Au bord de Corrientes, en attendant patiemment le 65 au soleil après m’être fait remettre les vertèbres en place par Pablo, je reviens à mes toutes premières odeurs de Buenos Aires: les grillades, bien sûr, l’eau de javel, le jasmin, le diesel des bus, les Gitanes de Carlos, la peinture fraîche de son appartement sur Córdoba, le métal des poêles en train de chauffer pour les milanesas, ces indispensables escalopes trempées dans l’œuf, la mie de pain, l’ail et le persil.
Quelles étaient mes attentes? Lesquelles ont été remplies et lesquelles pas? Qui est-ce que je suis devenu grâce à ces années tout en bas du monde? Comment est-ce que je vais retrouver cette Suisse une fois réduits à rien ces douze mille kilomètres délicieusement flexibles étendus entre nous? Besoin de récapituler les lieux et peut-être les personnes. Besoin de retrouver le Buenos Aires que je rêvais pour le poser, aussi délicatement que le drap de Lucie quand je reviens tard après le temple, sur le Buenos Aires que j’ai vécu. Deux mois pour ça et, à voir, ça commence par le nez.