Une note, de 2010:
"Tout à l’heure, on est sorti dans le gris d’automne pour me chercher des chaussures de tango. De nouveau ce plaisir d’être dans ces odeurs de froid, ce plaisir d’être dans cette partie du monde qui avait comme qualité principale d’être celle dans laquelle je me trouvais. Bien sûr, il y avait d’autres lieux, les forêts au-dessus de Lausanne avec les scouts, les champs de Grandson et de Fiez, il y avait des musiques, mais tout ça restait en arrière-fond, ne venait pas s’interposer entre cet automne-là et moi. Et même le fait de me rendre compte de ce qui était en train de se passer ne l’a pas fait se passer moins, ne l’a pas recouvert d’une couche de réflexion ou d’analyse ou de construction d’un texte à venir. Là aussi, les pensées étaient là, elles se développaient, mais en arrière-fond, pas entre ces arbres avec leurs dernières feuilles jaunes et moi.
Je crois que l’important est là, c’est une question de hiérarchie. Ce qui est véritablement important, c’est ce qui est en train de se passer sur le moment, mais ce n’est pas une raison pour me battre ni contre les souvenirs ni contre l’analyse: tout ce qui se produit en moi fait aussi partie du moment présent. Il faut simplement garder un équilibre, ne me laisser emporter ni par les souvenirs ni par l’analyse, faire le petit effort nécessaire – pour autant qu’un effort soit nécessaire – pour rester là, pour rester dans le moment où ça se passe. Mais je ne crois pas que l’idée soit non plus de forcer la présence: simplement la laisser être, ne pas la vouloir en particulier mais y être attentif, y être particulièrement attentif."