mardi 31 juillet 2012

Les mots pour le dire

– Excusez-moi. Est-ce que je peux écrire un phrase au... Comment on appelle ça?

– Tableau noir.

– Au tableau noir et vous corrigez?

– Bien sûr. Attends, je te fais un peu de place.

"Je suis desole d'avoir être un peu en dormi ce matin"

– Quelques petits détails à corriger, mais on comprend ce que tu veux dire.

Et Liam écrit de nouveau la phrase, juste en dessous, les fautes en moins.

Remplir le temps autour de mon présent

Une note, de 2010:

"Comme si être dans le présent me donnait l'impression d'être en équilibre, de courir le risque de tomber dans ce vide à la fois du passé et du futur, comme si j'avais besoin de remplir le temps autour de mon présent pour me sentir un peu plus en sécurité."

dimanche 29 juillet 2012

Il reste encore beaucoup de place

Tu vois, c'est là qu'on s'est mariés. Tu peux pas savoir ce que ça me fait plaisir de pouvoir enfin te montrer cette belle vue depuis la chapelle avec toutes ces montagnes qui nous font coucou! Ma chère Lucecita, tu sais, les montagnes, j'aime vraiment beaucoup ça!

Arrière-grand-papa Jack et arrière-grand-maman Irma, tu les as pas connus et moi non plus, mais ils sont enterrés sous ce caillou-là, c'est oncle Charles qui vient de nous expliquer. Quand je lui ai demandé si lui aussi il voulait être enterré ici, il a montré les autres cailloux couchés par terre dans la lumière rouge du beau vitrail qu'a fait Papou pour notre mariage et puis il a dit "Oui, bien sûr, il reste encore beaucoup de place!"

samedi 28 juillet 2012

Je ne suis pas à venir

Une note, de 2009:

"Me rendre compte, enfin, que je ne suis pas à venir."

vendredi 27 juillet 2012

Ce vouloir autre chose

Une note, de 2008:

"Ce vouloir autre chose qui m’empêche d’avoir vraiment ce que j’ai."

jeudi 26 juillet 2012

C'est pas juste pour être gentil

– La non-violence, c'est pas juste pour être gentil. Quand tu réprimes une réaction violente, tu te rends compte que la situation, d'elle-même, se résout sur un autre plan.

mercredi 25 juillet 2012

Le français de mon pays

Une note, de 2010:

"L'impression simple que les choses suivent leur cours, que les choses sont en route, que je suis en route. Vraiment, ce sentiment que les choses sont ajustées. Ce n'est plus, plus vraiment, un problème que Zoé soit une maison suisse, parce que je suis Suisse, parce que c'est comme ça, parce que je suis né dans ce pays, que j'ai été élevé dans ce pays et que je parle et que j'écris le français comme on le parle et comme on l'écrit dans ce pays."

mardi 24 juillet 2012

Faites votre temple en Suisse!

– Vous savez, on est en train de penser à rentrer.

– C'est vrai? Pourquoi?

– C'est que, euh, cette grande ville, c'est pas vraiment un endroit pour une petite fille... Mais bon, bien sûr, c'est un prétexte: quand on parle de Lucie, on parle de nous... Disons que c'est un bon prétexte.

– Vous pensez rentrer quand?

– Sans doute l'année prochaine, mais on n'a pas encore de date précise. Vous savez, si je reste à Buenos Aires, c'est surtout pour vous, pour pouvoir suivre votre enseignement au Furaibo.

Petit mouvement du menton vers le bas.

– Et puis vous vous souvenez, quand ma maman était venue nous voir pour la naissance de Lucie, elle vous avait demandé de faire un temple en Suisse, comme ça je pourrais revenir...

– Mais vous le ferez vous, ce temple en Suisse! Et puis je pourrai m'arrêter en route: c'est sur le chemin du Japon! Okamoto Sensei pourra aussi passer: s'il a pu arriver jusqu'à Buenos Aires, pas de raison qu'il arrive pas jusqu'en Suisse! Vous avez un moment pour une pizza?

