Vu qu’on était un poil à la bourre pour l’anniversaire de Simón, on s’est dit qu’on allait finalement prendre le 65. Quand le bus est arrivé, Celia a fait un signe au conducteur pour lui montrer qu’elle allait prendre la porte du milieu et moi, je suis allé faire la queue devant pour payer avec ma carte SUBE.
Au moment où Celia monte, le conducteur ferme les portes juste sur la poussette et ça commence à s’animer assez sec à l’intérieur.
– Y a une poussette entre les portes!
En effet, Celia, est condamnée à rester sur le trottoir, accrochée des deux bras au carrosse de notre chère Lucie.
– Eh, fils de pute, t’as entendu? Y a une poussette entre les portes!
Le conducteur, qui a fini par relâcher son étreinte, se lève d’un bon et fait quelques pas dans le couloir.
– Qui c’est qu’a dit ça?
– Mais t’es vraiment un pauvre type!
– Essaie de faire mon boulot et puis tu verras!
Pendant que les passagers et le conducteur continuent à s’envoyer des joyeusetés à travers la figure, Celia parque comme elle peut la poussette à l’endroit réservé aux chaises roulantes.
L’orage se calme aussi vite qu’il avait éclaté, le conducteur se rassied et je peux lui demander, le cœur battant, "deux fois 1.25, pour moi et pour la fille avec la poussette". Il me dit que ça se fait pas, qu’on peut pas monter par la porte arrière et je lui réponds oui oui en me dépêchant d’aller retrouver mes deux femmes un chouia verdâtres.
– Alors, qu’est-ce qui s’est passé? J’entendais pas bien depuis devant...
Mais le conducteur est de nouveau debout au milieu du couloir:
– Je sais pas si vous avez compris, mais c’est le bébé dehors et la poussette pliée!
Je prends Lucie dans mes bras, je m’assieds sur le seul siège de libre et quand Celia commence à regarder comment elle pourrait bien plier, avec tous ces gens autour, notre imposante poussette indestructible – merci Jean-Jacques de nous avoir offert un tank! –, je lui fais signe que je crois que ça va très bien aller comme ça.
Je respire un bon coup et je donne un bec à Lucie, dans les cheveux.