jeudi 31 mars 2016
Une ligne parfaitement droite
Quand on tourne la tête en arrière, on se rend compte que tout ce qui semblait sinueux abritait en définitive une ligne parfaitement droite.
mercredi 30 mars 2016
Le complot du métal et de la nuit
Une note, de 1997:
"La lenteur du virage: les rails se rejoignent. Une lumière rouge a cessé d'exister. Parfois je subodore le complot gigantesque du métal et de la nuit."
mardi 29 mars 2016
Celui qui est trop loin derrière son texte
Le truc qui ne va pas dans le Bergstamm, c'est que je n'ose pas coller au Walter d'alors, pas le défendre dans ce qu'il vivait.
Au contraire, je me moque de lui depuis le Walter d'aujourd'hui: comme je ne le prends pas au sérieux, le lecteur non plus. Et le lecteur s'ennuie.
Après la distance du formalisme, je me suis caché dans la distance de l’ironie: ça dilue, ça dilue, l'anémie de celui qui est trop loin derrière son texte.
lundi 28 mars 2016
Le pas vers ce qui ne se voit pas
L'écriture, le pas vers ce qui ne se voit pas. Le pas vers ce qui serait entièrement pour moi, c'est-à-dire entièrement pour tous: la pratique spirituelle.
dimanche 27 mars 2016
Du son de l'eau dans la forêt
Une note, de 2004:
"Du son de l’eau dans la forêt de la nuit de la neige. Qui d’encore se prolonge. Et d'encore. Oui. Tout jusqu’à la place d’ensemble prise d’encore et d’encore. D’entre la neige d’entre les troncs d’ailleurs le son de la nuit diverge. Oui. Comme d’encore à ne plus demander. D’ensemble là d’outre l’hors de l’ombre. D’entre contre. D’entre ensemble d’où l’heure douce. D’entre contre. Capacité suivie d’être d’outre. Oui. Et d’être et d’outre. Capitales. Large d’où large d’encore d’outre large. Du son d’espace. D’ailleurs d’entre contre. Etre outre contre. Qui d’encore d’outre se prolonge. Et l’eau du son dirige d’outre d'ailleurs. Qui d’encore. D’encore. La neige sur ce qui d’encore hier de neige d’ailleurs d’outre pourvu encore vierge. Couche de cette nuit."
samedi 26 mars 2016
vendredi 25 mars 2016
jeudi 24 mars 2016
Langueur du chlore
Une note, de 1997:
"Des lampes circulaires déploient leur lumière bleue sous les ventres. Les corps flottent lentement le long de la surface d’eau: langueur du chlore. Il m’arrive de fixer mon attention sur les courbes qui me croisent. Parfois une jambe fait jaillir quelques gouttes."
"Des lampes circulaires déploient leur lumière bleue sous les ventres. Les corps flottent lentement le long de la surface d’eau: langueur du chlore. Il m’arrive de fixer mon attention sur les courbes qui me croisent. Parfois une jambe fait jaillir quelques gouttes."
mercredi 23 mars 2016
L'exemple des performers
Les danseurs et les performers sont pour moi de meilleurs exemples que les écrivains.
En prise avec le moment, en prise avec leur corps, originalité dans la forme et dans le rapport à la forme.
Reprendre cette idée explorée dans le Sirius: décrire le plus précisément possible le spectacle qui pourrait être tiré de cette histoire que je veux raconter.
mardi 22 mars 2016
Pour une bouffée d'air
Ramana Maharshi a des mots simples pour expliquer l'énergie qu'il faut mobiliser pour comprendre les choses comme elles sont: l'énergie d'un homme à qui on maintiendrait la tête sous l'eau et qui se débattrait pour une bouffée d'air.
lundi 21 mars 2016
L'écrire ou le parcourir en marchant
En roulant tout au pied du Jura, je me dis qu'un texte devrait naître ici. De nouveau une question de rapport intensif au monde: l'écrire ou le parcourir en marchant.
En attendant, je conduis ma berline de luxe héritée de tante Dellon avec les deux gosses qui chantent à tue-tête:
– Haïkaï, haïkaï, poisson japonais!
Et je chante avec eux.
Et je chante avec eux.
dimanche 20 mars 2016
Sa relation naturelle au monde
– La seule possibilité de donner un sens à son existence, c'est d'élever sa relation naturelle avec le monde à la hauteur d'une relation spirituelle.
samedi 19 mars 2016
A découvert
Sentir au plus près le moment
Sa pente
Son courant
Ses réticences
Les possibles ne sont plus qu'un
Il est
Devant moi
À découvert
Sa pente
Son courant
Ses réticences
Les possibles ne sont plus qu'un
Il est
Devant moi
À découvert
Une parcelle de vie tremblante
Une note, de 1997:
"Tu me dis que chacune des lumières que nous pouvons voir de l'autre côté du lac est une parcelle de vie tremblante portée jusqu'à nous par les bras du vent, que chacune des ces bribes de chaleur vient vibrer tout au fond de ton ventre."
"Tu me dis que chacune des lumières que nous pouvons voir de l'autre côté du lac est une parcelle de vie tremblante portée jusqu'à nous par les bras du vent, que chacune des ces bribes de chaleur vient vibrer tout au fond de ton ventre."
jeudi 17 mars 2016
Le monde a renoncé à me séparer
De pas en pas, une hésitation. Il y a les champs sous le soleil, les montagnes blanches sous le soleil, éblouissant, de plus en plus éblouissant, et les rues de notre quartier de Buenos Aires, puis les rues de la banlieue de Buenos Aires, puis de la grande banlieue qui sont à présent des rues de terre.
