Les mêmes photos sont placardées à l’extérieur de la guérite des douaniers, dans un état de délabrement bien supérieur à celles exposées contre la vitre du couloir de l’immigration. L’impression – selon toute vraisemblance, une imprimante à jet d’encre bon marché – de mauvaise qualité n’a pas résisté longtemps aux pluies tropicales : les visages se sont effondrés, leurs couleurs saturées se mêlant à l’encre noire du montant de leur mise à prix.
Pour certains d’entre eux, il est impératif de faire appel au souvenir des versions sauvegardées de ces prises de vues pour y reconnaître ne serait-ce que l’esquisse d’une physionomie. Quant à pouvoir attribuer à quelqu’un ces traits grossièrement rendus par un photomaton probablement au bout du rouleau, traits passés ensuite à la moulinette du scanner, de l’agrandissement puis de l’imprimante, c’est une autre histoire.
Pas question non plus de revenir en arrière pour détailler une nouvelle fois les portraits mieux conservés du bureau de l’immigration : comme souvent, cette portion du trajet aéroportuaire est à sens unique et ni l’humeur du moment, ni l’ambiance du lieu n’incline à ce genre de facéties rebelles. Reste le souvenir de ces visages communs, pas franchement plus patibulaires que d’autres, pas plus souriants non plus, mais bon.
La dangerosité des terroristes auxquels ces figures appartiennent est confirmée par le nombre de zéros répartis sous leur gorge, zéros avec lesquels elles se sont pour la plupart confondues, sur la fin du trajet pédestre qui coïncide avec le début du trajet automobile tarifé à la tête du client (oui, le taximètre est en panne, non, je ne peux pas vous dire combien ça va coûter, dépêchez-vous, j’ai d’autres clients qui attendent).
À se demander, vu la qualité mondialement reconnue des geôles locales, à laquelle de leurs deux représentations ces terroristes, pour autant qu’ils soient pris, ressembleront le plus après quelques jours d’interrogatoires menés avec abnégation par des fonctionnaires malheureusement le plus souvent peu – ou trop, mais désœuvrés et consciencieux – perspicaces. Peut-être que cette prise qui pend ostensiblement entre le taximètre et le rétroviseur permettrait de et puis non : tel hôtel à tel numéro de telle rue, s’il vous plaît.