Accroupie en plein milieu d’un des business lounge de Francfort, Celia me fait remarquer qu’une vis sort dangereusement de la poussette de Lucie. Elle a fait ce qu’elle pouvait pour la remettre à sa place: peine perdue.
Après avoir fait mon possible pour expliquer à un des serveurs mon problème – mais comment dit-on tournevis en allemand? –, je vois arriver son chef muni d’un couteau. Ce dernier me demande pourquoi j’ai besoin, exactement, d’un tourne-vis et semble modérément convaincu par mon explication: dubitatif, il me tend cependant son couvert.
J’arrive bel et bien à faire tourner la vis de la pointe de ce couteau de cantine qui s’y encastre parfaitement, mais la vis en question semble s’obstiner à tourner dans le vide. Sur ce, le chef des serveurs me demande de lui expliquer encore une fois ce que je cherche à faire et, me voyant joindre le geste à la parole, me confirme que c’est effectivement d’un tourne-vis dont j’ai besoin: il va de ce pas faire son possible pour m’en procurer un.
L’outil qu’il me ramène est un modèle de compétition: massif, corps d’un caoutchouc noir velouté, pointe effilée juste ce qu’il faut. La vis récalcitrante, dans un dernier baroud d’honneur patine encore un peu, mais finit par s’avouer vaincue et par enfin retrouver le fond de l’orifice que lui ont destiné les concepteurs du carrosse de notre fille adorée.
Triomphalement, je traverse tout le lounge pour remettre son instrument à mon bienfaiteur – oui oui, c’est réglé – et, sur le chemin du retour jusqu’à ma petite famille, je bénis le ciel de nous avoir permis de le traverser de part en part sur tous ces kilomètres, sur tous ces miles qui ont fait de nous ni plus ni moins que des frequent flyers.