– Quand tu m’as parlé de me pencher sur les conditions de l’impossibilité à écrire plutôt que de me forcer à écrire, ça me semblait nouveau, mais c’était surtout dans ta manière de le dire. En fait, et c’est en montant jusqu’à ton chalet que je m’en suis rendu compte, c’est ce que j’essayais de faire avec mon projet de roman autour de Chessex.
– Tu dirais que c’était un dialogue avec ton image d’écrivain?
– Oui, c’est exactement ça! Je me rends compte que c’était une équation absolument impossible à résoudre: plus j’avançais, plus je resserrais les liens qui m’entravaient, plus l’image me limitait à chaque phrase et rendait l’écriture pénible, sans parler de la lecture...
– Très bonne analyse de texte!
– Plus je bossais, plus je m’enfonçais, plus c’était pénible d’avancer, plus ça ne menait strictement à rien...
– Un peu comme dans les sables mouvants: plus tu t’agites, plus tu coules vite. Il faut parfois savoir rester immobile. C’est sans doute ce que ton amie a su voir quand elle disait qu’elle ne te sentait pas dans le texte, qu’elle ne t’y voyait pas.
– Un des trucs que disait notre maître à Buenos Aires, c’est que tu ne peux pas vaincre l’égo avec la raison, parce qu’il va toujours trouver de meilleurs arguments que toi, quoi que tu lui dises: ça le réjouit et ça le rend de plus en plus fort, il adore ça. J’ai l’impression que c’est pareil avec l’image: tu ne peux pas la déboulonner frontalement comme j’ai essayé de le faire avec mon livre. C’est un combat perdu d’avance qui ne peut te mener qu’au découragement.
– C’est tout à fait ça! Maintenant que tu y vois un peu plus clair sur ton écriture, si on passait à ta vie?