Ton regard noir planté dans le fond du tunnel, tes cheveux qui montent, qui se dispersent sur tes épaules, sur l’une, sur l’autre, mèche après mèche, qui tournent autour de toi : élévations, dilatations, impacts en rafales. Tes seins font jouer les tissus les uns sur les autres, tes muscles modifient sans arrêt l’itinéraire des coutures sur tes fesses, l’équilibre de tes poches autour de la couture plus grossière qui les sépare.
Les pas s’organisent autour des cambrures et des chairs bombées, des inclinaisons plus ou moins spectaculaires qui se redressent à l’approche des phalanges prises dans des lanières qui les plaquent, qui les contraignent, qui les restreignent, qui les blessent peut-être comme ton gros orteil dans son collier de cuir noir. Petit filet de sang sur le bord de ton ongle.
Juste de quoi t’éclipser avant la fin du tunnel, juste de quoi décrocher la sangle étroite autour de ta cheville et poser ton pied sur le dernier lavabo en face des toilettes, de quoi l’examiner, le rincer, peut-être – coup d’oeil vers la porte – le sucer, longtemps, comme on suce son pouce, pour que ça fasse moins mal, un peu, pour que ta salive pénètre la blessure, la nettoie, la soigne, l’apaise. Ta blessure qui ne serait plus qu’un souvenir, qui n’aurait jamais existé.
Alors un jet droit se briserait sur un triangle d’émail entre tes cuisses, encore quelques gouttes et tout serait remis en place, les tissus, le cuir, le regard.
Et ton pas sous tout ce béton, plus régulier que le pas d’avant, plus impératif et plus léger, ton pas dans un refrain débité par un métis tordu sur ses béquilles, les épaules en l’air, les mains accrochées à sa flûte en bois, toute petite, ton pas qui s’évanouirait dans le matin nouveau.