Deux ans de mariage, quatre mois de Lucie, un éditeur intéressé par le Bergstamm: une journée pareille pouvait difficilement se terminer autrement que par un tango baigné de l'orange pastel des lampadaires municipaux, joue contre joue dans la douce moiteur du Léman juste avant l'orage.
– Tu entends, ça doit venir de derrière les bateaux!
On presse le pas le long des quais d'Ouchy, on traverse la place de la Navigation, on case vite fait la poussette de Lucie en arrière des haut-parleurs, à côté d'une voiture au bord de la grande fontaine et on va poser nos sacs avec tous les autres, au milieu du cercle des danseurs.
Vers la fin de notre premier tango, Isabelle nous fait un grand sourire:
– Comment ça va les amoureux?
Et, quelques tours de piste plus tard – quelle chaleur, quelle moiteur, on se croirait en plein janvier sur une place de San Telmo –, elle lâche à regret son cavalier pour aller faire un coucou à Lucie qui dort toujours à poings fermés:
– Alors, bon voyage et à l'année prochaine! Ah, mes chers petits Argentins! Vous, il me semble que je vous croise toujours par hasard!