Un pas dans les rues, un pas dans les champs, un pas dans les rues, un pas dans les champs, jusqu’à ce que les rues deviennent des champs et que les paysages se rassemblent sous les deux lumières, celle qui découpe les étendues et celle qui caresse les courbes des collines et
des lacs.
Quand les deux soleils n’en font plus qu’un, une femme à côté de moi lève ses bras au ciel et je regarde l’endroit où la rondeur de son sein se creuse sous son aisselle. Un paysage entier est là: je n’ai plus besoin du reste de son corps. J'ai cessé de marcher, cessé d’hésiter, le monde a enfin renoncé à me séparer.
Un pas dans les rues, un pas dans les champs, un pas dans les rues, un pas dans les champs, jusqu’à ce que les rues deviennent des champs et que les paysages se rassemblent sous les deux lumières, celle qui découpe les étendues et celle qui caresse les courbes des collines et
des lacs.
Quand les deux soleils n’en font plus qu’un, une femme à côté de moi lève ses bras au ciel et je regarde l’endroit où la rondeur de son sein se creuse sous son aisselle. Un paysage entier est là: je n’ai plus besoin du reste de son corps. J'ai cessé de marcher, cessé d’hésiter, le monde a enfin renoncé à me séparer.
mercredi 16 mars 2016
Sauf là où il y a un moi pour le chercher
- Dieu est partout, sauf là où il y a un moi pour le chercher. C'est le moi qui le met ailleurs, il n'y a que ce moi pour l'empêcher d'être tout.
mardi 15 mars 2016
Faire à la place de penser
Une note, de 2013:
"– Peut-être que tu avais besoin de venir jusqu’ici pour retrouver ce père sérieux qui est en toi.
– Maintenant, ça me semble simple de vivre: faire à la place de penser.
– Il faut faire ce qu’il y a à faire. Il me semble que tu fais beaucoup de cadeaux pour remercier les gens pour ce que tu emportes d’Argentine...
– Pour ce que j’emporte, oui, mais surtout pour cette découverte qu’en fait, c’est simple de vivre. Et ça, ça n’a pas de prix.
– Quand tu es arrivé, tu voulais être écrivain, maintenant, tu en es un. Tu es un communicateur: n’oublie pas ça!"
"– Peut-être que tu avais besoin de venir jusqu’ici pour retrouver ce père sérieux qui est en toi.
– Maintenant, ça me semble simple de vivre: faire à la place de penser.
– Il faut faire ce qu’il y a à faire. Il me semble que tu fais beaucoup de cadeaux pour remercier les gens pour ce que tu emportes d’Argentine...
– Pour ce que j’emporte, oui, mais surtout pour cette découverte qu’en fait, c’est simple de vivre. Et ça, ça n’a pas de prix.
– Quand tu es arrivé, tu voulais être écrivain, maintenant, tu en es un. Tu es un communicateur: n’oublie pas ça!"
lundi 14 mars 2016
Sur les lisières de mon corps
Une note, de 1997:
"Tu ne dis rien. Ta langue erre entre mes muscles, le long de mes vallées.
Odeurs des murs de bois: la fumée, la résine et le vent.
Ta bouche laisse une trainée de neige sur les lisières de mon corps."
"Tu ne dis rien. Ta langue erre entre mes muscles, le long de mes vallées.
Odeurs des murs de bois: la fumée, la résine et le vent.
Ta bouche laisse une trainée de neige sur les lisières de mon corps."
dimanche 13 mars 2016
Petit escargot
– Caca!
– Oui, c’est par là que le dinosaure fait caca!
– Grrrrrand!
– Oui, ça c’est sûr, il est très grand!
– Coco! Pitipitipitipiti!
– Petit escargot, porte sur son dos, sa maisonnette. Aussitôt qu'il pleut, il est tout heureux: il sort sa tête!
– Oui, c’est par là que le dinosaure fait caca!
– Grrrrrand!
– Oui, ça c’est sûr, il est très grand!
– Coco! Pitipitipitipiti!
– Petit escargot, porte sur son dos, sa maisonnette. Aussitôt qu'il pleut, il est tout heureux: il sort sa tête!
samedi 12 mars 2016
Un combat perdu d’avance
– Quand tu m’as parlé de me pencher sur les conditions de l’impossibilité à écrire plutôt que de me forcer à écrire, ça me semblait nouveau, mais c’était surtout dans ta manière de le dire. En fait, et c’est en montant jusqu’à ton chalet que je m’en suis rendu compte, c’est ce que j’essayais de faire avec mon projet de roman autour de Chessex.
– Tu dirais que c’était un dialogue avec ton image d’écrivain?
– Oui, c’est exactement ça! Je me rends compte que c’était une équation absolument impossible à résoudre: plus j’avançais, plus je resserrais les liens qui m’entravaient, plus l’image me limitait à chaque phrase et rendait l’écriture pénible, sans parler de la lecture...
– Très bonne analyse de texte!
– Plus je bossais, plus je m’enfonçais, plus c’était pénible d’avancer, plus ça ne menait strictement à rien...
