– J’ai repensé à ces histoires de vol.
– Mmm, oui.
– Une première idée qui m’est venue, mais qui n’a pas vraiment retenu mon attention, c’est qu’on m’avait volé mon papa.
– Très psychanalytique, il me semble...
– Après, j’ai pensé à tout ce temps que j’avais ici, tout ce temps que j’ai l’impression de voler à je sais pas trop qui...
– À qui? C’est vrai ça, bonne question! À qui?
– Et puis j’ai encore pensé à ces films que je télécharge sur Internet, cette musique... C’est un peu du vol, ça, non?
– Mais tout le monde le fait! On peut trouver partout de sites avec tout le choix qu’on veut... Moi, j’ai plutôt l’impression que c’est comme cette histoire du chercheur qui se rend compte que ce qu’il cherchait, au fond, c’était lui-même. Mon petit doigt me dit, comme ça, mais je peux me tromper, que celui que tu voles, c’est toi, que si tu vois des voleurs partout, parce que c’est vrai que c’est un thème que tu ramènes souvent par ici, c’est parce que tu es en train de te voler toi-même.
– Ah oui... On ne peut voir que ce qu’on est...
– Moi, je pense que ce que tu te voles, c’est cette capacité de te réaliser, de faire ce pour quoi tu es venu sur terre. Pas facile quand on a la trentaine et plein d’énergie comme toi de rester à regarder le monde passer, non? Se battre pour un idéal, rassembler ses énergies...
– Mais si rien ne sert à rien?
– Le vieux truc nihiliste, oui oui, bien sûr. Mais le chercheur, tu sais, pour pouvoir chercher, il doit aussi aller chercher du pain.