En arrivant au buffet organisé chez lui par le conseiller de l’ambassade, je me retrouve devant la porte de l’ascenseur avec trois femmes d’un certain âge, doublement emperlées. L’un des invités précédents ayant mal refermé la porte à l’étage des Suisses, la conversation s’engage: quand l’ascenseur arrive, on est déjà aux intimités.
– Et toi, tu fais quoi?
– Je suis écrivain.
– C’est qui qui te publie?
– Ben, euh, je...
Entre les tours et les détours du 92, après une dernière coupe de champagne sur un des interminables balcons de ce beau quartier de la Recoleta, j’ai eu l’occasion de méditer sur mon inconfort et de peaufiner une réplique élégante et simple que je n’aurai, malheureusement, jamais l’occasion de déclamer à mon emperlée de service.
– Personne.
– Quoi, personne?
– Non, personne ne me publie.
– Alors tu n’es pas écrivain.
– Non? Il faudra vraiment que vous m’expliquiez cet intéressant point de vue!
– Ah, mais, je...
Et le petit film, encore et encore, dans un sens et dans l’autre, jusqu’à ce que je me fatigue de faire la causette avec cette partie de moi-même, mondaine et prétentieuse, dont j’ai décidément toutes les peines du monde à me débarrasser.