– Un peu comme dans les sables mouvants: plus tu t’agites, plus tu coules vite. Il faut parfois savoir rester immobile. C’est sans doute ce que ton amie a su voir quand elle disait qu’elle ne te sentait pas dans le texte, qu’elle ne t’y voyait pas.
– Un des trucs que disait notre maître à Buenos Aires, c’est que tu ne peux pas vaincre l’égo avec la raison, parce qu’il va toujours trouver de meilleurs arguments que toi, quoi que tu lui dises: ça le réjouit et ça le rend de plus en plus fort, il adore ça. J’ai l’impression que c’est pareil avec l’image: tu ne peux pas la déboulonner frontalement comme j’ai essayé de le faire avec mon livre. C’est un combat perdu d’avance qui ne peut te mener qu’au découragement.
– C’est tout à fait ça! Maintenant que tu y vois un peu plus clair sur ton écriture, si on passait à ta vie?
– Tu dirais que c’était un dialogue avec ton image d’écrivain?
– Oui, c’est exactement ça! Je me rends compte que c’était une équation absolument impossible à résoudre: plus j’avançais, plus je resserrais les liens qui m’entravaient, plus l’image me limitait à chaque phrase et rendait l’écriture pénible, sans parler de la lecture...
– Très bonne analyse de texte!
– Plus je bossais, plus je m’enfonçais, plus c’était pénible d’avancer, plus ça ne menait strictement à rien...
– Un peu comme dans les sables mouvants: plus tu t’agites, plus tu coules vite. Il faut parfois savoir rester immobile. C’est sans doute ce que ton amie a su voir quand elle disait qu’elle ne te sentait pas dans le texte, qu’elle ne t’y voyait pas.
– Un des trucs que disait notre maître à Buenos Aires, c’est que tu ne peux pas vaincre l’égo avec la raison, parce qu’il va toujours trouver de meilleurs arguments que toi, quoi que tu lui dises: ça le réjouit et ça le rend de plus en plus fort, il adore ça. J’ai l’impression que c’est pareil avec l’image: tu ne peux pas la déboulonner frontalement comme j’ai essayé de le faire avec mon livre. C’est un combat perdu d’avance qui ne peut te mener qu’au découragement.
– C’est tout à fait ça! Maintenant que tu y vois un peu plus clair sur ton écriture, si on passait à ta vie?
vendredi 11 mars 2016
Où je suis née
– Là, c’est l’eau?
– Oui, c’est le fleuve: c’est le Rio de la Plata.
– Et les places de jeu, elles sont où?
– Celle près de chez Carlos, elle et là, et celle avec le carrousel où on allait avec Marcelo, elle est là.
– Et la maison à nous, elle est où?
– Attends, Aranguren, Avellaneda, Vallese, Acoyte… Voilà, c’est juste là!
– Sous ton doigt?
– Oui, juste là.
– Et l’hôpital?
– Celui où tu es née?
– Oui, où je suis née!
– Peyrredón, Córdoba, Santa Fé: c’est là!
– C’est qui qui est né avant moi? Ineo, il est né après moi?
– Oui, c’est vrai: Ineo est né après toi.
– Oui, c’est le fleuve: c’est le Rio de la Plata.
– Et les places de jeu, elles sont où?
– Celle près de chez Carlos, elle et là, et celle avec le carrousel où on allait avec Marcelo, elle est là.
– Et la maison à nous, elle est où?
– Attends, Aranguren, Avellaneda, Vallese, Acoyte… Voilà, c’est juste là!
– Sous ton doigt?
– Oui, juste là.
– Et l’hôpital?
– Celui où tu es née?
– Oui, où je suis née!
– Peyrredón, Córdoba, Santa Fé: c’est là!
– C’est qui qui est né avant moi? Ineo, il est né après moi?
– Oui, c’est vrai: Ineo est né après toi.
jeudi 10 mars 2016
Laisser mes enfants me tirer vers l'enfant
Laisser mes enfants me tirer vers l'enfant plutôt que les tirer moi vers l'adulte.
mercredi 9 mars 2016
Dialogue à trois
– Je dois dire que je ne sais pas trop comment commencer.
– Écris ce que tu veux!
– C’est bien ça le problème...
– Pas de contraintes, aucune: juste mettre un mot et puis un autre...
– Oui, je veux bien. Mais, en même temps, tout a déjà été fait...
– Le truc du tout a déjà été écrit, c’est une excuse de fumiste! Il suffit d’être vraiment personnel.
– Je commence à me sentir pas très bien: j’ai mal au ventre et de la peine à respirer.
– Eh bien! Fais autre chose et reviens quand tu seras décidé. Écrire, c’est pas un truc de mauviettes! Écrire est un privilège qui se mérite! Il y a tellement de textes qui n’auraient jamais dû être imprimés...
– C’est vrai: je passe mon temps à en lire… J’essaie de trouver des excuses aux auteurs, de faire preuve de bienveillance, mais j’ai de la peine à me convaincre...
– Un texte doit immédiatement emporter son lecteur: il doit être indispensable ou ne pas être.
– Quand je lis ces textes à moitié ratés, je vois tout à fait ce qu’il faudrait faire pour qu’ils soient vraiment passionnants et, bien sûr, quand je m’y mets, je ne fais pas beaucoup mieux.