– Euh, ben, je... Avec plaisir!

lundi 23 juillet 2012

Angélique

Vous savez, ces fleurs, c'est pas les miennes. C'est une dame qui a racheté le chalet et puis qui est morte mais son mari monte jamais. Alors il le loue, le chalet, mais y a jamais personne qui monte c'est pour ça que j'ai dit que c'est moi qui m'occuperais des fleurs. Je les coupe aujourd'hui parce que demain, c'est la canicule pour deux jours et dans la vallée on dit depuis très longtemps, mais ça intéresse plus personne, qu'il faut jamais couper l'herbe avant la canicule parce que ça dégage une odeur de putréfaction: vous pouvez essayer à côté de chez vous, vous coupez un tout petit bout et puis vous verrez.

Moi, je suis née à La Sage, mais j'ai fait mes études à Sion et puis à Martigny et puis à Fribourg, chez les bonnes soeurs, mais elles étaient déjà bien vieilles à l'époque alors elles doivent déjà toutes être là en haut. Je voulais faire professeur d'activités manuelles mais un jour mon père m'a téléphoné et il m'a dit "Tu voudrais pas t'occuper de la Poste?" Toutes mes études, ça servait à quoi? Mais je suis revenue. Non, c'est pas moi qui m'occupe de ces trucs du Népal, on a déjà bien assez de pauvres ici, il suffit d'aller voir à Sion. On va déjà s'occuper des gens d'ici. Moi, c'est Angélique, c'est un prénom pas courant. Pierre? C'est un grand saint ça, celui qui est aux portes du paradis et qui accueille ceux qui ont le droit d'y être.

dimanche 22 juillet 2012

Ich bin traurig

Une note, de 2007:

"A Silvia qui me demande si c’est l’écran qui me donne les yeux rouges, je réponds:

– Ich bin traurig.

Et je lui explique en allemand pourquoi.

Et je lui dis que ça me fait bizarre de lui expliquer tout ça en allemand."

samedi 21 juillet 2012

Juste cette plénitude simple et vide

Une note, de 2010:

"Quand je suis sorti de chez la maman de Rubén pour l'accompagner à l'arrêt de bus pour chercher son ami, j'ai senti très fort l'espace autour de moi. Je me suis senti dans le même état que souvent le dimanche, parfois à Grandson, parfois à Lausanne, souvent après le dîner de Noël, ce sentiment de vide, ce sentiment d'absence absolue de particularité du moment, d'absence absolue de particularité du paysage qui m'entourait, mais de grande plénitude simple, tellement simple qu'elle est à deux doigts de passer inaperçue, cette plénitude dont je commence à savoir qu'elle est la vraie plénitude, pas celle qui fait vibrer, pas celle qui projette dans des lendemains qui chantent, juste cette plénitude simple et vide, cette plénitude vide à l'intérieur du moment absolument présent. Bien sûr, ça ne dure pas, mais je suis heureux d'y être attentif, je suis heureux de savoir reconnaître ces moments. Je sais maintenant que la plénitude véritable est celle-là, qu'il n'y en a pas d'autre et qu'elle est à portée de main."

vendredi 20 juillet 2012

Depuis une carte aérienne

Une note, de 2007:

"La réceptionniste qui commence à me donner son numéro en züritütsch et qui recommence en bon allemand.

La carte aérienne de Swisscom avec les petits sigles des hôpitaux. C’est celui qui est dans la forêt, devant lequel on était passé en montant au resto le jour des photos."

jeudi 19 juillet 2012

Ni oui ni non

Une note, de 2010:

"Hier soir, Gustavo parlait du problème de l'attachement aux idées, de Nagarjuna qui avait tranché la question de la réalité des choses – est-ce que les choses sont réelles ou est-ce que les choses sont une illusion – en répondant à sa manière, c'est-à-dire en disant que non si on lui disait que oui et que oui si on lui disait que non, pour que ses interlocuteurs ne s'attachent pas à leur pensée, ne s'attachent pas à leur croyance, même pas à ça, non, même pas à ça."

mercredi 18 juillet 2012

Trouver chaussure à son pied

Au Japon, on dit qu’il y a deux choses qu’on ne peut pas vraiment choisir, les chaussures et les maris: on prend ceux qui nous vont.

mardi 17 juillet 2012

La colère est déjà là, en nous

– Quand on se met en colère, c'est que la colère était déjà là: ce sont les circonstances qui font s'exprimer ce qui est déjà en nous. L'origine de la colère vient toujours de moi, c'est pour ça qu'elle explose à l'intérieur de moi: c'est ce que Bouddha a appelé désirs et passions. Ce que dit l'autre est une circonstance qui fait sortir ce qui est déjà à l'intérieur de nous. La prochaine fois qu'on se mettra en colère, on pourra s'amuser un moment avec notre nombril: on ne pourra nous énerver qu'avec nous-mêmes.

lundi 16 juillet 2012

Devant Las Violetas

Une note, de 2007:

"Papa est mort hier matin.

