Il y a cette femme, sous le néon de cet abri de bus, qui me demande de l’argent pour téléphoner. Elle porte un masque de tissu noir, on ne voit que ses yeux bruns, très mobiles. Ses mains d’Africaine, d’Amérique dit son accent, portent beaucoup de bagues en toc, beaucoup de bracelets de beaucoup de métaux.
Elle me parle de tous ces gens qui veulent la tuer parce qu’elle est la femme du roi du Maroc. Ils ont tout essayé : le gaz (alors qu’elle nettoyait, pourtant, son four avec du feu), les freins de sa voiture, les balles (avec silencieux), le poison, l’essence (encore hier, à la station-service d’en face). Vraiment tout.
En janvier, ils lui ont donné des pilules pour bloquer ses règles. Elle qui est vierge, elle a dû décommander son rendez-vous avec son mari suédois et juif (ses cheveux sont plus blonds et surtout plus beaux que les miens) en téléphonant à ses gardes du corps. Il logeait au palace, juste derrière nous.
C’est une autre femme qui est avec son mari (qui a deux visages : celui qu’on connaît, que tout le monde connaît, et un autre, horrible) son mari qui veut la tuer pour être avec cette autre femme. Il lui a même tiré une balle dans la tête à bout portant (avec un silencieux), mais elle n’est pas morte: elle la maudit en lui infligeant des mycoses plantaires. Il les a toujours, ne peut rien faire contre.
Elle s’appelle Jérusalem, on ne peut pas la toucher parce qu’elle est femme de roi. Elle sort un livre très fin aux pages presque toutes cornées et presque toutes recouvertes de marqueur jaune passé, orange, presque brun. Elle pointe le nom d’une divinité juive et affirme qu’il s’agit d’elle, que c’est un autre de ses noms.