– C’est sans doute que tu n’es pas vraiment fait pour ça. Un peu de talent, c’est vrai, une bonne plume comme on dit, mais si ça suffisait pour écrire de bons livres, ça se saurait!
– Bon, je crois qu’on va en rester là. Je n’ai pas de plaisir à écrire et ça se sent.
– En effet.
– Le seul moment où je sens que ça vient, c’est quand la langue prend les commandes, quand elle se met à m’écrire.
– J’aimerais bien voir ça!
– Pas à me contraindre dans un réseau de conventions, non, mais à mettre des mots ensemble, dans un ordre auquel je n’avais jamais pensé, surtout pas quelques secondes avant.
– Bonjour!
– Vous êtes qui, vous?
– La langue.
– Déjà qu’à deux, on a de la peine à avancer...
– Laissez-la parler, s’il vous plait.
– Je ne vois pas pourquoi: la langue, c’est mon affaire, c’est mon métier, c’est ma vie. Ce n’est d’ailleurs pas de la langue qu’il s’agit, mais de ma langue, à moi!
– Ne dites pas n’importe quoi… Je vais devoir vous demander de vous taire, histoire qu’on lui prête une oreille attentive.
– Pas question: j’ai toujours donné mon avis de manière absolument pertinente, alors je ne vois pas pourquoi je...
– Taisez-vous! Madame: nous sommes tout ouïe!
– Je n’en ai pas pour longtemps, je venais juste vous demander d’arrêter ce dialogue absolument inutile.
– Je veux bien, je ne demande que ça, en fait, mais ça fait des années que ça se passe comme ça dès que je m’assieds devant mon écran...
– Vous vous posez trop de questions!
– Vous n’êtes pas la première à me le dire...
– Justement: ça suffit! Allez, hop: écrivez!
– Mais à propos de quoi?
– Vous le savez!
– Mais avec quel ton, quel vocabulaire? En je? En tu? En il?
– Vous vous foutez de moi? Je vous dis que vous le savez!
– Le texte de ma vie ne peut pas commencer comme ça!
– Alors comment? Hein? Je vous le demande!
– Vu sous cet angle...
– C’est l’écriture qui compte! Le résultat n’est qu’un effet collatéral.
– Voilà bien un point de vue de langue...
– C’est que vous êtes têtu!
– Je me demande si je préférais pas causer avec l’autre, là, tout compte fait...
– Il est là: il vous attend. Il sera très heureux de vous retrouver! D’ailleurs, je crois que je vais vous laisser.
– Non, pas tout de suite! J’ai besoin de vous entendre, j’ai besoin de votre voix dans mon oreille!
– Foutaise: vous n’avez besoin de rien du tout! Si vous croyez que quelqu’un va vous donner le moindre coup de main dans cette histoire, vous vous mettez le doigt dans l’oeil jusqu’au coude! Écrivez, nom d’un chien, écrivez!
– Je me sens fatigué, là, tout d’un coup.
– Quel genre de fatigue?
– Du genre pesant.
– Mais vous n’étiez pas fatigué, tout à l’heure, ou je me trompe?
– Non, enfin, je crois que non.
– Alors?
– C’est que...
– Alors?
– Bon, d’accord, je m’y mets.
– Bien.
– Mais c’est bien parce que c’est vous...
– C’est bien parce que c’est moi rien du tout! C’est bien parce que c’est vous! Quand vous comprendrez que vous êtes seul dans cette affaire et que toutes ces voix que vous inventez ne sont là que pour vous rassurer en vous tenant compagnie, vous continuerez à vous faire du mal en écrivant.
– Mais je ne veux pas être seul!
– Vous êtes seul. Ce n’est pas un point de vue ou une métaphore, c’est un constat.
– J’ai peur...
– Ça va passer. Le texte va vivre et vous réchauffer. Et, quand il s’arrêtera, c’est que vous n’aurez même plus besoin de lui.
– Vous croyez?
– Garanti sur facture!
– Alors: trois, deux, un, go!
– Écris ce que tu veux!
– C’est bien ça le problème...
– Pas de contraintes, aucune: juste mettre un mot et puis un autre...
– Oui, je veux bien. Mais, en même temps, tout a déjà été fait...
– Le truc du tout a déjà été écrit, c’est une excuse de fumiste! Il suffit d’être vraiment personnel.
– Je commence à me sentir pas très bien: j’ai mal au ventre et de la peine à respirer.
– Eh bien! Fais autre chose et reviens quand tu seras décidé. Écrire, c’est pas un truc de mauviettes! Écrire est un privilège qui se mérite! Il y a tellement de textes qui n’auraient jamais dû être imprimés...
– C’est vrai: je passe mon temps à en lire… J’essaie de trouver des excuses aux auteurs, de faire preuve de bienveillance, mais j’ai de la peine à me convaincre...
– Un texte doit immédiatement emporter son lecteur: il doit être indispensable ou ne pas être.
– Quand je lis ces textes à moitié ratés, je vois tout à fait ce qu’il faudrait faire pour qu’ils soient vraiment passionnants et, bien sûr, quand je m’y mets, je ne fais pas beaucoup mieux.
– C’est sans doute que tu n’es pas vraiment fait pour ça. Un peu de talent, c’est vrai, une bonne plume comme on dit, mais si ça suffisait pour écrire de bons livres, ça se saurait!
– Bon, je crois qu’on va en rester là. Je n’ai pas de plaisir à écrire et ça se sent.
