La lumière des écrans lisse les traits concentrés des deux visages qui flottent aux coins de la salle, quelques mètres au-dessus du sol, jusqu’à les aplatir, jusqu’à donner l’impression que les figures sont non pas devant mais dans les écrans, des hologrammes, des images de synthèse grises devant la nuit.
Le rythme est très rapide, brisé, crispé, les sons sont industriels.
Des lignes verticales du même gris, très fines, encadrent les DJs, leurs gestes choisis. Elles dessinent un espace vectoriel, une cage, un système de protection perfectionné qui entoure les pièces particulièrement rares dans les musées.
Aucun des deux ne se penche sur l’assemblée qui se défoule par à-coups sous les stroboscopes.
Une voix nasillarde se place dans le rythme, répète comme des slogans avec un accent rauque, dur, et puis un gros rire sardonique.
Les visages dans leur halo de lumière grise restent impassibles, les mains s’agitent sans doute derrière les écrans, précises, prêtes à balancer la rythmique qui tourne déjà dans un des gros casques portés de travers.
Une boucle très épaisse, grasse, cabossée, se glisse sous les syncopes, sous le triangle qui bat très vite, sans arrêt, pointillé tendu à travers toute la fumée balayée de faisceaux blancs, balayée de faisceaux bleus.
Un homme très large d’épaules entre, marche droit sur un type aux cheveux phosphorescents, se jette sur lui. Un genou sur la gorge, il lui balance un extincteur dans la tête, plusieurs fois – son manteau tourne autour de lui.
Le crâne est défoncé, mais la mâchoire bouge encore, comme pour dire quelque chose. Le visage est devant l’extincteur, un peu tordu, plat, comme une erreur de perspective, une illusion des stroboscopes.
L’homme repart, écarte des ravers en latex qui continuent de sauter, de bouger la tête dans tous les sens.
Les boucles tournent, toujours aussi fort, les projecteurs balayent.
La salle met du temps à se figer.