mercredi 22 mai 2013

Des ronflements à la fois vulgaires et doux

Une note, de 1999:

"Il faut quelques instants pour s’habituer à la pénombre rouge, pour faire confiance aux impressions de murs, aux impressions de marches, et s’avancer d’un pas plus ou moins décidé sur cette moquette épaisse qui mange tous les sons. Sorte de gros tube digestif illuminé comme à travers des membranes. Une porte est entrouverte: signe distinctif suffisant pour entrer, fermer à clé tout en s’embrassant (haleine de bière) et se diriger vers le matelas d’eau en plastique (un seul drap qui ne protège pas longtemps les dormeurs – ces lits ne sont a priori pas faits pour dormir – de l’aquaplaning généré par leur propre transpiration).

Encore assez d’humour pour s’amuser des miroirs qui recouvrent les murs comme le plafond, de la télévision qui propose au choix trois films pornos et de la radio impossible à éteindre (rapidement moins drôle, cette soupe increvable). Mais l’affaire tourne vite aux voix cassées par l’alcool, aux corps désordonnés et aux pénétrations approximatives (que la version originale des dialogues soit en espagnol ne change pas grand-chose à l’histoire, au contraire). Un peu de jour à travers la dentelle métallique du store baissé, la mélopée de la radio (peut-être parfois des informations) et des ronflements à la fois vulgaires et doux."