– En effet.
– Le seul moment où je sens que ça vient, c’est quand la langue prend les commandes, quand elle se met à m’écrire.
– J’aimerais bien voir ça!
– Pas à me contraindre dans un réseau de conventions, non, mais à mettre des mots ensemble, dans un ordre auquel je n’avais jamais pensé, surtout pas quelques secondes avant.
– Bonjour!
– Vous êtes qui, vous?
– La langue.
– Déjà qu’à deux, on a de la peine à avancer...
– Laissez-la parler, s’il vous plait.
– Je ne vois pas pourquoi: la langue, c’est mon affaire, c’est mon métier, c’est ma vie. Ce n’est d’ailleurs pas de la langue qu’il s’agit, mais de ma langue, à moi!
– Ne dites pas n’importe quoi… Je vais devoir vous demander de vous taire, histoire qu’on lui prête une oreille attentive.
– Pas question: j’ai toujours donné mon avis de manière absolument pertinente, alors je ne vois pas pourquoi je...
– Taisez-vous! Madame: nous sommes tout ouïe!
– Je n’en ai pas pour longtemps, je venais juste vous demander d’arrêter ce dialogue absolument inutile.
– Je veux bien, je ne demande que ça, en fait, mais ça fait des années que ça se passe comme ça dès que je m’assieds devant mon écran...
– Vous vous posez trop de questions!
– Vous n’êtes pas la première à me le dire...
– Justement: ça suffit! Allez, hop: écrivez!
– Mais à propos de quoi?
– Vous le savez!
– Mais avec quel ton, quel vocabulaire? En je? En tu? En il?
– Vous vous foutez de moi? Je vous dis que vous le savez!
– Le texte de ma vie ne peut pas commencer comme ça!
– Alors comment? Hein? Je vous le demande!
– Vu sous cet angle...
– C’est l’écriture qui compte! Le résultat n’est qu’un effet collatéral.
– Voilà bien un point de vue de langue...
– C’est que vous êtes têtu!
– Je me demande si je préférais pas causer avec l’autre, là, tout compte fait...
– Il est là: il vous attend. Il sera très heureux de vous retrouver! D’ailleurs, je crois que je vais vous laisser.
– Non, pas tout de suite! J’ai besoin de vous entendre, j’ai besoin de votre voix dans mon oreille!
– Foutaise: vous n’avez besoin de rien du tout! Si vous croyez que quelqu’un va vous donner le moindre coup de main dans cette histoire, vous vous mettez le doigt dans l’oeil jusqu’au coude! Écrivez, nom d’un chien, écrivez!
– Je me sens fatigué, là, tout d’un coup.
– Quel genre de fatigue?
– Du genre pesant.
– Mais vous n’étiez pas fatigué, tout à l’heure, ou je me trompe?
– Non, enfin, je crois que non.
– Alors?
– C’est que...
– Alors?
– Bon, d’accord, je m’y mets.
– Bien.
– Mais c’est bien parce que c’est vous...
– C’est bien parce que c’est moi rien du tout! C’est bien parce que c’est vous! Quand vous comprendrez que vous êtes seul dans cette affaire et que toutes ces voix que vous inventez ne sont là que pour vous rassurer en vous tenant compagnie, vous continuerez à vous faire du mal en écrivant.
– Mais je ne veux pas être seul!
– Vous êtes seul. Ce n’est pas un point de vue ou une métaphore, c’est un constat.
– J’ai peur...
– Ça va passer. Le texte va vivre et vous réchauffer. Et, quand il s’arrêtera, c’est que vous n’aurez même plus besoin de lui.
– Vous croyez?
– Garanti sur facture!
– Alors: trois, deux, un, go!
mardi 8 mars 2016
Un usurpateur
– Je crois qu’on va commencer comme ça: chaque fois que je me mets à écrire, ça ne vient pas. Il faut toujours que je me batte contre moi-même et que je me force à rester devant mon écran pour que, finalement, après une bonne vingtaine de minutes, ça se décide à venir. Après, bien sûr, une fois sur ma lancée, je dépasse le point de fatigue et je termine totalement épuisé.
– Et pourquoi ça ne vient pas?
– T’as vraiment de ces questions à la con, toi...
– Qu’est-ce que tu veux, c’est mon job: toi, c’est écrire, moi, c’est de poser des questions...
– En fait, je me rends compte que j'ai toujours été chercher ailleurs: l'écriture, les voyages, la spiritualité. J'aimerais être mieux en contact avec ce qui se passe maintenant, autour de moi, j’aimerais que le réel soit vraiment mon maître à penser comme dirait quelqu’un que je connais. Mais je crois que le plus simple serait de partir d’un contre-exemple, d’une fois où ça n’a pas marché: cette semaine dont je t’avais parlé où L’Hebdo m’avait envoyé au nord du nord de la Norvège, à Tromsø, et où j’avais été complètement bloqué, incapable jusqu’au dernier moment de terminer mon article.
– Alors, à ce moment-là, qu’est-ce qui t’a posé problème avec l’écriture?
– C'est que je me sentais un usurpateur, que je ne me sentais pas le droit d’être là, à écrire: une impression très nette que je m’étais débrouillé jusqu’à ce moment-là pour jeter de la poudre aux yeux avec de belles phrases, mais qu’on allait bien finir par se rendre compte qu’il y avait erreur sur la personne...
