celia débarque avec Lucie accrochée sur son ventre.
– Il faudrait peut-être aussi raccourcir la barbiche, non?
– C’est pour le contraste !
– Ça te fait plus jeune et puis en même temps plus vieux... Sans âge, quoi.