Dimanche, c’était un jour spécial. On s’est retrouvés, Celia et moi, à cueillir des prunes japonaises au bord d’un champ de lin, une mer de toutes petites fleurs bleues à hauteur de genou, à perte de vue.
Le champ et le verger sont à la famille de Gustavo, notre maître bouddhiste. Il avait commandé un petit bus pour amener une trentaine d’habitués du temple jusque là-bas, à 150 kilomètres au nord de Buenos Aires.
Ça faisait du bien de se retrouver à l’écart du bruit, à l’écart de toute cette énergie à la fois nécessaire et fatigante, à l’écart de cette ville dont il est si difficile de sortir tellement il faut d’énergie pour traverser une bonne heure de banlieue dans des bus aux freins brusques et suraigus.
Suivant les branches, il fallait lever les bras très haut pour arriver aux prunes, ces petites prunes vertes, dures, légèrement poilues, ces petites prunes qui sont tellement acides qu’on ne peut pas en faire grand-chose d’autre qu’un alcool, l’umeshu, ou qu’une espèce de chutney, l’umeboshi.
J’avais les bras au ciel, les épaules chaudes, des rayons de soleil dans les yeux à travers les branches, et je pensais à vous entre deux poignées de prunes, je pensais à ce que je sais de vous, aux moments que nous avons partagés. Et c’est là que j’ai compris que c’était justement ça que je voulais vous écrire, toutes ces pensées qui partaient vers vous d’une poignée de prunes à l’autre.