– C'est-à-dire? Qu'est-ce qui te vient quand tu te sens un usurpateur?
– Ce qui me vient, c'est mon père en train de lire son journal dans la véranda de sa maison de Zurich et puis, aussi, sa vieille machine à écrire, dans son bureau du dernier étage. Mon père qui s'est choisi une écriture utile, sérieuse, une écriture rentable et cadrée de chroniqueur judiciaire à la NZZ, alors que moi je cherche une expression intime, personnelle, une expression libre. C’est comme si j'avais peur de le dépasser en m’appropriant quelque chose qui lui appartient. Et, c’est marrant, plus j’avais de liberté en Argentine, plus je me repliais sur des modèles d’écriture classiques et formatés, plus j’écrivais des romans au sens le plus scolaire du terme: la liberté que je me donnais par un bout, je me la reprenais par l’autre...
– Et si tu analysais ce qui te retient quand tu te mets à écrire?
– C'est vrai, ça semble logique... Plutôt que remarquer que l'écriture ne va pas et de forcer, d’écrire quand même, de me dire que ça va finir par passer: me pencher sur ce qui ne va pas… Je crois que c’est un problème d’image, que j’écris au conditionnel et pas au présent, à partir de ce que je devrais être pour écrire plutôt que depuis ce que je suis...
– Alors, pour la fin de la semaine, un beau dialogue entre l’écrivain et toi, ça te dit?
– On va essayer… Je pourrais le mettre sur mon blog… Enfin… On verra si j’ai le temps...
– Promis: je te lis chaque jour jusqu’à la fin de la semaine!
– Et pourquoi ça ne vient pas?
– T’as vraiment de ces questions à la con, toi...
– Qu’est-ce que tu veux, c’est mon job: toi, c’est écrire, moi, c’est de poser des questions...
– En fait, je me rends compte que j'ai toujours été chercher ailleurs: l'écriture, les voyages, la spiritualité. J'aimerais être mieux en contact avec ce qui se passe maintenant, autour de moi, j’aimerais que le réel soit vraiment mon maître à penser comme dirait quelqu’un que je connais. Mais je crois que le plus simple serait de partir d’un contre-exemple, d’une fois où ça n’a pas marché: cette semaine dont je t’avais parlé où L’Hebdo m’avait envoyé au nord du nord de la Norvège, à Tromsø, et où j’avais été complètement bloqué, incapable jusqu’au dernier moment de terminer mon article.
– Alors, à ce moment-là, qu’est-ce qui t’a posé problème avec l’écriture?
– C'est que je me sentais un usurpateur, que je ne me sentais pas le droit d’être là, à écrire: une impression très nette que je m’étais débrouillé jusqu’à ce moment-là pour jeter de la poudre aux yeux avec de belles phrases, mais qu’on allait bien finir par se rendre compte qu’il y avait erreur sur la personne...
– C'est-à-dire? Qu'est-ce qui te vient quand tu te sens un usurpateur?
– Ce qui me vient, c'est mon père en train de lire son journal dans la véranda de sa maison de Zurich et puis, aussi, sa vieille machine à écrire, dans son bureau du dernier étage. Mon père qui s'est choisi une écriture utile, sérieuse, une écriture rentable et cadrée de chroniqueur judiciaire à la NZZ, alors que moi je cherche une expression intime, personnelle, une expression libre. C’est comme si j'avais peur de le dépasser en m’appropriant quelque chose qui lui appartient. Et, c’est marrant, plus j’avais de liberté en Argentine, plus je me repliais sur des modèles d’écriture classiques et formatés, plus j’écrivais des romans au sens le plus scolaire du terme: la liberté que je me donnais par un bout, je me la reprenais par l’autre...
– Et si tu analysais ce qui te retient quand tu te mets à écrire?
– C'est vrai, ça semble logique... Plutôt que remarquer que l'écriture ne va pas et de forcer, d’écrire quand même, de me dire que ça va finir par passer: me pencher sur ce qui ne va pas… Je crois que c’est un problème d’image, que j’écris au conditionnel et pas au présent, à partir de ce que je devrais être pour écrire plutôt que depuis ce que je suis...
– Alors, pour la fin de la semaine, un beau dialogue entre l’écrivain et toi, ça te dit?
– On va essayer… Je pourrais le mettre sur mon blog… Enfin… On verra si j’ai le temps...
– Promis: je te lis chaque jour jusqu’à la fin de la semaine!
lundi 7 mars 2016
Leur acier est un ami du vent
Une note, de 1997:
"Il a dit:
– Notre cage ne possède que les barreaux qu’on veut bien lui forger, leur acier est un ami du vent."
"Il a dit:
– Notre cage ne possède que les barreaux qu’on veut bien lui forger, leur acier est un ami du vent."
dimanche 6 mars 2016
Une semaine à Tromsø
Une note, de 2004:
"D’abord, sur un tarmac de Norvège (celui d’Oslo ou de Trondheim): l’air que je respire à pleins poumons: du kérosène, de la neige, mais surtout beaucoup d’espace (et l’espace intérieur pour caser tout cet espace inspiré). Je vais à trois ou quatre cents kilomètres au nord du cercle polaire, mon journal m’a envoyé là-bas, je vais écrire un grand article, dans tous les sens du terme (quatre pages et tous mes dons d’écrivain en herbe).