J’ai vu le soleil prendre de la force contre un immeuble plat, j’attendais l’ouverture de Las Violetas."

dimanche 15 juillet 2012

Sincérité, responsabilité et puis un ami juge

– Chez nous, on dit que, dans la vie, t'as besoin de sincérité, de responsabilité et puis d'un ami juge. C'est vrai, parce que tu peux tout faire le mieux possible et puis quand même finir en prison. Mais, si t'as un ami juge, il peut toujours te sortir d'affaire, parce qu'un juge, c'est même au-dessus d'un politicien.

samedi 14 juillet 2012

La souffrance est une question

– La souffrance en elle-même est déjà une question. C'est à nous d'y répondre.

vendredi 13 juillet 2012

M'en sortir avec mon intelligence

Une note, de 2010:

"Et puis il y a aussi ce besoin de finir tous ces Wittgenstein, d'une part pour avoir quelque chose à ramener en Suisse, mais aussi pour comprendre cette petite différence qui permet d'arriver au bonheur à partir de ce qu'il pense lui. Du fait qu'on ne puisse appliquer aucune logique aux événements du monde, il arrive à la conclusion que tous les événements du monde sont d'une certaine manière accidentels, alors qu'un bouddhiste – ou un croyant – dirait qu'ils arrivent pour quelque chose, qu'ils ont une raison, mais qu'on ne connaît pas, qu'on ne peut pas connaître, en tout cas pas en faisant appel à sa raison.

Le diagnostic de Wittgenstein est l'un des plus précis que je connaisse, mais il manque le dernier petit bout, le lâcher-prise une fois que la pensée est allée aussi loin qu'elle pouvait aller. J'ai l'impression que Wittgenstein est resté attaché à sa pensée, qu'il est resté attaché à son génie, que c'est d'une certaine manière son génie qui l'a empêché d'entrer vraiment dans la vie – tout comme c'est mon intelligence assez dégourdie qui m'empêche d'entrer dans la mienne, mon intelligence à laquelle je me raccroche parce qu'elle m'a plutôt bien servi jusqu'à présent. Dans sa biographie, on parle de ses tentatives pour changer de vie, jardinier, architecte, de la Norvège: ça me donne l'impression que lui aussi sentait que ce n'était pas comme ça qu'il allait y arriver – pareil pour ces conseils qu'il donnait à ses étudiants pour les dissuader de devenir profs de philo.

Et, en plus, de voir Bouveresse se démener pour tirer au clair la pensée de Wittgenstein – même en mettant à plat les axiomes de ce que serait le mysticisme – me montre que la pensée, même la plus affûtée, et Dieu sait si ces deux pensées-là sont affûtées, ne permet pas d'arriver à une véritable solution. C'est peut-être pour ça, aussi, que je m'acharne sur ces lectures, en ce moment, pour me sortir de la tête cette idée que, quand même, au fond, si je me donne assez de peine, je pourrai m'en sortir avec mon intelligence, je pourrai m'en sortir avec le contrôle sur ce qui m'arrive.

Je crois que ça m'aide à mieux comprendre quelle partie de moi j'ai à lâcher encore, que ça m’aide à mieux dessiner cette partie de moi qui tient encore à la raison, cette partie de moi qui croit encore que la raison, que ma raison, va me permettre de trouver une solution à ma vie. Je crois qu'en effet, si je lis Wittgenstein, si je lis les philosophes, si je lis les écrivains, c'est de moins en moins pour trouver une solution chez eux, c'est pour mieux cerner cette partie de moi, cette partie éduquée de moi qui pense pouvoir trouver une solution chez eux, qui pense que la solution se trouve chez eux.

C'est bien sûr un stade intermédiaire, parce que c'est encore utiliser ma raison pour me passer de ma raison, ce n'est pas encore le laisser-aller complet dans la confiance, dans la confiance véritable, cette confiance qui ne comprendrait même plus ce besoin de chercher une solution ou même une absence de solution chez les philosophes et chez les écrivains. Mais je peux commencer par faire confiance à cette intuition qui me fait me jeter sur Wittgenstein, parce que c'est mon chemin, que c'est sans aucun doute mon chemin à moi pour arriver à cette confiance entière."

jeudi 12 juillet 2012

Il va falloir étudier beaucoup

– Il va falloir étudier beaucoup, alors!

