Une note, de 1998:
"L’étendue n’est pas arrivée – aucun signe avant-coureur, mais peut-être que le roman s’est révélé passionnant juste au moment des premiers symptômes, peut-être pas – : elle est là, quadrillage orangé millimétrique à perte de vue, sorte de circuit imprimé surchauffé, silicium en fusion, système perfectionné d’irrigation magmatique qui semble battre presque imperceptiblement.
En quelques minutes, les centaines de kilomètres-heure ont dessiné un rivage d’obscurité à cette étendue finalement limitée, rivage provisoire car ce relief – mais peut-être s’agit-il d’un gouffre – dévoile rapidement une autre étendue semblable à la première, mais en plus grand, dont l’observateur peut avoir l’impression (malgré la contradiction apparente de la formule) qu’elle est encore plus à perte de vue que la précédente.
Des jalons se dessinent progressivement le long des différentes perpendiculaires : des sources lumineuses mobiles (bien que très lentes) se distinguent peu à peu des sources lumineuses fixes. Puis c’est au tour des plaques obscures de gagner en nuances, de se fragmenter en plusieurs polygones sombres de taille inférieure agencés côte à côte sur un fond à peine plus clair. Il est alors possible de parler de quartiers, de maisons, de voitures, d’avenues, de centre-ville et de banlieues industrielles avec leurs entrepôts, leurs parkings et leurs pistes d’atterrissage.
Des cliquetis désordonnés répondent au signal acoustique doublé d’une indication lumineuse (pictogrammes universels de la ceinture à boucler et du tabagisme à refréner provisoirement, pléonasme résiduel dans ce vol ostensiblement non-fumeur), l’agencement des dossiers s’uniformise de mauvaise grâce : quelques tablettes sont soigneusement négligées afin d’attirer à moindres frais l’attention des hôtesses, d’entendre les inflexions balisées de leurs voix, de frôler le tissu périmé de leurs uniformes et de s’imprégner de leurs parfums ouvertement discrets, c’est-à-dire hygiéniques.
Reste à parcourir en sens inverse une bonne partie du trajet décrit, dans les conditions à la fois plus pittoresques et moins propices aux divagations métaphoriques offertes par la banquette arrière d’un taxi, composition avant-gardiste de skaï éventré et de débris de mousse. Trop de fatigue pour meubler par la description tatillonne de cette œuvre écœurante une telle caricature de trajectoire."