Il fait nuit quand j’arrive à Tromsø : encore quelques lumières, par petits groupes, les routes qui sont blanches, c’est-à-dire de la même matière que tout le reste du sol mais avec des bords et parfois des phares. Un taxi jusqu’à l’hôtel (mon premier hôtel de fonction) et une balade sur les trottoirs gelés pour profiter de ce voyage, profiter déjà, profiter tout de suite.
La chasse aux détails pittoresques, à peine arrivé, beaucoup de détails pittoresques, des détails pittoresques que je vais synthétiser en quelques phrases, phrases que je vais tisser avec art autour de celles qui me serviront à décrire la pièce que je vais voir demain soir, la pièce pour laquelle j’ai été envoyé ici (parce que la femme du rédacteur en chef adjoint a travaillé avec le metteur en scène, mais c’est une autre question). Essayer de trouver des angles (c’est ça qu’il faut faire) pour ciseler de petits papiers d’ambiance (c’est pour ça que je suis là, que mon hebdomadaire a mis plusieurs milliers de francs sur le coup).
Il y a cette mer et le sel de cette mer en même temps que la neige, c’est ce qui me marque. À la fois la montagne et la plage. Et ces gros bateaux (pas si gros que ça, en fait, mais ils font gros, là). Une frégate militaire. Je crois qu’un brise-glace arrive, quelque chose comme ça. Les mouettes sur la neige. Très pittoresque.
Première nuit (mauvaise) dans mon hôtel de fonction.
Je suis fier de mon hôtel, pas de ma fonction: toujours eu un peu honte d’être appelé journaliste. Mais bon, je ne sais pas comment ça se dit en norvégien.
Premier petit-déjeuner: buffet large (assez pour faire un bon pique-nique, au prix où est la bouffe ici). Et rechasse aux détails pittoresques. Les maisons de couleur, les nuits longues (malheureusement, à cette époque de l’année, le rapport jour/nuit est tout ce qu’il y a de plus habituel: fifty-fifty, grosso modo – à imaginer, donc). Les rues verglacées qui montent et qui descendent, les pneus à clous, la montagne d’en face avec son téléphérique qui ne marche que le week-end en cette saison (pas de bol). Toujours le pittoresque, de quoi leur faire un putain d’article dont ils vont se rappeler.
Je vais voir une répétition, je rencontre le metteur en scène et le décorateur (et sa femme), ou le contraire, c’est-à-dire, le contraire dans l’ordre des actions. La pièce est à peu près nulle, le metteur en scène est gentil, on n’a pas grand-chose à se dire. Il faudra que je trouve beaucoup de choses intéressantes à raconter sur la ville pour bouffer un peu de la place prévue pour la pièce, parce que là, vraiment, je vois pas trop ce que je vais pouvoir écrire.
Un peu de shopping, une mauvaise pizza très chère, mes premiers doutes sur mes qualités de chasseur de pittoresque (mais pas encore sur mes qualités de rédacteur).
La première tient toutes les promesses de la répétition: la pièce est mauvaise, très mauvaise, enfin, la mise en scène, parce que Brecht, quand même, ça tient la route, même en norvégien avec le texte en français sur les genoux (il y a le mot hydropcie qui me reste – mais mon correcteur me dit que ce n’est pas français: peut-être un mélange du mot norvégien dont je ne me souviens pas et de sa traduction française qui doit s’approcher de quelque chose comme de la goutte).
Je noircis page sur page, sans beaucoup de succès. L’attaché de presse du théâtre me prête un vieux Mac qu’il m’amène dans le coffre de sa voiture. Ça ne va pas beaucoup mieux. Je pensais écrire pendant les trois jours payés par le journal et voyager après, mais, vu qu’après trois jours, je n’ai à peu près rien, je décide de rester là. Et le même attaché de presse me propose un appartement du théâtre, quelque part dans un immeuble locatif en banlieue.
Des murs de neige, une odeur de renfermé dont je me souviens sans pouvoir la décrire (comme souvent avec les odeurs). Au rez-de-chaussée, avec fenêtres sur la neige et sur quelques arbres. On empile le Mac comme on peut sur une table et je peux commencer à tourner en rond, à faire les cent pas dans ces trois pièces, à faire des huit, à sentir cette angoisse qui monte en moi, qui me tient, cette angoisse à laquelle je vais devoir m’habituer dans les années qui suivent.
Rien.
À la télévision, un clip de M, le fils de Mathieu Chedid. Là aussi, un souvenir précis de la musique, mais impossible de la décrire. Quelque chose de décalé avec une voix toujours en dérapage contrôlé. Et moi, assis par terre dans un coin de la pièce de l’ordinateur, la tête contre le radiateur, les yeux dans la télé sans faire exprès, juste pour ne pas trop penser à moi, c’est-à-dire à ce que je n’arrive pas à écrire.
Et la pièce, prise par un bout, prise par un autre. Les gémissements que je ne connais pas et qui sortent de moi (j’ai souvent un peu de peine à le croire, mais oui). Sorties à la chasse au pittoresque, sorties au supermarché du coin pour des denrées de première nécessité: bananes, yaourts, pain complet et gros sachet transparent de bonbons à prendre à la pelle (mes mains sur la poignée du caddie qui se serrent, qui se desserrent, qui la pétrissent en attendant à la caisse et l’envie de crier: un peu banal, mais c’est comme ça). Et encore les huit à travers l’appartement.