– Mais si on sait déjà tout, si on n'a pas besoin de s'améliorer vu qu'on est déjà parfait comme on est, qu'il faut juste se convaincre, juste se rappeler qu'on sait déjà tout ce qu'il faut savoir?

– Se rappeler, oui, se rappeler...

mercredi 11 juillet 2012

Le clignotement du curseur

Une note, de 2010:

"Le clignotement du curseur en bout de ligne me touche, je ne sais pas très bien pourquoi. Comme une sorte d'attente, patiente, de la page, un tout petit mouvement qui m'invite à en dire un peu plus, à chercher un peu plus loin, un autre petit clin d'oeil."

mardi 10 juillet 2012

Avoir des projets

Avoir des projets, sous prétexte de "pallier les carences de ma relation déficiente au monde", me donne l'illusion de maîtrise: je choisis l'endroit où je focalise mes énergies, je m'y trouve par conséquent déjà un peu, comme protégé par tout ce qui est mien dans ce trajet projeté.

lundi 9 juillet 2012

Le péquenot de quelqu’un d’autre

Une note, de 2006:

"On est toujours le péquenot de quelqu’un d’autre."

dimanche 8 juillet 2012

Les désirs sont nos guides

– Les désirs et les passions nous enseignent que ce n'est pas à travers les désirs et les passions que nous pouvons atteindre le bonheur. Les désirs et les passions sont là pour nous aider à nous diriger vers la vraie paix spirituelle.

samedi 7 juillet 2012

Oscar

Moi, je suis pour aider les gens, pour donner un coup de main, mais tu vois, par exemple, ce matin, je vais amener une maman et sa petite fille au jardin d'enfants: je les aide à descendre du taxi et puis y a deux types avec des valises qui arrivent, juste là, au carrefour de Juncal et Liberdad. Les types, ils montent, et moi je leur dis que je vais mettre leurs valises dans le coffre, comme ça ils auront plus de place devant.

On a pas fait dix mètres que j'entends comme un coup sur la carrosserie et je me dis "Merde, j'ai touché quelqu'un avec sa valise." Alors je m'arrête juste après le carrefour et y a un type qui me fait des signes: je baisse la vitre et il me dit qu'il y a un truc qui vient de tomber de ma voiture, peut-être un truc de la roue, mais que c'était trop chaud alors il a pas pu le ramasser. Il dit que c'est tombé juste là, derrière une camionnette qui est parquée à côté.

Alors je me parque un peu mieux et je sors pour aller voir avec le type, mais le type il m'amène vers l'autre trottoir, juste pour mettre la camionnette entre mon taxi et moi. Du coup moi je me dis "C'est quand même bizarre, il m'a dit que c'était tombé de l'autre côté et il m'amène pile en face". Alors je lui dis "Tu crois pas que tu vas m'avoir aussi facilement, moi, la rue, je connais depuis pas mal plus d'années que toi!"

Quand je retourne à mon taxi, il y a déjà deux autres types, bien fringués, costard et tout, qui sont en train de demander aux mecs dans mon taxi de descendre. Peut-être qu'ils les avaient vu sortir de l'hôtel et peut-être qu'il y avait du fric dans leur valise, qu'est-ce que j'en sais moi. Alors je leur dis "Virez-moi vos sales pattes de là et foutez le camp!" et les trois types, là, ils partent en marchant, comme si de rien n'était.

C'est quand même pas possible, cette ville: y a quelqu'un qui tombe dans les pommes et tu vas hésiter à sortir pour l'aider parce que tu sais pas si c'est une embrouille et si t'as pas deux autres mecs qui vont te tomber dessus à peine t'es sorti de ta caisse. Enfin bon, c'est comme ça, c'est la vie, en tout cas c'est pas la Suisse, hein?

vendredi 6 juillet 2012

Regarde!

– Un homme très riche monte avec son fils sur une colline près de leur village et il lui dit: "Tu vois, mon fils, un jour tout ceci sera à toi!" En redescendant, le fils commence à s'inquiéter: et si son père changeait d'avis? Le lendemain, un homme pauvre monte sur la même colline avec son fils et il lui dit: "Regarde!"

jeudi 5 juillet 2012

Un texte utile aux autres

Une note, de 2010:

"L'important n'est pas d'avouer, d'avoir le courage de dire en entier ce qui m'est arrivé, ce que je pense – à la Dantec –, mais d'avoir l'intuition de ce qui, dans cette quantité de choses qui m'arrivent, qui arrivent et que je pense, peut servir un texte utile aux autres, ce qui dans mon expérience peut non seulement être généralisé mais apporter du sens, apporter ce sens que j'apprends à donner à ce qui arrive."

Comment ne pas écrire sur soi?

Le concept d'autofiction était, en ce temps-là, sur toutes les lèvres. Était-ce de l'autofiction? N'était-ce pas de l'autofiction? Avait-on simplement le droit d'écrire de l'autofiction?

N'aurait-on pas finalement mieux fait, histoire de clore une fois pour toutes les débats, de se demander s'il était vraiment possible d'écrire autre chose que ça?

mardi 3 juillet 2012

L'artiste et l'illuminé

L'artiste, au sens romantique du terme: je suis qui je suis et je vous le dis pour en être bien sûr.

La personne illuminée au sens du bouddhisme: je suis qui je suis et je le sais.

lundi 2 juillet 2012

Un plaisir immédiat de type sexuel

Une étude affirme que parler de soi sur les réseaux sociaux procure un plaisir immédiat de type sexuel. Je confirme.

dimanche 1 juillet 2012

Anna

Une femme est partie du Bar Tabac en laissant ses deux valises, une écharpe et un foulard. Jusque-là, ça va, mais elle a aussi laissé son alliance sur une table et une chaussure sous une autre.

En fait, elle était juste enfermée dans les toilettes, enfin, pas enfermée, parce qu'on lui a dit de tourner le truc dans un sens, mais, en fait, c'était déjà ouvert, alors ça fait qu'elle a fermé au lieu d'ouvrir, mais non! Elle est pas malade! Ces yeux tout jaunes et ces bras maigres qu'elle gratte tout le temps, c'est parce qu'on lui a greffé le foie d'un mort!

Son coma, elle aurait pu s'en sortir toute seule, parce ce qu'ils ont fait, sa religion – elle est orthodoxe – ça le permet pas. À l'hôpital, déjà, elle arrivait pas à soulever son verre d'eau qui pesait une tonne alors on lui a donné un canard, un verre avec un petit bec qu'on peut mettre dans la bouche, mais c'était pas beaucoup plus simple.

Elle est rapidement arrivée à marcher cinquante mètres, vingt-cinq de plus que la dernière fois et même les marches entre les étages, ces marches qui avaient l'air aussi hautes que des montagnes, elle a commencé à aimer ça! Mais non, elle est pas malade! Ses jambes toutes gonflées, c'est à cause de la chaleur, c'est d'ailleurs pour ça qu'elle a deux chaussures différentes, la sandale rouge qu'elle a au pied et l'autre qu'elle avait oubliée sous la table – c'est vrai, ça? –, cette basket noire que Mehmet était allé la récupérer en tirant presque pas la gueule.

Vous savez, je vais souvent au Mont-Pèlerin, chez les bouddhistes tibétains. Ils m'ont dit que je devais être avec des gens joyeux, des gens comme moi, des gens qui aiment la vie, et puis ils m'ont dit que je devais me reposer beaucoup et faire très attention à ce que je mangeais. Tout le monde me dit que j'ai l'air malade, mais ça va, c'est juste quand je suis un peu stressée.

Moi c'est Pierre et elle c'est Anna, elle a des origines de Hongrie et, d'ailleurs, elle va aller acheter une petite saucisse spéciale dans un magasin de la Palud, mais c'est déjà passé cinq heures alors, vu qu'on est samedi, ça doit déjà être fermé, mais on est vendredi, alors c'est bon, vous êtes la deuxième personne qui me dit aujourd'hui qu'on est vendredi: si vous devez y aller, je vais y aller aussi.

Ah non, le patron veut pas que je laisse mes affaires ici? Bon, bin je vais les amener à la consigne à la gare, mais non, mais non, vous inquiétez pas, ça va aller: vous croyez quand même pas qu'elles sont venues toutes seules, les valises!

Ça m'a rendu mature et responsable

– Tu crois pas que "Cette naissance, ça m'a rendu mature et responsable a dit ma maman", c'est un poil contradictoire?

– Ah, tu sais, ça fait partie du pack...