Tellement de stress que j’éjacule sans me toucher, juste en serrant les muscles du périnée, ou alors en me branlant à peine devant le lavabo de la salle de bain, plusieurs fois par jour, pour pas grand-chose, de la détente qui ne dure pas, un relâchement très rapide dans ce texte qui ne vient pas, dans cette guerre contre moi autour de ce texte qui ne vient pas (il ne tiendrait qu’à moi d’écrire un truc, disons, plus simple, de me débarrasser de ça vite fait, mais non, je m’enferme dans ma perfection et mes principes de sincérité face à cette pièce que je trouve nulle et pour laquelle on me paie pour écrire qu’elle est bien: ça semble simple, vu depuis ici, depuis maintenant).
Il y a aussi ce réveil, d’un seul coup, toujours à la même heure (sept heures, je crois), en sursaut, alors que je suis mort de fatigue à me ronger les poings toute la journée. Jusqu’au bruit du ventilateur du Mac qui est pénible, sans parler de sa sonnerie de mise en route, petite symphonie électronique en toc. Et le texte, bien sûr, qui ne vient pas, pas du tout.
Alors, je retourne en ville (et, dans la bouche, ce goût d’angoisse qui remonte du ventre, qui se mélange avec celui de la neige, avec celui des bananes pas mûres et du pain complet). Trouver n’importe quel moyen pour faire passer le temps, pour oublier que le temps ne passe pas, pour oublier que je suis là et que mon article refuse de venir, refuse de sortir, que je refuse de laisser venir mon article, de le laisser sortir.
Invitation de l’attaché de presse chez lui: du poisson, des patates à l’eau, quelque chose de typique et de pas très bon. Le bar original du bled où je fais la causette avec un habitué (de quoi est-ce qu’on a bien pu discuter, des îles Lofoten, ça me revient). Et garder la facture pour faire pittoresque (ce bar avait quelque chose de spécial). Et la longue pente entre les murs de neige pour retrouver mon petit appartement avec vue sur neige et Mac éteint. Branlette et rebranlette et au lit comme une masse. Et réveil à sept heures.
Je dois prendre cinq avions différents pour arriver à Genève, impossible de lire. Juste de la musique à fond (Eberhardt Weber) dans le duty-free de l’aéroport de Copenhague.
J’arrive à minuit et j’écris mon article jusqu’à cinq heures du mat. Je l’amène à la rédaction à neuf et je reste devant les écrans de la maquettiste à essayer de trouver ce que je pourrais bien mettre comme légende à ces photos.
Cette guerre de moi et moi contre la page, c’est le début d’une très mauvaise période. Je suis content de pouvoir l’écrire, maintenant, avec cette distance."
samedi 5 mars 2016
Ton regard le long du soir
Une note, de 1997:
"Tu me dis que tu laisses glisser ton regard le long du soir, que tu veux le laisser glisser longtemps et que peut-être il rencontrera mon épaule."
Deux contrôleurs en jaune fluo
L’air piquant descend des montagnes blanches, ouvre à la fois ma journée et mon esprit. Tout d’un coup, les lumières rouges et le tintement du passage à niveau: si je veux avoir mon train, je vais devoir courir.
Alors je cours, je passe à quatre pattes sous les barrières rouge et blanc, je me relève. Sauvé: quelqu’un est déjà devant l’abri et a certainement dû appuyer sur le bouton de l’arrêt facultatif.
Une image se superpose à l’interminable parking le long des voies: les deux contrôleurs en jaune fluo que j’ai vus monter hier soir dans le bus, après la gym des enfants.
Alors, plutôt que d’attendre le trajet jusqu’à Morges, je me bats contre mon iPhone pour prendre mon billet alors que le train approche, qu’il s’arrête, que les portes s’ouvrent.
D’entre les sièges de cette ligne où depuis plus de deux ans je n’ai jamais vu le moindre contrôle jaillit un couple en jaune fluo: je leur tends mon téléphone.
Alors je cours, je passe à quatre pattes sous les barrières rouge et blanc, je me relève. Sauvé: quelqu’un est déjà devant l’abri et a certainement dû appuyer sur le bouton de l’arrêt facultatif.
Une image se superpose à l’interminable parking le long des voies: les deux contrôleurs en jaune fluo que j’ai vus monter hier soir dans le bus, après la gym des enfants.
Alors, plutôt que d’attendre le trajet jusqu’à Morges, je me bats contre mon iPhone pour prendre mon billet alors que le train approche, qu’il s’arrête, que les portes s’ouvrent.
D’entre les sièges de cette ligne où depuis plus de deux ans je n’ai jamais vu le moindre contrôle jaillit un couple en jaune fluo: je leur tends mon téléphone.
jeudi 3 mars 2016
Une semaine à observer mon chat
– Comme j'avais fini mon livre, j'ai passé ma semaine de vacances à observer mon chat. C'est un très bon maître.
mercredi 2 mars 2016
Le chemin sur lequel on est déjà engagé
- Quel est le chemin qui mène à la Libération?
- Le chemin sur lequel on est déjà engagé conduit à la Libération.
- Le chemin sur lequel on est déjà engagé conduit à la Libération.
mardi 1 mars 2016
Avant la naissance de nos proches
- Avons-nous connu nos proches avant leur naissance pour que nous devions les connaître après leur mort ?
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